Si je comprends que de grandes mesures significatives et efficaces n'aient encore été prises par le gouvernement Ayrault, je ne demeure pas moins inquiet des perspectives que ce même gouvernement offre aux Français.
Deux sujets restent et resteront préoccupants pendant très longtemps : le pouvoir d'achat et l'emploi. J'ai presque envie de dire que ce sont même les seuls sujets qui intéressent et la façon dont ont les abordera sera déterminante.
En ce qui concerne le pouvoir d'achat, je ne suis pas convaincu que la très légère augmentation de l'allocation de rentrée scolaire, que l'augmentation du plafond du livret A ou que les prévisions d'une faible baisse, qui plus est temporaire, du prix des carburants, ne soient des mesures susceptibles de l'améliorer de façon efficace. Je ne suis pas sûr non plus que la taxation sur les transactions financières, dans les proportions dont on entend parler aujourd'hui, ne soit utile en quoi que ce soit dans le quotidien des Français les plus démunis. Une information, peut-être passée un peu inaperçue, me sembe pourtant être la clé de compréhension du système dans lequel nous vivons et que seule une gauche vraie serait en mesure de bousculer : la récolte de céréales a été cette année incroyablement bonne. Mais en Russie, elle a été catastrophique. Nous vendons donc donc une partie de nos céréales aux Russes à prix d'or. Et ce qui reste est vendu au même prix aux minoteries. Résultat : le prix du pain augmente en France. Incompréhensible et inacceptable. Que fait le gouvernement, sachant qu'en plus les céréaliers français sont les agriculteurs les mieux dotés en subventions européennes?
Et l'emploi? En acceptant ce système, il est bien évident qu'un gouvernement, fût-il de gauche, ne peut absolument rien faire quand un grand groupe privé, même s'il est largement bénéficiaire, décide de licencier pour accroître ses profits. Ce n'est pas toujours le motif des licenciements, mais lorsque ça l'est, un gouvernement de gauche molle ne peut que regarder le train passer...
S'ajoutent à ces aspects essentiels, tous les sujets dits "sociétaux" : les Roms, l'immigration, la délinquance, etc., etc. Quoi de notablement différent depuis le 6 mai? Quelles perspectives?
Je crains qu'une nouvelle fois la gauche rate son passage au gouvernement. Mollesse et attentisme conduisent inévitablement au renoncement. Et cela, comme en 1984, risque de se traduire par un fort mécontentement social, accentué 28 ans plus tard par des relais aussi puissants que les réseaux sociaux, et donc sans aucun contrôle des organisations représentatives comme pouvaient l'être les syndicats.
Tout le monde, dès lors que l'honnêteté est la qualité centrale, a bien conscience que les problèmes immenses que connaît la France ne peuvent pas être résolus en cent jours. Il n'en reste pas moins que les querelles d'appareil, les petites bagarres ministérielles pour avoir un appartement à la hauteur des mérites que chacun estime être les siens, les mesurettes que l'on tente de faire passer pour des changements profonds, le manque de perspectives offertes par nos gouvernants, risquent fort d'aboutir à une rentrée sociale au moins aussi caniculaire que l'a été le climat de ce mois d'aôut. A cette différence près que les dégâts seront bien plus importants. Notamment pour la démocratie, car le PS doit absoument se rendre compte que son passage au gouvernement, s'il est raté, va nous conduire tout droit dans les bras d'une droite forte, un mélange de FN et d'ex-UMP n'ayant rien à envier, sur le plan des "valeurs", aux amis de Marine Le Pen.