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Billet de blog 1 août 2025

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Jafar Panahi "Un simple accident" en Iran

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Jafar Panahi n'est pas un inconnu, loin de là.Après avoir été assistant d'Abbas Kiarostami, il réalise en 1995 son premier film "Le ballon d'or". En 2000 "Le cercle" avec la condition de la femme iranienne, est interdit dans son pays. 2010 voit sa condamnation pour 20 ans par les autorités de la République islamique d'Iran qui lui interdit de quitter le territoire, de continuer son métier de réalisateur; séjour en prison de 7 mois en 2022, grève de la faim...Même si l'interdiction de filmer et de voyager a été abrogée, Jafar Panahi le dit:" Dans les faits je reste en marge...donc je suis obligé de travailler hors système". Interdits dans son pays, ses films sont récompensés régulièrement à l'étranger: festivals de Cannes, de Venise, de Locarno, de Berlin...

Son dernier film "Un simple accident" n'a pas reçu la palme d'or du festival de Cannes par les hasards capricieux d'un jury. Le film est exceptionnel. Il va sortir dans 2 mois. Je l'ai vu. Courrez le voir dès le 1er octobre. Thriller d'apparence mais ce thriller est tellement plus.

Après un simple accident, les évènements s'enchainent. Un homme croise par hasard celui qu'il croit être son ancien tortionnaire. Mais face à ce père de famille qui nie farouchement avoir été son bourreau, le doute s'installe.

Ce film s'inscrit dans la société iranienne, dans l'environnement immédiat du réalisateur: "Je fais des films en fonction de ce que je vis". Ce qui a, déjà, donné "Taxi Téhéran" remarquable. Avec ce qui secoue la société iranienne toute entière, comme le mouvement "Femme-Vie-Liberté à l'automne 2022, avec la mort de Mahsa Amini, qui  a fait que bon nombre de femmes apparaissent sans foulard en public.

Dans "Un simple accident" Jafar Panahi part d'une idée simple née en prison au contact de ses codétenus: "Je me suis demandé ce qui se passerait si l'un de ceux qui m'entouraient en prison, une fois sorti, mettait la main sur quelqu'un qui lui avait fait subir tortures et humiliations". La fiction s'empare de la réalité des prisonniers iraniens avec leur diversité, leurs différences dans leurs réactions à la torture, à l'enfermement illégal. Tous contre le régime mais tellement différents dans leurs approches, souvent en conflit entre eux. C'est la réalité de l'Iran d'aujourd'hui.

Vahid garagiste mis en prison par les autorités, croit reconnaitre Eghbal, marié, une petite fille, comme son tortionnaire, alors que ce dernier vient présenter sa voiture endommagée après avoir heurté un chien errant. Vahid va tenter d'enterrer vivant celui qui l'a fait souffrir. Mais pris de doute sur la culpabilité d'Eghbal, qui était surnommé "la guibole" pour sa prothèse, il va le présenter inconscient à ses codétenus, victimes eux aussi de la dictature des mollahs, pour voir s'ils le reconnaissent. Un véritable petit tribunal se met en place au gré des rencontres. Deviendront-ils bourreaux à leur tour, dans la douleur et la vengeance ou feront-ils preuve d'humanité malgré tout?

Jafar Panahi n'a demandé aucune autorisation aux autorités et a filmé aussi clandestinement que possible, sur place, à Téhéran et ses environs, avec des pressions de policiers en civil aux demandes repoussées par l'équipe du film.

Les acteurs choisis ont tous été mis au courant des risques encourus, après avoir lu un scénario où "tout était écrit". Leur nom apparait courageusement au générique du film et ils ont pour la plupart monté les marches du Palais du festival sur la Croisette de Cannes.

Jafar Panahi qui avait obtenu en 2012 le prix Sakharov du Parlement européen, prix qu'il n'avait pu aller chercher, le dit avec sa force tranquille: "Je ne peux vivre nulle part ailleurs qu'en Iran. Beaucoup de mes compatriotes ont choisi d'émigrer ou y ont été contraints. Je n'en suis pas capable, je n'ai pas assez de courage pour çà!" On peut lui répondre qu'on ne peut trouver plus courageux que lui depuis des années dans les circonstances de sa vie!

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