Hier soir je dinais avec un ami intermittent du spectacle qui venait d'apprendre que, pour quelques heures manquantes, il ne toucherait aucune indemnité chômage, pas même le RSA.
Ce matin, j'apprends qu'un homme vient de s'immoler par le feu pour les mêmes raisons.
Suite à ce drame, j'ai entendu un ministre de la République, Monsieur Sapin, expliquer que tout avait été fait pour cet homme.
C'est la goutte d'eau qui, pour moi, a fait déborder le vase. Je vote à gauche depuis 1977, je n'ai jamais manqué aucune élection. Et je me souviens de ce 10 mai 1981 où tant d'espoirs avaient jailli. Je me souviens aussi du virage libéral de 1984 où tous ces mêmes espoirs étaient retombés comme un soufflé raté. Malgré cela, et sans doute pour des raisons culturelles, je n'ai jamais failli : à chaque scrutin, je me disais que la gauche était tout de même mieux que la droite. Et je continue à penser que beaucoup de femmes et d'hommes de gauche, élus aujourd'hui, sont toujours viscéralement attachés à obtenir du mieux-être pour leurs concitoyens les plus modestes. Mais ils ne peuvent plus rien, ils n'ont plus aucun pouvoir.
En entendant Monsieur Sapin ce matin, je me suis souvenu de ce maire dit de gauche qui, au tout début de sa carrière, était allé travailler comme attaché parlementaire d'un député socialiste après s'être vu refuser le même poste auprès d'un sénateur UDF.
Je me suis souvenu aussi de ce proche conseiller de Sarkozy qui, à sa sortie de Sciences Po et plutôt de gauche, était venu demander conseil à un ami journaliste : quel était l'homme politique le plus en vue à ce moment? Son ami journaliste lui avait répondu : "Sarkozy est quelqu'un qui en veut". C'était à la fin des années 1990...
Je me suis souvenu aussi de ce président de conseil régional socialiste qui, à son arrivée à la tête de la Région, s'était violemment opposé à une diminution (très mesurée) des subventions aux lycées privés alors qu'elles atteignaient un niveau record, supérieur à celui de l'Alsace où la séparation de l'Eglise et de l'Etat n'est pas effective.
Et puis je me suis souvenu de tant de choses auxquelles j'ai voulu croire lorsque François Hollande (avec Monsieur Sapin comme très proche) a fait sa campagne électorale en 2012 : droit de vote aux étrangers aux élections locales, bataille contre la pauvreté et pour l'emploi, etc., etc.
En me souvenant de tout cela, je me suis dit que j'avais contribué au fait qu'un homme se donne la mort pour quelques heures de travail manquantes et qu'un ministre de la République, derrière des lunettes même pas embuées de quelques larmes, trouve cela normal.
J'ai donc décidé que plus jamais je ne voterai dans ce pays.