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Billet de blog 11 novembre 2011

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Compliqué, maître-mot des crétins

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Il ne se passe pas une demi-heure, sur les chaînes de radio et de télévision qui se vouent à l'information, sans que soit prononcée la locution: "C'est compliqué".

Le contexte dans lequel la formule intervient suggère que "compliqué" remplace "complexe" et que, donc, la complication tient lieu de complexité.

Le glissement sémantique est très révélateur.

Ceux qui propagent cette erreur de vocabulaire - le plus souvent des sportifs, footballeurs et surtout entraîneurs - n'ont aucune idée de la richesse contenue dans la complexité, au sens d'Edgard Morin. Pour eux, et pour quelques policitiens de piètre envergure, la complexité est difficile à concevoir, à appréhender, à comprendre. D'où l'on peut conclure que ceux qui répètent "çà va être compliqué", pour un match de foot ou pour la gestion de la dette, essaient de dire: "çà va être difficile".

Dès lors, le remplacement de "c'est compliqué" ou de "çà va être difficile" par "c'est compliqué" ou "ça va être compliqué" se traduit aisément par "je n'y comprends rien" ou par "je ne sais pas quoi faire". Avec une nuance intéressante, par rapport à "c'est difficile": celle qui permet d'inclure l'auditeur et le téléspectateur dans le crétinisme impuissant: "vous n'y comprenez rien" raison pour laquelle "vous n'y pouvez rien".

En écoutant attentivement les décérébrés de l'audiovisuel marmonner leur maître-mot d'impuissants, trois autres tics de langage sont aisément détectables: "maintenant", qui se substitue à "par ailleurs", "après", qui tient lieu de "cela dit" et "voilà" qui fonctionne comme une "méta-ponctuation", marquage hybride, peut-être point-virgule, peut-être points de suspension. En général, "voilà" annonce une ponctuation classique.

Echantillon:

"Le match va être compliqué. Voilà. Maintenant, on peut gagner. Après, voilà, on peut perdre."

Dans la bouche d'un entraîneur de football, qui n'a rien à dire mais qu'il doit le dire quand même en conférence de presse d'après match uniquement pour que les télévisions puissent montrer la mosaïque publicitaire en arrière-plan, vrai sujet du "reportage", c'est conforme au niveau intellectuel limité que requiert ce type de divertissements.

Dans la bouche de politiciens, de politologues et de journalistes commentateurs de la vie publique, c'est plus consternant:

"Le problème des dettes souveraines est compliqué. Voilà. Maintenant, il y a des solutions. Après, voilà, personne ne connaît pas la bonne réponse."

ou:

"L'election de 2012 va être compliquée. Maintenant, voilà, la gauche peut la gagner. Après, la droite peut la perdre. Voilà."

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