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Billet de blog 27 décembre 2023

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Amants terribles dans l'enfer conjugal

« Loulou à la Nounou - Illustrations d'Azo »

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Illustration 1
© Azo

Tranches de vie pur beauf à l'audience correctionnelle du tribunal de grande instance de Tours, jeudi. Maurice et Christiane entretiennent des relations tumultueuses depuis des années. Ruptures et réconciliations se succèdent dans le cours torrentueux de leurs amours. Leur vie s'est déjà étalée devant les juges à plusieurs reprises.
Lui, 38 ans, chômeur, comparaît détendu. Silhouette râblée, front buté, il est qualifié de « très égocentrique ». Considéré comme impulsif et violent, il a déjà été condamné pour ses accès de colère envers son amie. Elle, rondelette, coquette, dressée sur ses ergots, c'est pourtant une ferme de tête. Ils ont eu deux enfants ensemble. Leurs yeux s'évitent mais, parfois, deux regards noirs se croisent. Pas facile de rester impassible à l'énumération des multiples incidents qui les lient l'un à l'autre aussi sûrement que les souvenirs de la tendresse.

« Possédé » par elle

A présent, Maurice a une autre amie. Mais il ne se résigne pas à la séparation, car Christiane le « possède », comme il dit. En mai 1990, le tribunal lui avait ordonné de ne plus la revoir, en pure perte. D'autres condamnations suivent jusqu'à cette nouvelle plainte de Christiane, « pour la énième fois », qui le fait comparaître pour « coups, violences volontaires, destruction et détérioration du bien d'autrui ».
Le soir du 5 avril, il délaisse sa nouvelle amie pour retourner au bercail des amours anciennes, à Joué-lès-Tours. Mais la maîtresse abandonnée refuse de le laisser entrer. Coups de poing et de pied dans la porte n'ont d'autre effet que de provoquer un trou de cinquante centimètres. Lui se retrouve derrière les barreaux.
« Si vous avez une nouvelle concubine, il faudrait savoir tourner la page », lui conseille Mme Molière, la présidente. Silence gêné de l'intéressé. « Maintenant qu'il a choisi de vivre avec l'autre, je subirai jusqu'au bout. J'irai pas le rechercher », assure Christiane. Le doute plane sur le prétoire.

Pas de psychologie

Mais pas dans l'esprit du ministère public en la personne de Mlle Obadia qui tonne son ras-le-bol : « La justice n'est pas là pour régler les affaires de ce couple. Je ne ferai pas de psychologie. » Et de réclamer « une peine exemplaire d'au moins douze mois d'emprisonnement », à l'encontre de Maurice.
Son défenseur, M° Boualem Bendjador, a beau jeu d'ironiser sur les scènes de violence réciproques en se gaussant de « cette femme battue qui le relance », rappelant un coup de pistolet « accidentel » et un coup de couteau portés par « la panthère à son amant volage ». Christiane bondit : « C'est lui qui me relance, il vient chez moi m'emmerder. » Après retour au calme, encore drapé dans sa dignité offensée, l'avocat sollicite la compréhension du tribunal.
Réponse des juges, après suspension : un an de prison ferme, interdiction de séjour pendant trois ans, versement de 10.000 F de dommages et intérêts à la victime au titre des préjudices corporel et moral, remboursement des frais de réparation de la porte et des frais d'avocat des parties civiles.

Alain Nordet, La Nouvelle République, Mardi 24 novembre 1992

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