Ses deux collègues ont été condamnés, l'un à 2.000 F d'amende pour attentat à la pudeur, l'autre à 1.000 F pour voies de fait.

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Elle n’est pas peu satisfaite de sa « grande victoire », Marinette Bourreau, la postière agressée sexuellement par deux de ses collègues au service paquets à Tours. « Je me sens mieux maintenant », confessait-elle après avoir entendu le jugement condamnant les deux hommes respectivement à des amendes de 2.000 F et 1.000 F. « Je craignais pour eux la prison. C'est bien, ils n'en feront pas. Ils ne perdront pas leur travail. »
La jeune femme avait, en effet, des scrupules à poursuivre en justice deux pères de famille : « J'en étais venue à culpabiliser moi-même. » La pétition de soutien aux deux postiers, signée par 115 de ses collègues, pesait aussi dans la balance. Tout comme la présence d'une centaine d'entre eux lors de l'audience.
Ils étaient encore très nombreux pour assister à la lecture du jugement condamnant un des leurs pour attentat à la pudeur et l'autre pour voies de fait, avec dispense d'inscription au casier judiciaire, ce qui sauvegarde leur emploi dans le service public. Ce public inhabituel a quitté la salle bien calmement, comme soulagé.
Mme Bourreau. elle aussi, est soulagée : « Ce que le voulais entendre, c'était le mot “coupables“. La condamnation va peut-être en freiner quelques-uns. Je suis satisfaite pour moi-même et pour toutes les autres femmes dans mon cas. »
Elle est toujours en arrêt de maladie (à présent en demi-traitement) depuis les faits, qui s'étalent produits six mois auparavant. Ce jour-là, elle n'a pas pu supporter les gestes et propos obscènes de ses deux collègues. Dépression, traitements médicaux, examens psychiatriques se sont succédé.
Il lui faudra encore se soumettre à l'expertise médicale de deux psychiatres et un gynécologue, ordonnée par le tribunal pour statuer sur la réparation de son préjudice. Mais, d'ores et déjà, les deux postiers ont été condamnés à lui verser solidairement une provision de 6.000 Francs à titre de dommages-Intérêts.
Pugnace dans sa lutte, Mme Bourreau ne s'en tient pas là. Ce jugement lui permet désormais d'engager la responsabilité civile de la Poste dans cette affaire, devant le tribunal administratif, pour lui réclamer des dommages-intérêts. Elle estime notamment que la direction n'a pas pris ses responsabilités par rapport à la situation. Et de souligner en forme de mise au point : « Il n'y a pas eu de mutation pour aucun des intéressés, seulement des observations et un blâme. »
Enfin, devenue personnage médiatique, Marinette Bourreau vient de terminer, dans sa maison à Semblançay, la rédaction d'un livre sur sa mésaventure Intitulé « Poste connection ». « J'y dénonce les pratiques psychiatriques exercées contre mes collègues qui se plaignent comme moi. Ça m'a fait du bien d'y travailler, comme une forme de thérapie. » Pour le conclure, elle n'avait plus qu'à y ajouter le jugement finalement rendu, somme toute modéré.
Alain Nordet, La Nouvelle République, 27 mai 1993