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Billet de blog 22 mai 2022

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Novax DjoCovid, quand Médiapart fait du hors piste.

Au mois de janvier, le no1 du tennis mondial est expulsé d’Australie pour un délit d’opinion - et non pas de vaccination, comme le rapporta 99,9% des médias. De son côté, Médiapart choisit d’accommoder l’affaire à la sauce épaisse du nationalisme ‘exacerbé’ (dixit Bérurier) du joueur. Pas très sport ?

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Illustration 1

Cela faisait quelque temps déjà que les athlètes étaient de  nouveau sacrifié(e)s sur l’autel de la raison d’état. Que cela  soit les joueurs de squash israéliens interdits de séjour en  Malaisie lors du Mondial de la discipline ou, en octobre 2021,  ces boxeurs kosovars refoulés à la frontière serbe alors qu’ils  se rendaient à Belgrade pour participer aux championnats du  monde de la spécialité. En Australie où il venait défendre à  Melbourne son titre sur la première levée du Grand Chelem,  Novak Djokovic n’a pas échappé à la tendance : placé à deux  reprises en détention et après moult tergiverses, le nº1 mondial  fut finalement déporté tel un pestiféré. 

Cette affaire bénéficia d’un traitement inique par la presse  internationale. Celle-ci reprochant à l’unanimité au joueur  serbe de ne pas être vacciné (contre le Covid) sans reconnaître  toutefois qu’il ne réclamait là pourtant aucun passe-droit !  D’ailleurs, son visa (dit de Class GG subclass 408) était  parfaitement valide. Tout comme le feu vert délivré par la fédération australienne de tennis. Alors, qu’est-ce qui a bien  pu valoir à celui surnommé pour l’occasion Novax DjoCovid  d’être traité ainsi sans sommation en paria ? 

 L’expulsion de Djokovic relevait du gouvernement  australien. Et penchés sur le recours du joueur déposé à la  Cour fédérale de Melbourne, les trois juges ont qualifié cette  décision de ‘non irrationnelle’, en précisant que leur avis était  purement formel et dénué de toute considération morale. Il  faut savoir qu’en Australie, de part la constitution, le ministre  de l’immigration a effectivement le droit d’interdire à  n’importe qui l’entrée sur le territoire national. En général, il  use de ce pouvoir discrétionnaire à l’encontre de ceux ou  celles qui propagent des discours d’incitation à la haine. Dans  le cas qui nous intéresse, le ministre Alex Hawke s’en est servi  uniquement à des fins politiques au moment où le pays peinait  à surfer (les rayons des magasins étaient quasi-vides) sur la  vague Omicron. Il l’a du reste reconnu : « Le risque sanitaire  posé par le joueur était négligeable. » Et bien qu’il n’était pas  obligé de le faire, Hawke a cependant voulu justifier son fait  de prince : « En sa qualité d’icône du sport et le modèle qu’il  représente, la présence de Novak Djokovic sur nos terres  aurait pu exacerber des sentiments anti-vaccins au sein de  certains pans de la communauté. » Limpide.  

 À la lueur de cette explication technique on peut se  demander si Hawke avait conscience qu’avec ce prisme  d’analyse, chaque organisation pouvait se sentir légitime à  l’avenir de faire le tri des athlètes en fonction de leurs  opinions politiques, de leur orientation sexuelle ou de leurs  croyances religieuses. “Il est effectivement inédit qu’un tel  argument ait été avancé, analysa le professeur de droit Jack  Anderson (Université de Melbourne) pour le magazine Sport et Vie. Cela sous-entend qu’un sportif de renommée  internationale est aussi investi du devoir moral de ne pas  montrer le moindre désaccord avec les valeurs en vigueur  dans le pays d’accueil.” Ce principe marque tout simplement  la fin de l’universalisme sportif (une notion sur laquelle certes  il y aurait beaucoup à redire). Et c’est d’ailleurs ce qui s’est  produit ensuite avec le conflit en Ukraine. 

 En 1966, Jacques Lanzmann écrivait pour Jacques Dutronc  le morceau ’On nous cache tout, on nous dit rien’. Soit  l’attitude qu’adoptèrent alors les médias (pas uniquement  bien-pensants) au mois de janvier 2022 et encore quatre mois  plus tard ! Quant à Médiapart, malgré les ingrédients de base  du métier rappelés et servis à la louche par son chef étoilé sur  le sobre plateau de Thinkerview (23/2/2022) « le journalisme,  c’est un rapport à la vérité de fait », sur la dite affaire  Djokovic, ce journal en ligne ne fut vraiment pas très sport, au  propre comme au figuré, en donnant sans chipoter le mercredi  19 janvier dans un article (à six mains !) destiné à vanter  savamment par le menu, tambouille (quelque soit sa qualité)  accommodée avec une sauce grasse, épaisse et de fort mauvais  goût, le nationalisme ‘exaserbé’ (dixit Béru) de ’Nole’ le  végétalien. Le lièvre (toutefois plus coriace) à soulever se  situait peut-être ailleurs ? Quelle drôle d’idée que de vouloir  jeter de l’huile sur le feu dans un moment pareil, surtout à la  lueur des commentaires ‘à serbes’ (dixit Béru), et d’une grande  profondeur, qui s’ensuivirent. Des commentaires parfois aux  relents de Sarkozysme bon teint… « Va t’faire vacciner, pauv’  con ! ». 

 Pour l’anecdote, à l’autre bout du monde, l’instrumentalisation politique au mois de janvier de cette  affaire n’a toutefois pas suffit à maintenir à flot le  gouvernement australien conservateur de Scott Morrison.  Celui-ci est bel et bien resté en cale sèche au côté d’ailleurs  des fameux sous-marins Made in France de la discorde.  C’était hier, l’effet boomerang...  

Source :  

- Court Fédérale d’Australie/ Djokovic v Minister for  Immigration, Citizenship, Migrant Services and Multicultural  Affairs [2022]/File nºVID 18 of 2022/Date du jugement : 16  janvier 2022.

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