Les fêtes de la gare de Véretz-Montlouis, prévues ce week-end, ont été annulées après l'installation d'une centaine de caravanes à proximité des lieux. Les forains refusent un voisinage qu'ils estiment préjudiciable à leur commerce.

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Pour la dernière fois, les fêtes de la gare de Véretz-Montlouis devaient se dérouler ce week-end, sur le terrain du « Parc des Frênes » au lieu-dit « Thuisseau », en bordure de la départementale 140. Des aménagements routiers doivent en effet y être prochainement entrepris qui amputeront une partie des lieux. Mais il n'y aura pas de dernière fois, après la décision du comité des fêtes d'annuler les festivités prévues, pour cause de promiscuité indésirable.
C'est que, depuis lundi après-midi, une centaine de caravanes des gens du voyage font escale pour une semaine sur le terrain voisin. La présence nomade n'a pas l'heur de plaire aux forains pressentis pour participer aux réjouissances. Ils refusent d'installer leurs métiers si près de ces pestiférés censés faire fuir la clientèle. La réputation des « voleurs de poules » a encore de beaux jours !
Contre les préjugés
Le président du comité des fêtes n'a pu que s'incliner devant l'opposition irréductible de ces professionnels, pourtant cousins des gens du voyage. Non sans rappeler, cependant, que des incidents attribués aux nomades s'étaient déjà produits au même endroit voici deux ans : « Il y avait eu des déprédations sur notre terrain. Du matériel et des marchandises avaient été volés. » Des dédommagements avaient toutefois été versés pour ces actes incontrôlés de la part des responsables tziganes.
Car les voyageurs tiennent à promouvoir une « image de marque » différente de la réputation tenace qui les précède. Ceux de la Mission évangélique tzigane de France, présents à Montlouis, se battent à leur manière contre les préjugés. En brandissant d'abord leur religiosité. « Nous sommes là pour prêcher la bonne nouvelle, l'Évangile, dit un de leurs pasteurs, nous n'allons pas nous comporter en contradiction avec nos principes chrétiens. »
Pour preuve, il montre de nombreuses attestations de mairies mentionnant le comportement très civil des voyageurs, assorti du versement de redevances ou de dons pour l'occupation et la remise en état des terrains fréquentés. « À Montlouis comme ailleurs, dit-il, les lieux seront laissés en état de propreté. » D'autant que les gendarmes se sont chargés de leur installer des conteneurs à ordures.
Côté maréchaussée, en effet, on ne voit pas ce qu'on pourrait reprocher aux voyageurs stationnés sur un terrain privé dont le propriétaire n'a pas demandé leur expulsion (*). Quant aux pasteurs évangélistes, ils se déclaraient prêts à installer leurs ouailles dans un autre endroit de Montlouis. Malheureusement, le terrain municipal est trop exigu pour les recevoir tous.
Évangélisation chaque soir
Ils resteront donc vraisemblablement près du « Parc des Frênes » sous un petit chapiteau dressé pour abriter leurs réunions d'évangélisation. Chaque soir, ils prêcheront et chanteront la bonne nouvelle pour tous ceux qui voudront bien la recevoir, y compris les gens de Montlouis et d'alentour qui le désirent.
Est-ce pour se faire pardonner leur intrusion ? « Quand on demande préalablement l'autorisation de s'installer sur un terrain, c'est le refus neuf fois sur dix. Alors on s'installe d'abord », avoue ce pasteur. Une manière de mettre les autorités au pied du mur. Car les gens du voyage, s'ils ont des devoirs, ont aussi des droits n'est-ce pas ?
La question de l'accueil
Comme nous aussi, leurs grandes migrations se font en été. C'est la période des vastes rassemblements qui remettent à l'ordre du jour la question de l'accueil. En conclusion de son communiqué relatif à la suppression de la fête, la mairie de Montlouis, qui déplore l'installation des caravanes « par effraction », pose justement le problème en rappelant à chacun ses obligations. Pour que l'occupation de terrains privés sans autorisation, avec tous les risques d'incidents habituels, ne serve pas de dangereux palliatif à l'absence d'équipements.
(*) « Je n'ai pas porté plainte parce que je ne veux pas dépenser un sou pour des Romanichels. » Le ton est donné par la propriétaire du principal terrain occupé. Ces mots sont prononcés tranquillement, presque sans agressivité, mais ils en disent assez. On a compris que « ces gens-là » ne sont pas comme nous : « On ne sait même pas de quoi ils vivent » [Ils font de la vente au porte-à-porte en proposant du linge de maison, du rempaillage de chaises, etc. D'autres offrent leurs services pour des travaux d'élagage.]
Le son de cloche est différent chez l'exploitant agricole usager régulier de ces terres qui servent de pâturage à ses bêtes : « Porter plainte, ça ne sert à rien. On attend qu'ils partent la semaine prochaine, comme ils l'ont annoncé, et on n'en parle plus. »
Alain Nordet, La Nouvelle République, condensé de deux articles parus les 4 et 6 août 1993.