"A quoi ressemble mon avenir?" questionne une des héroïnes du film "Les Filles du Nil", "The brink of dreams", "Au bord des rêves".
Elle vit avec ses copines dans un village copte au sud de l'Egypte. Le petit groupe de filles partage le rêve de devenir comédiennes, danseuses, chanteuses. Rebelles à leur manière en pratiquant ce qu'on appellerait chez nous le théâtre de rue.
Majda, Haïdi, Monika sont heureuses d'être ensemble, heureuses de s'exprimer, de dire à haute voix ce qu'elles pensent, ce qu'elles voient, ce qu'elles critiquent.
Les saynètes qu'elles inventent, qu'elles écrivent et qu'elles jouent, sont autant de moyens d'échapper aux assignations de cette société patriarcale dans laquelle elles vivent, entourées de mères au foyer. C'est aussi une façon de survivre en gardant le rire, la joie.
Elles utilisent les vidéos sur internet pour se former. Qui plus est l'Eglise copte, qui irrigue le village, a une tradition théâtrale forte. Leur théâtre leur permet de recréer leur propre vie.
Le patriarcat qui domine les rapports entre les gens dans le village n'est pas fait de violences physiques caractérisées, mais de blagues, de manipulations, d'attitudes discriminantes. Ce qui n'empêche pas le père d'une des gamines de soutenir sa fille dans ses ambitions.
Les 2 réalisateurs égyptiens, dans cette coproduction Egypte, France, Danemark, Qatar, Arabie Saoudite, ont filmé pendant 4 années. Ils ont pu voir les jeunes filles devenir des femmes.
Travaillant pour une organisation féministe au Caire, pour la création artistique des femmes dans des communautés marginalisées, ils ont rencontré les gens du village El Barsha, "microcosme de la société égyptienne". Alors que le monde culturel égyptien c'est à Alexandrie et au Caire, il s'est révélé intéressant pour eux de construire un film sur cette troupe de rue dans un village reculé, avec des parents, des familles, des voisins de ces jeunes filles du Nil.
Quant à ces dernières, elles ont vite compris l'intérêt de la caméra de professionnels par rapport à leur travail au quotidien. Elles ont vu le film réalisé précédemment par Nada Riyadh et Ayman el Amir, "Happily ever after", et ont apprécié leur personnalité.
2 ans de préparation dans le village, 4 ans de tournage avec une équipe réduite de 3 ou 4 personnes, ont permis de diffuser une confiance totale, osmose visible à tout instant à l'écran. Une séquence de "3 ou 4 minutes c'est 2h de tournage pour que quelque chose se produise". Au total 400 heures de rushes pour le monteur égyptien et le monteur français.
Dès sa sélection cannoise les producteurs des" Filles du Nil" ont montré le film à la comédienne Julie Gayet très engagée sur le droit des femmes et productrice de films défendant des valeurs similaires à celles des réalisateurs ( droits des femmes, égalité femmes- hommes, soutien des femmes "empêchées", des femmes victimes de violences). Julie Gayet a décidé de soutenir le film, en invitant l'équipe du tournage sur le tapis rouge du festival de Cannes. Les images de la cérémonie ont fait d'ailleurs le tour de l'Egypte. La marraine du film va continuer à agir.
Au final un film grand public, qui nous prend par la main pour nous faire découvrir une réalité d'un pays, l'Egypte, occupant une place essentielle dans l'actualité du moment. Mais l'Egypte n'est pas la seule à être concernée par l'émancipation des filles, leur devenir, par la place des femmes, le patriarcat...
Le terme "documentary" qui accompagne le référencement de l'oeuvre ne doit pas perturber le spectateur: un vrai long-métrage a été produit, avec des tranches de vie, des histoires, qui se croisent, se mêlent pour notre plaisir curieux !