La « cuvée antipape » : divine

Le Collectif contre la venue du pape à Tours avait opté pour la bonne humeur en proposant, samedi après-midi place Jean-Jaurès, sa « dégustation publique, laïque et gratuite d'une cuvée antipape 96 ». Les mécréants en avaient rajouté dans le sacrilège puisque ledit vin, quoique divin, ne provenait pas de vignes tourangelles.
Les hérétiques bouteilles de Cahors furent néanmoins vidées jusqu'à plus soif par des passants pas pressés. Certains n'hésitèrent pas à conserver le flacon pour son étiquette où figurait cette exhortation : « Prenez et buvez-en tous, ça vous changera du vin de messe ».
Un expert es œnologie laïque a relevé que le nectar antipapiste avait de la cuisse, sous sa robe « empourprée avec une dominante de pousse, le goût chaptalisé au renouveau charismatique, et un arrière-goût de sabot de mule très légèrement étolé ». Il a toutefois déploré « une petite pointe d'acidité extrémiste ».
Quelques jeunes gens se réclamant du Comité Saint-Martin n'ayant guère apprécié l'humour vineux, d'aigres propos furent échangés entre pro-papes et antipapes. L'affaire aurait pu tourner au vinaigre, mais la guerre picrocholine fut sagement évitée, chacun se retirant à bonne distance pour distribuer ses tracts.

« Le pape c'est combien ? »

Sous le titre « Le pape, c'est combien ? » celui du Collectif s'insurge contre l'engagement de dépenses publiques pour le séjour en Touraine du  pasteur universel, évalué à « un minimum de 13 millions de francs ». Une argumentation proche de celle développée par le CLIL (Centre laïque d'information et de liaison).
Mais les anti mènent également le combat « contre l'ordre moral » en s'opposant « aux idées réactionnaires véhiculées par le pape Jean-Paul II » (dans sa papamobile ?). Une pétition était donc proposée aux badauds qui ne badinent pas avec les principes de laïcité.
Côté pro, le tract du Comité Saint-Martin dénonce « l'intolérance » en désignant « la haine ordinaire distillée par des journaux comme « Charlie Hebdo » contre le pape. Les supporteurs du prélat invoquent l'exemple du Saint pour inviter chacun à « avoir l'humilité de le rencontrer » en suivant « la route difficile de la civilisation ».
Dans les deux camps, pas question de trinquer ensemble !

Alain Nordet, La Nouvelle République, 26 août 1996