Il n'est pas nécessaire d'être grand clerc, ni même éditorialiste inspiré, pour annoncer que le gouvernement court tout droit à la catastrophe.
Après avoir vilipendé Sarkozy qui clivait les Français, François Hollande tombe dans les mêmes travers. Après s'en être pris, lui ou ses proches, à des gens comme Depardieu qui quittaient la France (pour des raisons, dans un contexte normal, contestables); après avoir fait voter la loi sur le mariage pour tous (je suis favorable à cette mesure, mais, là encore, dans la situation économique actuelle, était-ce l'urgence absolue?); après avoir refusé de faire adopter un texte qui aurait interdit les licenciements économiques boursiers; après avoir commis cette erreur incroyable de nommer Cahuzac au Budget (qui peut croire que l'UMP ignorait l'existence de son compte en Suisse alors qu'il était président de la commission des finances, et que ces informations n'aient pas filtré?); après avoir ignoré les informations de Mediapart sur ce même compte; après avoir paru tomber des nues lorsque Cahuzac a « avoué »; après tout cela, la crédibilité de ce gouvernement est totalement anéantie.
Quel est l'état de la société aujourd'hui? D'un côté, les électeurs de François Hollande sont (on le serait à moins) déçus pour la plupart, dégoûtés pour une large part. De l'autre côté, ou plus exactement des autres côtés (droite, extrême droite, extrême gauche), le président leur fournit chaque jour un nouvel argument pour justifier la déception qu'ils ont connue à l'annonce de son élection.
Quand des hommes et femmes politiques prendront-ils conscience du fait que l'immense majorité de leurs électeurs ne sont pas des militants? Qu'ils ont une sympathie pour tel ou tel lorsqu'ils glissent leur bulletin de vote dans l'urne, mais qu'ils n'ont pas une conscience politique à ce point affirmée qu'ils aient envie de se battre pour défendre celui ou celle qu'ils ont choisi, quelle que soit son action? Ce sont tous ceux-là qui, aujourd'hui, chaque jour, à chaque fois qu'ils discutent en croisant une connaissance dans la rue, expriment leur ras-le-bol. Bien sûr que le mariage pour tous était inscrit dans le programme du candidat, mais il est encore plus évident que l'immense majorité des Français qui ont voté pour François Hollande ont d'abord voulu sanctionner Nicolas Sarkozy; certains d'entre eux ont sans doute même cru qu'il allait, comme il le promettait, réduire le taux de chômage, améliorer leur pouvoir d'achat, agir pour faire baisser le prix de l'essence, etc., etc.
En toute logique, ce mécontentement croissant va de plus en plus s'exprimer en direction de tout le personnel politique du PS. L'irruption des salariés de PSA Aulnay lors du conseil national du PS en est l'un des premiers signes. La folie des militants les plus extrémistes contre le mariage pour tous est elle aussi en train de déteindre sur tous ceux qui ont manifesté contre cette loi pour des raisons confessionnelles, morales ou autres, en tout cas pas fondées sur les mêmes arguments que ceux de l'extrême droite et/ou des intégristes catholiques. Des violences ont eu lieu déjà, aucun incident n'a encore conduit à des drames, mais les discours et les actes constatés aujourd'hui ne laissent rien augurer de bon. Que se passera-t-il si, dans les jours qui viennent, l'on déplore des blessés dans de nouvelles manifestations qui ne manqueront pas de se tenir?
Les politiques ont pourtant des outils à leur disposition pour mesurer l'ampleur des dégâts. Il reste encore des intellectuels en France ou dans d'autres pays qui réfléchissent sur l'état de nos sociétés occidentales. Je viens par exemple de lire un livre de Gaël Brustier, La Guerre culturelle aura bien lieu (Editions Mille et une Nuits), dont je conseille la lecture à nos dirigeants. Il y a beaucoup d'autres ouvrages publiés, à gauche comme à droite. Ces outils les aideraient incontestablement à répondre aux immenses attentes de la société, les aideraient à prendre des mesures qui ne coûtent pas forcément beaucoup d'argent.
Au lieu de cela, on a le sentiment que nos dirigeants (hier la droite, aujourd'hui la gauche) foncent tête baissée, sûrs de leur « philosophie », de façon dogmatique (mais d'un dogme reposant sur du sable), sans se poser d'autres questions, même plus celle de savoir comment ils vont bien pouvoir faire pour tenir jusqu'au bout de leur mandat. Si au moins ils se posaient encore celle-ci... Peut-être arriveraient-ils alors à limiter les effets de la catastrophe annoncée.