Le 13/2/2021 je publiais un article sur ce blog :" Comores, Mayotte, un avenir commun, qui faisait le point sur la situation des Comores et de Mayotte dans l'Océan Indien. J'avais rencontré pour un webinaire le juriste comorien Ali Abdourahamane, ancien directeur de cabinet du ministère de l'Education Nationale, de la Francophonie, de la Recherche scientifique, de la Culture, de la Jeunesse et des Sports. Il nous avait présenté son livre "Genèse de l'état-nation et tendances centrifuges dans une ancienne colonie française", qui mêlait avec dextérité, analyse historique et analyse politique, économique et sociale de son pays. Il propose aujourd'hui à la lecture et à l'analyse contradictoire et démocratique un "Manifeste du Mouvement pour une République démocratique et progressiste aux Comores", soumis à signataires. Texte publié in extenso dans cet article.
"Manifeste du Mouvement pour Une République Démocratique et
Progressiste aux Comores
Nous, signataires du présent Manifeste, déclarons notre profond attachement à la
défense des droits de l’homme, aux valeurs démocratiques, aux principes de bonne
gouvernance économique et financière, à la préservation du patrimoine historique et culturel
des Comores et à la promotion de la justice sociale dans le souci constant de la consolidation
de l’unité et de la souveraineté nationales.
Gravement préoccupés par le risque d’implosion de la nation comorienne, par l’œuvre
de destruction des institutions engagée et poursuivie par le colonel Azali Assoumani et par
l’enracinement de la dictature avec son lot d’emprisonnements arbitraires, de tortures et
d’assassinats sur fond d’instrumentalisation de la justice, de corruption des magistrats et de
vénalité des responsables de l’armée et des forces de l’ordre,
Nous invitons le peuple comorien à rester déterminé, à redoubler de vigilance pour ne
pas céder aux sirènes de la division et à prendre ses dispositions pour asséner, le moment
venu, le coup de grâce à la dictature et lancer aussitôt l’indispensable chantier de la
refondation des Comores.
Nous tenons à rappeler que le dictateur Azali ne fait que pousser à son paroxysme un
système de gouvernance vieux de plus de 45 ans et fait de pillage des deniers publics,
d’assassinats politiques, de graves violations des droits politiques et sociaux, de fraudes
électorales, de népotisme, de soumission aux lobbies régionaux et de chauvinisme insulaire.
Le profond désespoir qui a atteint la population comorienne, en particulier la jeunesse, la
misère, la discorde, les rancœurs qui minent notre pays mais aussi le discrédit dont souffre
l'Etat sont les fruits amers de cette dérive.
Comprenant les ressorts intimes de notre pays, sensibles aux maux qui le rongent et
qui le menacent dans son existence même en tant que Nation et Etat et parfaitement
conscients des enjeux économiques et géostratégiques internationaux,
Nous sommes fermement résolus à prendre nos responsabilités pour :
1. construire une alternative crédible à l’impasse que constitue le choix entre le
dictateur Azali et une opposition au bilan désastreux et sans perspective.
2. pacifier les cœurs et doter le pays d'institutions et de structures qui, d'une part
concilieront mieux le désir d'autonomie et le besoin d'unité et d'autre part
favoriseront le développement,
3. corriger une trajectoire qui a toujours ignoré les aspirations profondes du
peuple comorien
4. bannir définitivement cette conception criminelle et vénale de la politique qui
consiste à considérer l’État comme une vache à lait et un instrument de pouvoir
personnel et clanique,
5. éradiquer la corruption et instaurer de nouvelles pratiques de gouvernance qui
seront gage de progrès économique et de justice sociale.
Condamnant à la fois le défaitisme et les promesses chimériques et soulignant que la
refondation des Comores ne saurait s’accommoder ni d’une improvisation ni d’une navigation
à vue,
Persuadés qu’aucun Comorien, où qu’il soit et quel que soit son statut, ne peut rester
indifférent aux problèmes auxquels est confrontée sa patrie et que chacun doit apporter sa
contribution, modeste soit-elle, à la consolidation de la cohésion nationale, à l’éclosion d’une
société harmonieuse, au développement d’une économie prospère et à l’édification d’un Etat
impartial, fort, respecté et respectueux des valeurs démocratiques,
Nous avons décidé de contribuer à l’édification du socle des Comores
nouvelles en publiant le présent manifeste.
1.Rétablissement de l’état de droit
1.1 Restauration de l’exercice des libertés individuelles et collectives.
Le peuple comorien est bâillonné depuis le retour du colonel Azali au pouvoir en
2016. Ce dernier a multiplié les atteintes contre la liberté de culte en échange d’espèces
sonnantes et trébuchantes. Les libertés de manifester et d’expression sont gravement
bafouées. Le climat de psychose qui règne aux Comores dissuade les investisseurs potentiels,
qu’ils soient étrangers ou issus de la diaspora comorienne. Il convient de créer rapidement un
esprit de concorde notamment en rétablissant l’exercice des libertés individuelles et
collectives.
1.2 Refondation de l’Etat
L'harmonie de notre société, la prospérité de notre Nation et la pérennité de nos
institutions exigent un Etat juste, respectueux des règles de droit mais aussi respecté dans ses
prérogatives, en d'autres termes un Etat puissant qui tire toute sa force de la loi.
Redéfinir les missions de l'Etat, le conforter dans ses missions régaliennes, faire de lui
une institution impartiale, un outil au service de tous, un catalyseur du développement. Telles
sont les conditions de l'éclosion de l'espoir dans le cœur des Comoriens, du renforcement de
la cohésion nationale et des retrouvailles avec nos frères et soeurs mahorais avec lesquels
nous partageons la même religion, la même langue, la même culture et la même histoire.
C’est ainsi que les 4 îles de l’archipel des Comores pourront partager un destin
commun et promouvoir leurs intérêts économiques et géopolitiques convergents dans un
climat apaisé.
2.Réformes institutionnelles
2.1 Présidence tournante
Il nous parait essentiel en l’état actuel de notre cohésion nationale de garder la
présidence tournante sous réserve d’améliorations. Il s’agira notamment de supprimer
l’élection primaire et de désigner le Président de l’Union dans le cadre d’une élection où les
citoyens des 3 îles pourront se prononcer lors des 2 tours de scrutin.
Nous estimons que le pays a besoin d’une constitution qui garantisse la présidence
tournante dans ce format plus démocratique, qui institue une compétence de droit commun au
profit de l’Union et qui attribue aux îles des compétences plus élargies.
2.2 Autonomie des îles
Les compétences des Gouverneurs, chefs des exécutifs insulaires, ont été réduites à
peau de chagrin depuis la révision constitutionnelle du 23 mai 2009 sous la présidence
d’Ahmed Abdallah Mohamed Sambi. Celle du 30 juillet 2018 sous la présidence
d’Assoumani Azali a achevé définitivement l’autonomie des îles en imposant une ingérence
des institutions de l’Union dans l’administration des collectivités locales. Ces 2 révisions
constituent une violation flagrante de l’article 37 de la constitution du 23 décembre 2001 qui
interdisait toute procédure de révision qui portait atteinte non seulement à l’unité du territoire
et à l’intangibilité des frontières internationalement reconnues de l’Union mais aussi à
l’autonomie des îles.
Outre qu’il est un principe constitutionnel insusceptible de révision, l’autonomie des
îles est gage de démocratie et de meilleure implication de l’ensemble des citoyens dans la
gestion de la chose publique. La forte décentralisation qu’elle implique permettrait à
l’administration de se rapprocher des citoyens et à chaque île de gérer librement ses propres
affaires. Il est indéniable que c’est ce mode de gouvernance qui permettrait de mieux assurer
la cohésion nationale.
2.3 Réduction des pouvoirs du Président de la République.
Le Président des Comores a toujours eu, depuis la naissance de notre Etat, beaucoup,
trop de pouvoirs. Nous préconisons donc la réduction des pouvoirs du Président de l’Union et
la restauration du poste de Premier Ministre. Ce dernier doit (re) devenir le responsable de
l’action gouvernementale et doit donc être désigné au sein de la majorité parlementaire. Ces
réformes permettront de prévenir et au besoin de contenir les tentations autocratiques des
hôtes de Beit Salam.
3. Réformes judiciaires
3.1 Réaffirmation du monopole de l’État en matière de justice
La grande famille que constitue la Nation se délitera si l’on continue à bannir, à
expulser de leur maison les victimes et leurs familles et à protéger les pédophiles pour, dit-on,
préserver un prétendu « honneur » villageois. Il est inacceptable que l’Etat laisse des gens qui
ne disposent d’aucun pouvoir légal s’arroger ses prérogatives régaliennes et prendre des
sentences qui piétinent les droits humains, heurtent la morale et violent la loi de Dieu et celle
des Hommes.
Des conflits fonciers parfois sanglants opposent des localités voisines sans que l’Etat
prenne le dossier à bras-le- corps. En effet, depuis 1978, l’Etat sous-traite la gestion des
conflits intra et inter-villageois à des autorités coutumières de moins en moins efficaces,
renonçant ainsi à sa mission de préservation de la paix civile. La recrudescence et la gravité
des conflits qui déchirent les communautés doivent conduire aujourd'hui l'Etat à reconquérir
ses prérogatives et à exercer pleinement ses compétences en matière de justice et de sécurité
des biens et des personnes.
3.2 Rétablissement de la confiance envers l’institution judiciaire
Les traitements discriminatoires qui caractérisent souvent les services de police, de
gendarmerie et de justice sont une plaie béante dans le corps de la République. Ils fragilisent
l’édifice national et le contrat social.
La multiplication des crimes de sang, des viols, des détournements de mineurs et
l’ampleur du trafic de stupéfiants, de la corruption et des détournements des biens publics
appellent une meilleure efficacité et une plus grande sévérité des services de police et des
tribunaux.
Aussi le pays a-t-il besoin de policiers, de gendarmes et de magistrats mieux formés
mais aussi intègres et imprégnés des valeurs républicaines pour d'une part garantir la paix
civile et la stabilité des institutions et d'autre part rassurer les investisseurs aussi bien
nationaux qu'étrangers. Voilà pourquoi leurs manquements professionnels doivent être
lourdement sanctionnés, notamment les dénis de justice et la corruption des magistrats.
3.3 Mise en place d’un bouclier judiciaire pour la protection des deniers et biens publics
Les délits affectant les deniers et biens publics devront être imprescriptibles. La charge
de la preuve devra être inversée au sujet des responsables politiques, dirigeants de société
d'Etat et des fonctionnaires exerçant dans les administrations financières qui affichent un train
de vie manifestement disproportionné par rapport à leurs revenus officiels.
3.4 Nomination de magistrats spécialisés sur les affaires économiques et financières.
Il doit être créé un pôle financier au sein du Tribunal de Grande Instance de Moroni
avec une compétence nationale. Ce pôle financier connaîtra des affaires de corruption,
d’escroquerie, de marchés publics frauduleux, de blanchiment et de fraudes fiscales.
4. Protection et promotion du pluralisme de la presse.
La démocratie se nourrit du libre accès à l’information et de la libre participation au
débat public. Or l’ORTC et le journal Al Watwan, médias publics financés à ce titre par les
impôts de tous les Comoriens, sont monopolisés par les partisans du régime et sont donc
devenus les vecteurs de la pensée unique. Les médias privés, quant à eux, pour survivre dans
un environnement économique et politique hostiles, s’autocensurent.
Aussi, respectueux de la diversité des opinions, nous restaurerons la liberté de la
presse et garantirons l’égal accès de tous les courants d’opinion aux médias publics.
5. Sanctuarisation du principe d’égalité
5.1 Egalité d’accès aux services publics et équité territoriale
La configuration géographique du pays, l’impératif d’efficacité de l’action publique et
l’égalité des droits entre tous les citoyens ne peuvent s’accommoder ni d’une centralisation de
tous les pouvoirs politiques à Beit Salam ni d’une concentration des services publics et des
activités économiques sur quelques points du territoire.
Il est injuste qu’un citoyen se déplace de Ngamaroumbo à Mohéli jusqu’à Moroni
pour se procurer un passeport alors qu’une telle démarche peut bien s’effectuer à Fomboni,
qu’un patient de Ngandzalé souffrant de pathologie légère soit obligé d’aller se faire soigner à
Mutsamudu faute d’équipements médicaux adéquats à l’hôpital le plus proche, celui de
Domoni ou qu’un jeune diplômé de Inane soit contraint de s’installer dans les bidonvilles de
Mdjivourizé à Moroni pour une hypothétique recherche d’emploi alors que la région de
Mbadjini possède toutes les potentialités pour un être un grand pôle d’activité.
Les disparités de développement entre les îles et entre les régions au sein des îles sont
trop criantes. Cette fracture territoriale compromet la cohésion sociale et nourrit également le
séparatisme. Les services publics et les emplois salariés sont concentrés à Moroni et dans une
moindre mesure à Mutsamdu et à Fomboni provoquant un exode rural lourd de conséquences
pour le pays (insécurité, prostitution, insalubrité, difficultés de circulation..).
Les territoires périphériques sont laissés à l’abandon alors qu’ils disposent de fortes
potentialités économiques. Leur valorisation dynamisera l’économie locale et renforcera la
cohésion nationale en ce sens qu’aucun territoire de la République ne se sentira abandonné.
Comment comprendre que l’hôpital de Bambao Mtsanga soit laissé à un état quasi
végétatif alors qu’il dispose de tous les services et équipements nécessaires pour être érigé en
centre hospitalier régional voire national ?
Outre une décentralisation effective, la consolidation de l’unité nationale et le
développement harmonieux et équilibré du pays exigent également une équité
territoriale. L’implantation des infrastructures et services publics (électricité, téléphone,
réseaux d’adduction d’eau et d’assainissement, hôpitaux, établissements d’enseignement
supérieur, centres de formation, etc.) doit se faire à la fois dans un souci d’efficacité
économique et d’équité territoriale. Cette dernière contribuera au renforcement du sentiment
d’appartenance à une même nation en permettant aux citoyens, dans la mesure des moyens
des pouvoirs publics, d’accéder aux services publics en n’importe quel point du territoire.
Voilà pourquoi la programmation des investissements structurants doit faire l’objet
d’une grande concertation nationale afin de ne pas nourrir un sentiment de discrimination à
l’égard de certaines îles ou régions. Nous devons toujours avoir à l’esprit que les territoires
oubliés constituent un terreau fertile aux extrémismes.
5.2 Démocratisation de l’accès à la fonction publique
L’égalité devant le service public et la nécessité de disposer d’une administration
efficace exigent le recours au concours comme mode normal d’accès à la fonction publique.
6. Instauration d’une retraite complémentaire
Beaucoup de Comoriens se retrouvent dans le dénouement après avoir liquidé leur
droits à la retraite. Il convient de revaloriser leurs pensions mais également d’instaurer une
retraite complémentaire financée par des cotisations salariales et patronales au profit des
agents publics et des salariés du privé percevant au minimum une rémunération mensuelle de
250 000 francs comoriens. La base des cotisations sera plafonnée à 750 000 francs comoriens
7. Education à la citoyenneté
7.1 Prévention de l’extrémisme religieux et des dérives sectaires
La nation ne se réduit pas à la cohabitation dans un même espace géographique. La
nation est surtout synonyme de civilisation commune. Or la civilisation comorienne est
largement inspirée par un Islam tolérant, sunnite et de rite chaféite. En conséquence, le Coran
et la théologie islamique doivent être enseignés du primaire à la 3ème en suivant un
programme normalisé élaboré sous l’égide des hautes autorités religieuses du pays afin de
permettre à tous les jeunes d’aujourd’hui donc aux adultes de demain de partager une même
vision de l’Islam, celle d’un Islam tolérant, sunnite et de rite chaféite hérité de nos aïeux. Cet
enseignement religieux renforcera la cohésion sociale et constituera la meilleure des
préventions contre l’embrigadement par les mouvements radicaux et terroristes.
L’Islam sunnite de rite chaféite est le principal pilier de la société comorienne.
L’affaiblir, c’est exposer à coup sûr l’édifice à la ruine. En faire un instrument d’oppression,
c’est dénaturer le message de l’Islam. Nous devons revenir à l’Islam authentique et tolérant
que nous avons hérité de nos aïeux, le protéger et le transmettre tel quel aux générations
futures.
Nous devons renouer avec cet esprit de tolérance qui avait permis à la communauté
chiite de rite ismaélite établie de longue date aux Comores d’exercer librement son culte dans
un pays majoritairement sunnite.
Nous devons nous inspirer de l’esprit d’ouverture du Prince Saïd Ibrahim qui confia le
ministère de la Santé et la vice-présidence du conseil de gouvernement à un chrétien d’origine
mahoraise, en l’occurrence au Dr Martial Henry.
7.2 Démocratisation de la pratique sportive
Le sport véhicule des valeurs d’amitié, de solidarité, de respect de l’autre, de maîtrise
de soi, de dépassement de soi et d’émulation. Par ailleurs, il offre de grandes possibilité
d’exaltation de la fierté nationale. Pour toutes ces raisons, il peut constituer pour les jeunes
comoriens un excellent vecteur d’apprentissage de la citoyenneté et un levier pour le
développement de la cohésion nationale. Aussi, l’État doit démocratiser la pratique sportive
en faisant du sport une discipline obligatoire dès l’école primaire et en instituant des
championnats inter-établissements.
7.3 Instauration d’un service civique national
Il ne peut y avoir de destin partagé et donc de nation sans engagement et sans
solidarité. Voilà pourquoi, il est urgent de valoriser, de susciter et de transmettre le goût de
l’engagement et l’esprit de solidarité notamment par l’instauration d’un service national.
Les jeunes scolarisés de 15 à 25 ans doivent effectuer en dehors de leur île d’origine
un service civique de 6 mois répartis sur 2 ans dans un cadre en lien avec le soutien scolaire,
l’encadrement sportif, la préservation de l’environnement, la sécurité (gendarmerie, police,
corps des pompiers), la prévention des maladies et la promotion de la santé.
Ce service favorisera une meilleure connaissance du pays par les jeunes générations, le
brassage de la population, le développement de la culture de l’engagement et l’éclosion de
vocations en lien avec le service public.
8. Reconstruction du système éducatif
Notre système éducatif se caractérise par le délabrement avancé voire l’état de ruine
des établissements publics, par la forte désaffection de l’école publique en faveur de
l’enseignement privé (70 % des effectifs), par les problèmes d’équipement des élèves, par la
faible qualification d’un grand nombre d’enseignants aussi bien dans l’enseignement public
que dans l’enseignement et par son inadaptation aux réalités et aux besoins du pays. Il en
ressort un taux de déperdition scolaire très élevé et des taux de réussite aux examens
nationaux très faibles. Par ailleurs, beaucoup d’élèves sortent du système avec des
qualifications faibles ou inadaptées au marché du travail.
Il est illusoire d’ambitionner de relever le pays et a fortiori de le conduire vers
l’émergence dans ces conditions.
Des mesures fortes doivent être prises pour faire de l’éducation nationale un levier
pour la cohésion sociale et le progrès économique et social.
8.1 Construction et réhabilitation des établissements scolaires
Les établissements scolaires publics sont vétustes et offrent des capacités d’accueil
très limitées. Certains d’entre eux, dont l’emblématique lycée Saïd Mohamed Cheikh de
Moroni, menacent ruine. Embourbé dans ses contradictions et portant son incurie à son
paroxysme, le gouvernement du colonel Azali, si prompt à évoquer des investissements sur
fonds propres, n’a prévu aucun centime en budget d'investissement pour
l'enseignement et compte sur une hypothétique générosité de nos partenaires pour assurer la
réhabilitation des collèges et des lycées.
Il est urgent de définir un programme pluriannuel de réhabilitation des collèges et
lycées publics.
Il conviendra d’adopter en urgence un collectif budgétaire en vue de financer ces
travaux. Il s’agira notamment de réaffecter la totalité de la RAU (Redevance Administrative
Unique) perçue par le ministre des Finances et certains fonctionnaires de son
administration au budget d’investissement de l’éducation nationale et de réduire
drastiquement les crédits de la présidence de la République au profit de ce dernier.
8.2 Préparation à la vie professionnelle
Le pays n’a pas les moyens de conduire toute une classe d’âge au baccalauréat. Par
ailleurs, il est absurde de continuer à former des légions de diplômés destinés à gonfler les
rangs des chômeurs. Une conférence nationale réunissant les ministères en charge de
l’économie, du plan, de l’emploi, de la fonction publique, les partenaires sociaux et les
chambres consulaires doit définir les filières d’avenir pour les vingt prochaines années et
permettre ainsi au ministère de l’Education nationale d’organiser les enseignements en
fonction des besoins de l’économie nationale.
8.3 Réforme du baccalauréat
L’évaluation des connaissances des candidats au baccalauréat doit tenir compte des
notes obtenues en contrôle continu en 1ère et en Terminale dans la limite de 25%. Cette
réforme conduira les élèves à mieux préparer l’examen dès la classe de 1ère, à mieux répartir
leurs efforts sur toute l'année scolaire en Terminale et leur permettra d'éviter l'accumulation
disproportionnée de travail à la veille de l'examen, nuisible à la qualité de l'assimilation des
connaissances.
8.4 Valorisation du métier d’enseignant
Le niveau médiocre des élèves et étudiants comoriens tient en partie au fait que
beaucoup de professeurs n’ont pas été formés au métier d’enseignant. Il est urgent de
valoriser le métier de professeur en le réservant à des agents dévoués au service public de
l’enseignement. Pour accroître leur motivation et leur efficacité, l'Etat devra améliorer leurs
rémunérations et leur faire bénéficier de formations continues durant toute leur carrière. En
échange, les professeurs devront s'engager à servir comme enseignant au minimum 5 ans
avant d'exercer un autre métier.
8.5 Création d’un service de médecine scolaire
Il doit être créé dans le ressort territorial de chaque commune une ou plusieurs équipes
médico-scolaires itinérantes. Elles devront être composées d’un médecin et d’un ou plusieurs
infirmiers. Elles seront chargées d’organiser des actions de prévention, d’éducation à la santé
et de formation au secourisme au sein des établissements scolaires publics et privés installés
sur le territoire de la commune. Elles devront assurer l’organisation des bilans de santé et la
mise en place d’un dossier de santé pour chaque élève avec contrôle des vaccinations.
9. Développement de la formation professionnelle
9.1 Ouverture d’une Ecole des Métiers du Bâtiment et des Travaux Publics
Le pays manque cruellement d’ouvriers qualifiés, de techniciens supérieurs. C’est
ainsi que le gouvernement recourt à des ouvriers et techniciens malgaches pour la
construction du nouvel hôpital du fait de l'absence des profils recherchés chez les Comoriens.
Les perspectives d’embauche dans le cadre du programme de construction et
de réhabilitation des établissements d’enseignement ainsi que les besoins exprimés dans le
secteur de la construction de maisons individuelles et dans le cadre de la modernisation des
infrastructures de transport et rendent impérieux l’ouverture d’une Ecole des Métiers du
Bâtiment et des Travaux Publics.
9.2 Introduction de formations en alternance
L’Etat doit imposer un seuil d’embauches en alternance aux entreprises publiques. Les
frais d’inscription des étudiants doivent être pris en charge par les entreprises. Ces dernières
pourront les déduire de leurs impôts. Les entreprises privées pourront à leur demande
bénéficier de ce dispositif.
10. Développement de l’agriculture
Le désintérêt pour l’agriculture, l’outillage et les méthodes archaïques entraînent une
dépendance alimentaire croissante des Comoriens vis à vis de l'étranger.
La pénurie alimentaire, liée aux difficultés d’approvisionnement rencontrées par les
commerçants, qui frappe les Comores depuis plusieurs mois, montre à quel
point cette dépendance est suicidaire pour notre population.
Au lieu de déployer les ingénieurs agronomes et techniciens agricoles sur le terrain
auprès des agriculteurs, le gouvernement multiplie les séminaires dans les hôtels climatisés de
Moroni et les participations aux colloques à l’étranger.
Il est urgent de revoir notre stratégie agricole .
L’État doit :
10.1 rapprocher les ingénieurs agronomes et des techniciens agricoles du monde paysan en
ouvrant une antenne du ministère de l’agriculture dans chaque préfecture.
10.2 détaxer l'outillage agricole, les engrais, les semences et la provende.
10.3 constituer un fond de garantie dédié à l’agriculture, la pêche et l’élevage pour encourager
les banques et les institutions de micro-finance à accorder des emprunts à ceux qui veulent
investir dans ces secteurs.
11. Diversification de l’offre touristique
Il faut diversifier l’offre touristique en développant le tourisme culturel et
l’écotourisme pour lesquels nous avons un avantage concurrentiel par rapport à Maurice et
aux Seychelles que nous ne pourrons pas rattraper dans le domaine du tourisme balnéaire. Ces
pays n’ont pas l’équivalent de la citadelle de Mutsamudu, du Kapvirijewe d’Ikoni, des
remparts de Foumbouni, de Ntsoudjini, d’Itsandra Mdjini et de Nioumachoi. Ils n’ont pas les
ruelles pittoresques des médinas de Domoni et de Moroni. Ce patrimoine pourrait attirer des
touristes amoureux d’histoire.
L’excursion vers les sommets du Karthala, du Ntringui et du Mledjelé captera une
clientèle de touristes amoureux de la nature. Ce tourisme de montagne induira la mise en
valeur des zones rurales situées sur les flancs de ces sommets. Ce genre de tourisme
pourra générer des dizaines de millions de dollars par an selon les spécialistes.
12. Consolidation du secteur énergétique
12.1 Renouvellement des équipements
Deux raisons d’ordre technique expliquent la faillite du service public de l’électricité :
- a) La SONELEC est équipée de groupes électrogènes d’occasion, parfois inadaptés. Ce qui a
pour effet de multiplier les pannes et d’augmenter la consommation en gazole.
- b Les réseaux de transport et de distribution de l’électricité sont vétustes, entraînent
d’importantes pertes en ligne (près de 30 %) et réduisent considérablement la quantité
d’électricité disponible pour la vente aux clients.
Il faut solliciter les compétences des cadres de la SONELEC pour établir un
programme d’investissement destiné à équiper le pays en groupes électrogènes neufs et à
rénover les réseaux de transport et de distribution de l’électricité.
12.2 Diversification du mix énergétique.
Le coût exorbitant du gazole contribue à la fragilité de la SONELEC. Le recours aux
énergies renouvelables permettra non seulement de maîtriser le coût de revient de l’électricité
mais aussi de réduire la facture énergétique du pays et de préserver l’environnement. Il faut
mener à leur terme les projets de réhabilitation des centrales hydro-électriques à Ndzouani et à
Moili.
Il existe une grande zone aride, très ensoleillée et peu propice aux habitations et à
l’agriculture dans le Oichili et le Dimani. Il faudra y construire des centrales solaires pour
alimenter en électricité la façade est de la Grande-Comore.
La BAD finance depuis septembre 2013 un projet d’appui au secteur de l’énergie d’un
montant de 25,2 millions d’euros soit 12 milliards 397 millions 583 mille 520 francs
comoriens. Il est impératif d’accélérer la mise en œuvre de ce projet dont les résultats se font
toujours attendre.
13. Amélioration des services de télécommunication
L’ouverture à la concurrence et les gros investissements réalisés dans le domaine des
télécommunications et des NTIC Nouvelles Technologies de l’Information et de la
Communication) n’ont pas produit les effets escomptés en matière de qualité de service et de
compétitivité des prix.
Il faudra réaliser un audit de toutes les entreprises qui interviennent dans ce secteur
afin d’identifier les dysfonctionnements et les contraintes qui pénalisent les consommateurs et
d’engager en conséquence les mesures correctrices. En effet, un secteur des NTIC performant
constituera un formidable gisement d’emplois et servira de locomotive aux autres secteurs de
l’économie. Il pourrait par exemple permettre l’ouverture de centres d'appel et l’embauche de
téléconseillers francophones et arabophones.
14. Elargissement du marché
Avec moins de 1 million d'habitants à faible pouvoir d'achat, l’exiguïté du
marché constitue un handicap structurel pour l’économie comorienne. Voilà pourquoi, il nous
faut envisager la coopération et l’intégration économiques entre Mayotte et les 3 autres îles de
l’archipel des Comores parmi les mesures de stimulation de la croissance et de la création
d’emplois aux Comores.
Les 4 îles doivent coopérer notamment en matière de transports, de tourisme, de
protection de l’environnement, de culture et de formation professionnelle.
Le secteur privé doit être également mobilisé. La constitution de centrales d'achat
entre opérateurs économiques des 2 entités permettrait par un effet de masse de réduire le coût
unitaire des produits importés. Les opérateurs économiques pourraient ainsi baisser les prix de
vente des produits importés tout en améliorant leur marge bénéficiaire.
15.Règlement du contentieux au sujet de l’île comorienne de Mayotte
La mise en œuvre d’une coopération et d’une intégration économiques dans notre
archipel lèvera progressivement les verrous psychologiques et administratifs, conduira nos
élites politiques et économiques à travailler ensemble, créera une convergence d'intérêts entre
Mayotte et la partie indépendante de l’archipel et convaincra la population des 4 îles de
l'utilité et de la nécessité de la réunification.
Le gouvernement comorien devra adopter cette nouvelle approche qui pourra créer un
climat propice à des négociations de bonne foi en vue de parvenir à un accord qui prendra en
compte les préoccupations majeures de toutes les parties notamment la fierté des Mahorais, le
bien-être de la population des 4 îles, l’intégrité territoriale des Comores, les impératifs
stratégiques de la France et la paix et la sécurité dans la région.
Le Président du MRDPC
(Mouvement pour une République Démocratique et Progressiste aux Comores)
Cheikh Ali ABDOURAHAMANE