En cette année 2025 le Festival du cinéma américain de Deauville a mis à l'honneur, une fois encore, les femmes avec la présidente du jury Golshifteh Farahani, les comédiennes récompensées. Pamela Anderson a reçu le Deauville Talent Award avec sa nouvelle carrière au service de réalisateurs ambitieux, elle qui fut exploitée pour son physique et caricaturée. Kristen Stewart a reçu le prix de la Révélation avec le film qu'elle a réalisé, "The chronology of water". Et Zoey Deutch a reçu le prix Nouvel Hollywood avant la projection du film "Nouvelle vague".
Festival avec les femmes bien présentes en tant qu'actrices, également comme scénaristes, réalisatrices telle la fille de Al Pacino, Julie Pacino, productrices. Festival qui a rendu hommage à Alice Guy née en France, décédée aux USA, première réalisatrice de l'histoire du cinéma et souvent pillée.
Mais avant tout, le festival de Deauville c'est le festival du cinéma américain indépendant toujours vivace, inventif, attractif, même s'il a souvent des difficultés à se financer.
Cinéma indépendant qui révèle les tendances aussi les maux, de la société américaine, des vies au quotidien. L' humain est là. Les personnages ont de l'épaisseur, de la chair. Nous sommes tous concernés, de plain pied, en immersion.
Vies des couples et leurs errements, couples qui se cherchent :en soirée d'ouverture, Mickael Angelo Covino a "ouvert le bal " avec son "Splitsville" "Libre-échange". Ashley demande le divorce. Carey se tourne alors vers ses amis Julie et Paul pour trouver du réconfort. Le couple pratique un mariage ouvert, mais Carey provoque le chaos en "couchant" avec Julie. On rit. Çà grince. Çà interroge.
Harcèlement avec le film "The Plague" "La peste" de Charlie Polinger avec Joel Edgerton (présent pour un Deauville Talent Award) et le jeune Everett Blunk.Film choc, dur, qui a reçu le grand prix et le prix de la critique. Un camp de water-polo pour jeunes garçons de 12-13 ans. Méchanceté et violence du groupe. Un gamin est la tête de turc, parce qu'il a des boutons sur tout le corps. Le groupe lui en fait baver. Un seul gamin n'a pas peur de cette fausse peste dont on affuble le problème dermato de la victime...
Le handicap et les conséquences sur le cercle familial, avec le film "Olmo" de Fernando Eimbcke qui nous conduit dans une famille du Nouveau Mexique. Le jeune Olmo 14 ans. Son père atteint d'une sclérose en plaques, soigné par sa femme, sa fille, son fils. Jours répétitifs (on entre dans les détails hard) où chacun avec ses rêves, ses envies, fait face parmi les aidants toujours sur le qui-vive.
Les fêlures de l'enfance féminine émergent dans le film de Julie Pacino "I live here now". Rose (Lucy Fry) se retrouve dans un motel isolé et revit les frayeurs, les douleurs de son jeune âge, échos violents du passé. Rêve. Elle est enceinte et la mère de son lâche partenaire est pleine d'hostilité à son égard. Julie Pacino évoque ses faux souvenirs de petite fille. Son premier film, elle le considère comme montrant le combat des femmes à l'intérieur d'elles-mêmes. Son 2ème film portera sur le combat des femmes mais à l'extérieur...
Dans le même registre, Kristen Stewart dans une oeuvre dure, aboutie, part d'une enfance ravagée. Elle raconte, dans "The chronology of water", l'histoire d'une femme qui saigne, histoire tirée du livre de Lidia Yuknavitch. Voyage intérieur d'une femme qui veut se débarrasser, par la littérature, de son passé pour être pleinement adulte.
Les minorités, sujet si sensible dans l' Amérique de Donald Trump, trouvent leur expression dans le récit présenté par "Lucky Lu" "Les lumières de New York". Immersion dans la vie d'un immigré asiatique qui attend l'arrivée de sa femme et de sa petite fille, qui viennent de quitter leur pays. Tout est prêt pour leur arrivée, mais une arnaque sur le modeste logement loué pour les accueillir remet tout en cause. S'y ajoute le vol du vélo de travail du livreur à domicile. Le père, excellent Chang Chen et la petite Canabelle Manna Wei donnent le meilleur, dirigés magistralement par Lloyd Lee Choi.
Les grands sujets politiques ne sont pas oubliés par ce cinéma américain indépendant. "L'intermédiaire " "Relay" est un thriller de haut vol, bien ficelé. David Mackenzie nous narre l'histoire de Sarah qui a dérobé un rapport qui compromet l'entreprise de biotechnologie qui l'emploie. Face aux menaces violentes, elle accepte de ne pas le divulguer. En contrepartie de sa sécurité rétablie. Elle fait appel à Tom un "fixer" qui se charge de la négociation.
L'histoire n'est pas oubliée . Deauville en Normandie nous a donné l'occasion aussi de voir de formidables documentaires. "Why we dream" de Meredith Danluck en est un bon exemple. Les 2 vétérans américains de la seconde Guerre mondiale, Arlester Brown, Wally King, sujets du film, nous ont ému, quand, présents pour la projection du film, ils ont déclaré : "Nous sommes de retour chez nous".
Joel Edgerton, déjà cité, est au générique de "Train dreams" de Clint Bentley. Ce film qu'on verra bientôt sur Netflix illustre l'histoire d'un bûcheron au temps de la construction du chemin de fer US, Il quitte sa femme et sa petite fille pour rejoindre les chantiers, en aller-retour. Un incendie va bouleverser sa vie à tout jamais.
"The history of sound" "Le son des souvenirs" de Olivier Hermanus, formidable film inclassable, a surpris les festivaliers. Lionel, chanteur au grand talent, a grandi au Kentucky dans une ferme, avec un père qui chante les belles ballades tristes du répertoire local. Il rencontre au conservatoire, David, avec lequel nait une relation amoureuse. David est mobilisé en 1917. A son retour Lionel et David collectent les chants menacés d'oubli, mémoire des petites gens de la campagne qui perdent leur culture. La vie les séparera. Mais cette rencontre marquera Lionel jusqu'à la fin de sa vie.
Le festival de Deauville est ainsi multiforme et divers, jusqu'à assurer la projection du film "The doom generation" de Gregg Araki de la "Teenage apocalyse trilogy". Cette trilogie va ressortir sur nos écrans. Le film de 1995 entre rage, nihilisme, sexe. Deux jeunes rebelles du fin fond des USA. Un troisième rencontré par hasard les entraine dans des meurtres sanglants. Araki après 11 ans d'absence va bientôt nous revenir avec un nouvel opus "I want your sex".
Cette année 2025 fut donc un bon cru qui devrait se renouveler encore de nombreuses années, quand on sait que cette année a été lancé le "Deauville Industry Encounters" pour les professionnels du cinéma. Au programme les enjeux des tournages et de la production américaine en France, les opportunités de financements publics en France, le métier d'acteur en France et aux USA, les coordonnateurs ( trices) d'intimité, les directeurs (trices) de casting...