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Avec les bénévoles évoluant en coulisses des différents matchs, lors de la Coupe du Monde, et les choristes acceptant gracieusement de joindre leurs voix aux méga concerts de Johnny Hallyday dans ce même stade de France, le travail gratuit a fait des pas de géant dans notre pays [bien avant les futurs Jeux Olympiques de 2024]. Le constat est d'autant plus choquant quand on le rapproche des budgets colossaux de ces entreprises de spectacle.
Le film « Nos vies heureuses », actuellement en cours de tournage à Tours, n'appartient certes pas à cette catégorie. Le producteur justifie le recours à des figurants non rémunérés par la minceur des moyens financiers consentis au réalisateur Jacques Maillot pour son premier long métrage (*).
La production avait annoncé la couleur, avant même le casting organisé pour le recrutement des figurants. C'est donc sans surprise que ces derniers se sont vu proposer de signer des contrats assortis d'une indemnité de zéro franc.
Abandon d'image
Mais, en lisant attentivement le texte, certains y ont découvert qu'ils abandonnaient pour l'éternité l'exploitation de leur image. Ainsi, le signataire est « irrévocablement d'accord pour que les sociétés qui produisent, distribuent, exploitent ce film sous ce titre ou un autre, conservent tous les droits » sur son image, lesdites sociétés pouvant les utiliser « à leur gré » dans d'autres films ou spots publicitaires au cinéma ou à la télévision, « ou par tout autre moyen connu ou inconnu à ce jour, et ce pour le monde entier… »
On voit rarement autant de clauses léonines dans un contrat dont l'un des signataires abandonne tous ses droits à l'autre sans aucune contrepartie. Faust, au moins, avait-il vendu son âme au diable !
« Ça a l'air dur, mais on ne peut pas faire autrement », répond benoîtement le directeur de la production, qui explique : « Il faut se prémunir contre le moindre risque de ne pouvoir monter un plan comportant une personne qui aurait changé d'avis ». Moralité : vous avez signé pour payer de votre personne.
Alain Nordet, La Nouvelle République, Septembre 1998
(*) Le film, financé par Canal Plus, ainsi que par les régions Franche-Comté et Centre (via l'Atelier de production Centre-Val de Loire) a même été primé je ne sais où...