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Il a participé aux opérations de Centrafrique et du Liban, d'où il est revenu avec quelques médailles et une cicatrice. Presque dix ans de Légion étrangère où il s'était engagé en août 1982. C'est en octobre 1991 que l'armée décide de se séparer de lui. « On m'a réformé pour asthme » avance-t-il.
Depuis, rien ne va plus pour cet homme de 30 ans qui ne connaît que le métier des armes. Revenu au pays grossir la cohorte des chômeurs, il a perdu sa seule vraie famille. Mais s'il a été rétrogradé RMIste, il a gardé les réflexes d'avant : Affirmatif ou Négatif ponctuent sa conversation, comme là-bas. Et quand il a trop le cafard, il revêt l'uniforme qui en avait fait un homme, un vrai.
Alors qu'il se baladait en tenue de combat, le képi posé sur ses cheveux ras, il a été appréhendé par la police. Il a suivi sans broncher, habitué à obéir aux ordres des hommes en tenue réglementaire. Ils l'ont présenté au procureur qui lui a signifié le délit de port illégal d'uniforme.
« Je me sens bien en tenue » s'est défendu l'ex-légionnaire. Et puis, « J'ai juré honneur et fidélité à la Légion. » Le képi blanc, c'était déjà son rêve quand, vers 17 ans, il avait imité la signature paternelle pour s'engager. Il abandonnera l'école pour le service militaire avant de pouvoir entrer dans l'active.
Le magistrat, bon prince, l'a fait remettre en liberté en lui faisant promettre de ne plus se promener en uniforme. Le bougre est reparti après avoir récupéré son képi et ses médailles, pauvres reliques de sa raison d'être.
Alain Nordet, La Nouvelle République, 21 juin 1993