Les villes palestiniennes de Cisjordanie sont entourées de colonies économiques ou religieuses, les colonies sont d’une grosse ferme à de véritables villages ou petite ville moderne, fermés par des murs. Il y a 150 colonies qui représentent 668 000 colons, des colonies illégales ont été légalisées par le gouvernement israélien qui vient d’annoncer un programme de 50 000 colonies de plus. Il n’y a plus de continuité territoriale en Palestine, les Palestiniens vivent isolés dans de véritables « bantoustans ». Les colonies sont reliées par des nouvelles routes, les Palestiniens doivent les contourner pour se déplacer.
Je me suis rendu à Jérusalem qui n’est plus zone internationale, elle est isolée, divisée, sous contrôle israélien. En bus, lors du passage du check-point, les Palestiniens sont contraints de descendre par pure humiliation. Les Palestiniens, non-résidents à Jérusalem, n’ont pas le droit d’y pénétrer. Rencontré le cas d’une personne qui n’a pas pu aller assister à la fin de vie et aux obsèques de sa mère. J’ai constaté de visu, la montée interdite de religieux juifs sur l’esplanade des mosquées, sous la protection de l’armée, par pure provocation.
L’armée intervient régulièrement dans les villages et use régulièrement de bombes de gaz lacrymogènes y compris à l’intérieur des maisons. Des villageois vont s’organiser pour fournir à chaque famille des masques protecteurs. Ils doivent faire face à un véritable harcèlement.
Les soldats ont constamment le doigt posé sur la gâchette. Un jeune du village de Sabastya, a été tué pour rien au volant de sa voiture un mois plus tôt lors du passage d’un check-point… Cas d’une maison brulée et avec couple et un enfant, assassinés dans le village de Duma, sans raison avérée.
Les attaques des colons armés sont fréquentes sur les communautés agricoles : j’ai constaté la destruction d’une récolte d’huile d’olive et installation incendiée d’un paysan palestinien par les colons voisins, la veille de mon passage à Sabastya. Des sangliers ont été introduits par les israéliens pour détruire les récoltes et racines des arbres palestiniens, il m’est raconté que des serpents ont même été lâchés au moment de la cueillette des olives. Des centaines d’oliviers ont été tronçonnés, des centaines d’arbres fruitiers écrasés par des engins sur les terres des palestiniens. Des chemins ruraux sont barrés par des blocs pour empêcher le déplacement des paysans. Beaucoup de fermiers palestiniens sont contraints d’abandonner leurs terres et d’aller s’embaucher dans les colonies. A Ramallah, les bureaux d’une ONG palestinienne, qui a pour objet la préservation des terres agricoles arables des paysans palestiniens, ont été saccagés par l’armée, le matériel détruit. La résistance non violente est réprimée brutalement.
-A Hébron dont certains quartiers autrefois habités et très actifs sont désertés, les colons se sont installés dans la vieille ville même, ils jettent leurs détritus par-dessus le mur de séparation dans le souk palestinien, la municipalité a dû installer un toit protecteur.
Les bédouins sédentarisés dans le sud, ne peuvent plus déplacer leurs troupeaux de moutons et de dromadaires dans le désert de Jérusalem, classé parc national israélien, plusieurs communautés ont été chassées.
Le problème de l’eau : l’eau du Jourdain a été canalisée en amont vers Israël et la Jordanie, la rivière n’est plus alimentée que par les eaux usées des colons qui se sont installés sur la rive droite après avoir chassé les Palestiniens de leurs terres (ceux-ci se sont maintenant réfugiés sur la bande de Gaza). Discrimination sur la fourniture en eau : 242 litres par jour par habitant en Israël, 80 litres pour les Palestiniens, 20 litres à Gaza.
La question cruciale de la gestion des eaux usées et des déchets : absence de collecte le plus souvent. Cas de la ville de Jéricho : des fonds internationaux avaient été réunis pour financer la création d’une usine d’incinération, Israël n’a pas autorisé sa construction. Beaucoup de permis de construire sont ainsi refusés. Il y a beaucoup plus d’ordres de démolition des installations et des maisons.
Exactions et détentions administratives arbitraires fréquentes d’une durée de 6 mois, près de 5000 Palestiniens sont en prison, parfois des enfants qui font l’objet de pressions pour dénoncer les résistants.
Depuis la 2ème intifada (soulèvement) en 2000 qui avait fait 300 morts côté palestinien, il y a eu 250 morts de plus perpétrés par l’armée israélienne et de nombreux blessés.
La ligne verte de 1948 faisait 340Km de long, il y a aujourd’hui 640 Km de mur et 300 check- points fixes + les check-points volants.
3,1 Millions de Palestiniens vivent en Cisjordanie, 2,1 Million à Gaza, 5,5 Millions de réfugiés dans des camps en Palestine, au Liban, en Jordanie, en Syrie et à Gaza.
Dans la ville même de Bethléem il y a 3 camps de réfugiés pour 27 000 habitants, le mur de 9 mètres de hauteur sépare la zone israélienne du camp de réfugiés de Aïda, 6500 habitants sur 1/2Km2.
97 résolutions de l’ONU n’ont jamais été appliquées par Israël. Israël n’a jamais reconnu l’existence des réfugiés.
Tous ces éléments me conduisent à conclure que l’Etat d’Israël a progressivement imposé un régime d’apartheid, doublé d’un processus de colonisation visant à chasser les Palestiniens, en confisquant leur terre et en les isolant dans des ilots urbains, cela dure depuis 1948.
Le 14 Octobre 2023
Alain GUEYDON