Ses guerres, ce sont d'abord ses grands reportages en Afghanistan, lors de la guerre du Golfe, en Tchétchénie, au Rwanda, au Liban, au Pakistan, en Yougoslavie, en Somalie, en Irak, à Gaza... Terrains de conflits sanglants, "Il faut être solide". Marine Jacquemin a travaillé pour TF1, Arte, pour les anglo-saxons aussi.
Mais ce sont aussi ses combats personnels contre l'endométriose qui l'empêche d'avoir un enfant. Combat aussi contre le cancer, plusieurs fois.
"J''ai vaincu toutes mes guerres à moi". "Avec une vie de femme normale".
Elle a ouvert la voie féminine du reportage de guerre réservé aux collègues masculins. "Et si j'allais voir le monde, les femmes d'un autre monde", "avec des yeux pleins de curiosité, avec empathie". Tout en pouvant être bouleversée, même si elle a vu des collègues masculins pleurer là où elle ne pleurait pas.
"Pour porter la parole des femmes et des hommes victimes de la guerre".
Reportages pour témoigner "sans prétention" sur le monde, " sur l'envers du décor", " avec le discernement et le recul nécessaires du professionnel". Avec " le flair particulier de la femme de terrain".
"J'ai fait beaucoup de guerres, parce que mes patrons ont cru en mon écriture. Je regardais la guerre par le petit bout de la lorgnette, pas de scoop, avec les gens qui la vivaient". "Je prenais les gens par la main".
Elle va se battre pour la création d'un hôpital pour les enfants de Kaboul, qu'elle continue à suivre, malgré toutes les difficultés qu'on connait. Avec ce souvenir , avec les talibans : des aigles mitraillés et qui ne peuvent plus voler et ces hommes qui les regardent avec des regards d'enfants, alors qu'ils vont partir pour tuer... Et ce groupe de jeunes talibans qui vont se faire tuer le lendemain matin sur la ligne de front et qui passent la nuit, fous de joie parce qu'elle leur montre des photos de la France, ses paysages, sa musique. "Ils me regardent comme leur soeur, leur mère, alors qu'au bout de la chaine, il y a en Afghanistan un ministre du vice et de la vertu". Comme elle le remarque "on ne nait pas monstre, on le devient". Et pour un journaliste "il faut savoir serrer la main du diable", pour comprendre, faire comprendre.
Elle a interviewé Vladimir Poutine. Elle a rencontré Yitzak Rabin, Bill Clinton, mère Teresa, Jacques Chirac, Danièle Mitterrand, François Mitterrand.
Elle se rappelle avec émotion ce poète géorgien : "Marine, tu es optimiste, je suis pessimiste, je suis mort et tu ne le vois pas. Le poison est en moi. On va mettre deux générations avant de se libérer. Tu n'aimeras pas ce qui va se passer...Il avait tout envisagé".
Marine Jacquemin devrait penser à une deuxième livraison, un deuxième tome. Elle a encore tant de choses à dire, à raconter. Son livre pourrait aussi être adapté en bande dessinée, pour l'ouverture au monde des jeunes générations (avec QR code ouvrant sur des vidéos complémentaires). Ou en série télévisée, car son parcours de vie est emblématique d'une époque pionnière dans laquelle il n'y avait ni stage de préparation à la confrontation aux combats, avant le départ sur le terrain, ni cellule psychologique au retour d'un vécu de scènes abominables.
Actuellement les correspondantes de guerre sont sur toutes les chaines de télévision, aux fronts. Elle leur a ouvert la voie, de la plus belle des manières.