Les données macro-économique de la France montrent un visage un peu différent de ce que le spectacle médiatico-politique met en scène. Pour résumer, je dirais que la France va bien, tout en étant parfaitement conscient du fait que "La France", en soi, ça ne veut pas dire grand chose... C'est une abstraction utile pour ceux qui veulent nous "mettre au travail" au nom d'une "France" qui déclinerait. Que disent les données ?
Sommes-nous menacés par les délocalisations ? Selon l’INSEE, en 2009, le nombre d’emplois délocalisés était certes inquiétant (36000), mais si on le rapporte au nombre d’emplois salariés détruits cette année là (410000), on se rend compte que les délocalisations ne constitue qu’une petite partie (un peu moins de 9%) de l’emploi détruit chaque année. Le discours sur les délocalisations a cependant ceci d'utile qu'il justifie les politiques d'austérité salariale, et les exonérations de charges patronales, lesquelles touchent le plus souvent des emplois de services, non délocalisables...
Les français seraient-ils pauvres ? Selon le crédit Suisse, la France est l'un des pays dans lequel le patrimoine net moyen par adulte est le plus élevé. En 2010, il est de 293 700 euros en France, contre 257 900 euros au Royaume-Uni, 199 800 euros en Allemagne, et 186 400 euros aux Pays-Bas. La France fait donc parti des pays les plus riches de la planète. Si les français ne s'en rendent pas compte, c'est peut-être que 50% de ce patrimoine est détenu par les 5% les plus aisés...
Les riches fuient-ils la France, ses grévistes et son imposition excessive ? Selon la même source, en 2009, la France était le troisième pays au monde en terme d’accueil des millionnaires, devant le Royaume Uni, l’Allemagne, le Canada ou la Chine. Même constatation en 2011 : la France compte 2, 61 millions de millionnaires alors que l’Allemagne n’en compte que 1,75 millions. Les millionnaires représentent 5,5% de la population adulte en France, contre seulement 2,6% en Allemagne. Les riches se trouvent donc plutôt bien au chaud en France, et ils ne fuient pas massivement vers la Suisse... Mais la menace de la fuite des capitaux est, là encore, une rengaine bien utile pour la grande bourgeoisie de ce pays : le capital étant par essence fuyant, on ne peut lui demander de rendre des comptes, on ne peut l'imposer, on ne doit même pas trop le culpabiliser. Chérissons nos riches, et méprisons nos classes populaires !
La France est-elle un pays sous-développée, menacés de la faillite, ruinée par la dette ? En 2008, selon la CNUCED, la France était le deuxième pays accueillant des investissements étrangers sur son sol, après les Etats-Unis. En terme de PIB par habitant (approximativement, le niveau de vie moyen), la France est au même niveau que l’Allemagne en 2010. La France est particulièrement attractive en terme de coût (faible coût de l’électricité) et en terme d’infrastructures de transport (autoroutes, réseaux ferrés, mais surtout aéroports).
La France serait peu compétitive ? Les travailleurs français ne seraient pas productifs ? Selon le ministère de l’Economie, la France est à la tête des pays qui ont la plus forte productivité au monde : au 4ème rang mondial pour le calcul de la productivité par tête (devant l’Allemagne, qui n’est que 8ème). Là encore, entretenir le mythe du français grognard et paresseux et de l'Allemand travailleur et responsable est fort utile pour accentuer les cadences au travail et la culpabilisation du salarié.
La France va bien, mais les classes populaires, en France, vont mal. Les classes populaires, ce sont les ouvriers et les employés, ces salariés d'exécution du secteur de l'industrie et des services, mal payés, méprisés, soumis à des cadences infernales et à un travail aliénant. Ces ouvriers et employés constituent la majorité de la population active. Ils contribuent massivement à la création de richesse en France, mais ils ne représentent politiquement rien ; ils sont presque absents de l'assemblée nationale et du sénat. Ils subissent le plus la précarité de l'emploi, le sous-emploi ou le chômage. Un quart des travailleurs n'est rémunéré que 750 euros par mois. Ils dépensent une partie toujours plus grande de leurs revenus pour se loger, ou pour se nourir. Ils subissent pour la plupart d'entre eux une dégradation non seulement de leur pouvoir d'achat, mais aussi de leurs "chances de vie", pour reprendre l'expression wébérienne : leur espoir d'ascension sociale, pour eux-même ou pour leurs enfants, s'amenuise. Au nom de "la France", de la lutte contre la désindustrialisation, ces travailleurs sont sommés de faire des efforts, d'accepter une pression du travail toujours plus importante, de voir leur pouvoir d'achat encore baisser. Jusqu'où, jusqu'à quand vont-ils l'accepter ?