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Billet de blog 1 mars 2016

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Erreur sur la personne

Une réponse au billet de Bernard Leon ou Comment conjuguer laïcité et tolérance

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

J'avoue avoir beaucoup de mal à me reconnaître dans le sévère portrait proposé par Bernard Leon, à la suite de mon article de Libération (26-2-2016) contre les simplifications de Patrick Kessel.

J'espère qu'il en sera de même de ceux qui ont eu auparavant l'occasion de me lire.

Je pourrais me contenter de dire que mes travaux antérieurs plaident pour décrédibiliser une semblable caricature. Mais, après tout, nul n'est supposé les avoir lus avant de réagir à une tribune.

Une précision pour commencer, et elle n'est pas secondaire : je ne me reconnais dans aucune chapelle et, dès lors, l'idée du "service commandé" est hors sujet. Là où je milite, nombreux sont ceux qui partagent la position de P. Kessel et je l'ai moi-même défendue il n'y a pas si longtemps.

Comment alors peut-on imaginer que je me situe dans le camp communautariste ou dans celui des croyants ? Je suis un mécréant rationaliste et profondément attaché à l'universalisme des Lumières. Il n'y a donc chez moi nulle condescendance à l'égard des lecteurs de Libé (dont je suis depuis fort longtemps) auxquels je ne prête aucune "idée préconçue". Dans mon esprit, et je crois que ce point n'est douteux que pour mon contradicteur, en se réclamant des Lumières contre le communautarisme, on esquive le véritable débat. Ce dernier est évidemment à l'intérieur du camp des Lumières et il porte sur l'interprétation du principe de la laïcité.

Je voudrais donc affrmer, pour éviter un contresens sur mes engagements, qu'en tant que principe juridique, la laïcité est la condition indispensable à la tolérance. Notre tradition politique regarde souvent avec un distant mépris cette vertu qui appartiendrait exclusivement à la tradition anglo-saxonne (alors pourtant que Bayle et Voltaire comptent parmi ses plus illustres défenseurs). C'est se méprendre sur sa véritable signification. 

La tolérance que nous devons promouvoir dans la société civile passe évidemment par la laïcité de l'association politique. L'Etat laïque ne reconnaît que des citoyens libres et égaux. Il n'est d'ailleurs vraiment laïque qu'à partir du moment où proclamant la liberté de conscience, il s'engage à la protéger.

Cette obligation concerne les incroyants comme les croyants. L'affirmation non prosélyte d'un signe religieux remet-elle en cause les valeurs laïques ? Je l'ai cru, en pensant sa signification, la soumission des femmes à l'ordre patriarcal, comme univoque. Je ne le crois plus. Deux principales raisons à cela.

La première fait référence à la tolérance comprise comme l'attitude de celui qui s'abstient d'intervenir dans l'action ou l'opinion d'autrui, quoiqu'il ait le pouvoir de le faire, et bien qu'il désapprouve l'action ou l'opinion en question (voir Susan Mendus, "Tolérance et pluralisme moral" in Monique Canto-Sperber, Dictionnaire d'éthique et de philosophie morale, Paris, PUF, 1996, p. 1536). En l'espèce, je désapprouve le port du foulard islamique, mais je crois que l'Etat a tort d'utiliser son pouvoir pour l'interdire.

La seconde est évidemment liée à la précédente. Ce pouvoir d'interdiction est vécu par les croyants, tout particulièrement les musulmans, comme un instrument de domination. Cette stigmatisation, à laquelle je suis attentif au nom de l'antiracisme, est très largement la conséquence d'un désaccord, au sein des sociétés démocratiques modernes, sur les modalités de l'association politique. En tant que militant laïque, je suis favorable à la séparation entre le politique et le religieux. De nombreux musulmans ne peuvent l'envisager. Il nous incombe d'argumenter.

Un dernier mot : je n'ai évidemment aucune complaisance envers l'islamisme politique, pas plus d'ailleurs que pour la pensée irrationaliste de Michel Maffesoli. Fallait-il vraiment le préciser ?

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