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Billet de blog 3 avril 2013

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Les paroles s'envolent, les écrits restent

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Je viens de lire cette chronique signée Renaud Machart sur lemonde.fr aujourd'hui :

Peu avant 17 heures, mardi 2 avril, au moment où Michel Field prenait son service sur LCI pour sa tranche quotidienne, le "17-20", l'on vit ce que je pris d'abord pour les premières images filmées de Jérôme Cahuzac après sa mise en examen pour "blanchiment de fraude fiscale" et "blanchiment de fonds" : vêtu d'un costume gris clair souple, d'une chemise blanche à col ouvert sous un pull noir, la main gauche dans la poche du pantalon, l'ex-ministre délégué au budget sortait de manière artificieusement nonchalante d'un immeuble. Drôle d'allure pour un jour si grave, me suis-je dit, avant de comprendre qu'il s'agissait - ce que n'indiquait pas LCI - d'images d'archives. (Celles-ci furent bientôt complétées par des clichés pris l'après-midi même où le député apparaissait, le visage grave et la tenue vestimentaire austère.)

Je me suis souvenu de la bonne vieille règle fondatrice du métier de journaliste, qui sépare les faits de leur commentaire, et ai constaté une fois encore que, si celle-ci est communément respectée par les rédacteurs, elle semble moins strictement observée par le traitement iconographique opéré par les médias. De sorte que l'image journalistique se présente le plus souvent comme l'information et son commentaire simultané : il est rare que les journaux et les écrans illustrent la mauvaise posture d'un homme politique en montrant ce dernier souriant toutes dents au soleil. Mais la photo de Jérôme Cahuzac se prenant la tête dans la main sur le banc de l'Assemblée a-t-elle été prise au moment où l'homme politique visé a reçu la mauvaise nouvelle ? Dès lors que les faits et l'image ne concordent pas, peut-on parler de manipulation ?

Hier, un autre détail connexe m'a frappé. Sur LCI, toujours, je découvre la première réaction de Jean-Marc Ayrault (avant son passage au "20 heures" de France 2) et l'entends dire que Jérôme Cahuzac a menti "au président et au premier ministre", sans ajouter qu'il a également trompé les Français en mentant devant l'Assemblée nationale. Il m'aura fallu attendre le "20 heures" de Gilles Bouleau sur TF1 pour comprendre que la référence du premier ministre à un mensonge à "la représentation nationale" avait été coupée du même extrait que diffusait intégralement la maison mère de LCI.

De même, alors qu'on revoyait à l'écran de la chaîne info la dénégation publique qu'avait adressée M. Cahuzac à l'Hémicycle, l'on distinguait à la fin de celle-ci Najat Vallaud-Belkacem adressant un "bravo" à M. Cahuzac. Ce "bravo" déchiffrable sur ses lèvres, comme l'accolade appuyée de Bernard Cazeneuve à son prédécesseur, le 19 mars, n'ont rien de gênant en soi, car, à ce moment, la ministre des droits des femmes comme le nouveau ministre du budget n'en savaient probablement guère sur le sujet et respectaient la présomption d'innocence. Mais montrer ou effacer - selon les chaînes et les rediffusions partielles - ces détails apparemment insignifiants leur donne, en pareil contexte troublé, un insidieux parfum de désinformation.

Une chronique à laquelle je souscris sans réserve.

Sauf que je suis allé très rapidement chercher quelques autres articles parus ces derniers mois dans la presse.

Comme ici, toujours sur lemonde.fr le 20/12/2012 :

Accusé par Mediapart de fraude fiscale pour avoir possédé un compte bancaire secret en Suisse – avant de le transférer dans un paradis fiscal –, Jérôme Cahuzac a déposé une nouvelle plainte contre le site, affirme France Inter jeudi 20 décembre.

Le ministre délégué au budget, qui avait déjà porté plainte pour "diffamation" après les révélations de Mediapart début décembre, aurait déposé une nouvelle plainte pour diffamation, avec "constitution de partie civile", cette fois-ci, selon France Inter. Elle vise les accusations de fraude fiscale, mais également la révélation du gestionnaire de fortune présumé du ministre, présenté comme "l'homme de confiance" qui "connaît les secrets financiers" de Jérôme Cahuzac.

Le ministre délégué au budget a annoncé mercredi avoir entamé une démarche pour demander à l'Union des banques suisses (UBS) de certifier qu'il n'a jamais détenu de compte dans cette banque suisse. Une mesure pour "clouer définitivement le bec" du site Mediapart, qui l'accuse du contraire, selon Jérome Cahuzac. Une demande à la formulation ambiguë, racontait Le Monde jeudi.

Un article assez bref, certes, mais qui aurait tout de même nécessité quelques investigations élémentaires supplémentaires. Sur quoi reposait, par exemple, la fameuse plainte de Cahuzac? Le Monde reprend une dépêche d'agence citant France Inter sans aucune vérification.

Toujours sur le même site le 23/12/2012 :

"Aucun contrôle ou enquête n'est en cours à l'encontre d'un membre du gouvernement" a indiqué samedi soir dans un communiqué la direction générale des finances publiques (DGFIP) démentant ainsi une information du site Mediapart.

Mediapart a affirmé cette semaine qu'une enquête était actuellement menée par la direction régionale des finances publiques de Paris-Sud pour vérifier les déclarations fiscales récentes du ministre du budget Jérôme Cahuzac. Il est, avançait le site d'informations, soupçonné notamment d'avoir sous-évalué le montant de son appartement parisien et déclaré un prêt parental déjà remboursé.

"Comme c'est l'usage pour chaque nouveau gouvernement, le ministre délégué chargé du budget a demandé à la DGFIP de procéder à un examen de la situation fiscale des membres du gouvernement", explique la DGFIP. "C'est cette procédure qui est en cours et qui vise notamment à assurer que la situation de chacun des membres du gouvernement est irréprochable et exemplaire", ajoute-t-elle enfin.

Dans un article publié dans la matinée (réservé aux abonnés), le site Médiapart s'est étonné d'un tel communiqué expliquant qu'il ne s'agissait pas d'un contrôle de routine comme l'affirme la DGFIP. Pour appuyer son explication le site détaille les observations que le fisc auraient fait sur les déclarations du ministre du budget. Celles-ci porteraient sur l'évaluation d'un appartement, rue de Breteuil à Paris, un prêt familial datant de 1994 ou encore des montres de collections.

Mediapart accuse par ailleurs Jérôme Cahuzac d'avoir détenu un compte secret en Suisse. Le 6 décembre, il a diffusé une bande sonore dans laquelle on entend un homme parler de son compte en banque en Suisse. Mediapart assure qu'il s'agit du ministre du budget.

L'entourage de M. Cahuzac a toujours démenti qu'il s'agissait de lui. Le ministre lui-même a plusieurs fois nié avoir jamais possédé un compte bancaire en Suisse. Le parquet de Paris a ouvert le 7 décembre une enquête préliminaire après la plainte en diffamation déposée par le ministre délégué au budget.

Il semblerait que les dernières déclarations du ministre de l'Economie, tout comme les nombreux articles de Mediapart, prouvent le contraire. Pourquoi contester les informations de ce site sans même vérifier ses informations, et pourquoi valider les informations d'autres oragnes de presse (erronées celles-là), toujours sans vérification?

Regardons maintenant ce qui s'écrivait dans lexpress.fr le 10/02/2013 :

Jérome Cahuzac a-t-il été blanchi par la Suisse de toute détention de compte à l'UBS au cours des dernières années? La réponse envoyée en fin de semaine dernière par le fisc suisse à la demande d'informations du ministère français de l'économie ne laisserait pas de place au doute, affirme aujourd'hui le Journal du Dimanche. 

Les autorités fiscales helvètes ont exclu que le ministre du Budget, ait eu, depuis 2006, un compte bancaire à l'UBS à son nom ou à celui d'une société, indique l'hebdomadaire. Ni directement en tant que titulaire, ni comme "ayant droit économique". La date de 2006 correspond à la date butoir de la convention OCDE d'entraide fiscale liant la France à la Suisse. 

La transmission de ces informations par le Fisc helvète avait été dévoilée la semaine dernière par le Nouvel Observateur  

Mediapart, qui a publié depuis le 4 décembre plusieurs informations accusant Jérôme Cahuzac d'avoir détenu un compte bancaire secret en Suisse qu'il aurait fermé en 2010, a critiqué cette enquête du ministère de l'économie parallèlement à l'enquête préliminaire ouverte par le parquet de Paris. Le site internet y voit un conflit d'intéret et demande la nomination d'un juge d'instruction indépendant. 

De fait, la réponse des autorités fédérales a été transmise au ministre de l'Economie et des Finances, Pierre Moscovici, qui l'a aussitôt fait suivre au procureur de Paris en charge d'une enquête préliminaire sur les informations de Médiapart, précise le JDD. 

"Cette réponse transmise par l'UBS via les autorités fédérales suisses et les services fiscaux français dément formellement la possibilité d'un compte", a confié au JDD une source administrative à Bercy. "Imaginer une seconde que les autorités suisses aient pu faire une réponse de complaisance est tout simplement absurde", a insisté la même source. 

"Comme moi je connais la vérité, je n'ai aucun doute quant à la nature de la réponse qui a été apportée", avait déclaré mercredi M. Cahuzac après avoir été informé de la remise par la Suisse aux autorités françaises d'un document sur la détention éventuelle d'une compte bancaire en Suisse. 

"Je ne me suis jamais senti coupable même si j'ai pu paraître accablé par le soupçon terrible qui pesait sur moi", avait-il ajouté. "Ce n'est pas à moi de dire que je suis hors de cause, mais, en conscience, je l'ai toujours été". 

Deux jours plus tard, le ministre délégué au Budget, avait estimé que le fait d'être toujours en poste, après la transmission à la France de documents fiscaux helvétiques sur son éventuelle détention d'un compte secret en Suisse, attestait qu'il disait "la vérité", reconnaissant n'avoir "ni vu ni reçu" la réponse suisse en vertu du secret fiscal.

Là encore, deux poids, deux mesures : sans aucune vérification, le site valide implicitement les pseudo révélations du JDD et discrédite Mediapart. Pourquoi?

Toujours sur lexpress.fr le 9/01/2013 (j'ai corrigé les fautes d'orthographe, sans même aller vérifier sur mon dictionnaire) :

Il faut maintenant, cher Edwy, abattre vos cartes, les derniers atouts et compléments d'information!". "Vous ne pouvez pas faire un goutte à goutte de l'information pour maintenir l'audience de Mediapart et imposer un supplice chinois au gouvernement." Christophe Barbier demande à Mediapart d'apporter "des preuves". Un "défi".

Et Libération dans tout ça? Voyons ce qui était écrit le 17/03/2013 sur le site liberation.fr :

Cahuzac «serein» face à Mediapart

Tout à son rigoureux ouvrage (lire page 5), le ministre du Budget, Jérôme Cahuzac, n’entend pas se laisser «impressionner» par les «allégations» de Mediapart. Vendredi, le site a affirmé que l’enquête sur l’existence d’un compte en Suisse non déclaré par Cahuzac a validé l’enregistrement que Mediapart avait révélé, dans lequel une voix attribuée au ministre évoquait ce compte. «L’enquête se poursuit. Jérôme Cahuzac en attend sereinement l’issue et ne se laisse pas plus impressionner aujourd’hui qu’hier ou demain par la présentation sous forme de prétendues informations de ce qui reste, et pour cause, de simples allégations», a indiqué son avocat samedi par communiqué. Selon une source proche du dossier, les conclusions de l’expertise de l’enregistrement n’ont toutefois pas encore été remises au parquet, qui a diligenté le 8 janvier une enquête pour blanchiment de fraude fiscale afin de vérifier si Cahuzac a bien eu un compte en Suisse.

Libération semble aussi serein que Cahuzac. Tout va bien!

Et ce n'est pas Alain Finkielkraut, notre célèbre philosophe qui va ébranler les convictions de nos enquêteurs de choc. Il déclarait le 28/01/2013 sur Europe 1, relayé par liberation.fr le lendemain :

«On ne veut pas d’une police politique, mais une Stasi médiatique ou une Stasi internet risque peu à peu de s’installer en France.»

Super Finkie a encore frappé. Le philosophe Alain Finkielkraut exprimait une nouvelle fois, hier sur Europe 1, son aversion envers Internet (ici, plus spécifiquement Mediapart et ses accusations contre Jérôme Cahuzac).

Depuis le début, Libération la sentait mal cette affaire. Le journal ne semblait pas très sensible aux articles de Mediapart, mais il croyait dur comme fer aux déclarations de Cahuzac. Comme dans cet article publié sur liberation.fr le 20/12/2012 :

Le ministre attaque en diffamation le site qui affirme qu'il possédait un compte en Suisse.

Le ministre délégué au Budget Jérôme Cahuzac, qui nie avoir jamais possédé un compte bancaire en Suisse, a déposé une deuxième plainte en diffamation contre le site Mediapart qui affirme l’inverse, a-t-on appris de source judiciaire. Selon cette source, qui confirmait une information de France Inter, cette plainte a été déposée avec constitution de partie civile, une procédure permise à tout particulier et qui entraîne automatiquement la nomination d’un juge sans que celui-ci n’enquête jusqu'à l’audience. La première plainte avait transité par la Chancellerie, procédure réservée aux membres du gouvernement.

Mediapart affirme que Jérôme Cahuzac a détenu un compte bancaire caché chez UBS en Suisse, qu’il aurait clôturé en 2010 (époque à laquelle il n'était pas ministre) et dont les avoirs ont été transférés, via des montages complexes, à Singapour.

Mercredi, le ministre du Budget a dit avoir entamé une démarche pour demander à UBS de certifier qu’il n’avait jamais détenu de compte chez elle et «clouer définitivement le bec» à Mediapart.

Depuis le premier article du site le 4 décembre, le ministre du Budget a reçu le soutien du président François Hollande et du Premier ministre Jean-Marc Ayrault, tandis que l’opposition de droite s’est montrée très prudente dans cette affaire.

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