Quand l'État se décharge

C'est toujours les mêmes qui rangent et qui nettoient la merde des autres, paroles de Loulou. C'est comme ça dans les familles comme au boulot. Ceux que ça gêne râlent mais ça ne sert à rien. Alors, ils se prennent par la main et ramassent. Résultat, les autres continuent tranquillement de s'en foutre.
Cette vieille habitude est maintenant recyclée en politique d'État depuis cette année : le ministère de l'Environnement distribue les sacs plastique et les citoyens-éboueurs sont priés de les bourrer de toutes les saloperies qui traînent au bord des routes ou le long des rivières. Ils appellent ça « Nettoyage de printemps ».
D'accord, cela devrait revenir seulement une fois par an, la grand messe pseudo écolo, quoi. Et une occasion pour les entreprises de ramassage de faire leur promo. N'empêche, mine de rien, on est invité à remplacer l’État défaillant.
On en a marre de nettoyer derrière les autres. C'est pas parce que certains ont crié « Balladur ordure » que le gouvernement peut se permettre de nous traiter comme des bousiers. Il ferait bien de balayer devant sa porte.
Qui c'est-y qui décide de ce qu'on en fait, de ces emballages qui saccagent le paysage, de toutes ces radasses qui s'entassent en masse ? C'est pas tout de faire du jetable, faudrait peut-être savoir comment s'en débarrasser après. Le papier journal, au moins, on sait à quoi ça peut servir…

Alain Nordet, La Nouvelle République, Mars 1995