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Billet de blog 16 octobre 2020

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Covid-19 : que nous enseigne l'immunité contre les coronavirus saisonniers ?

Deux études apportent des informations sur l'immunité contre les 4 coronavirus saisonniers. Je vais tenter de vulgariser les découvertes de ces deux articles et de présenter les conséquences pour la Covid19 : 1/ notre immunité long-terme contre le nouveau coronavirus SARS-Cov2 2/ l'immunité collective 3/ l'efficacité d'un potentiel vaccin contre le SARS-Cov2

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Petit rappel: Le SARS-Cov2 est un coronavirus. Il y a 6 autres coronavirus affectant l'homme. 4 sont saisonniers et responsables de 15-30% des "rhumes" en hiver (infections respiratoires). Les deux autres sont le SARS-Cov1 (responsable de SRAS en 2002) et le MERS (responsable du MRES en 2012).

Toutes espèces du règne animal confondues, il y a plus de 5000 types de coronavirus.

De part leur grand savoir, on a entendu des "experts TV" parler d'immunité croisée et que c'est super dans notre lutte (guerre ?) contre la Covid19.

Mais, qu'est-ce que c'est ?

Notre organisme développe une réponse immunitaire pour lutter contre les pathogènes que nous rencontrons. Un pathogène A nous infecte et est éliminé. Nous avons acquis une certaine immunité contre ce pathogène A, notamment grâce à des anticorps spécifiques dirigés contre des antigènes (morceaux de protéines) de ce pathogène A.

Arrive ensuite (nouvelle infection) un pathogène B. Il peut être très différent de A, l'organisme va montre une réponse et développer une immunité contre B. Parfois, il arrive que certains des antigènes de B soit identiques ou soient très proches de ceux de A. Dans ce cas, l'organisme possède déjà des anticorps capables de reconnaître le pathogène B et donc de l'éliminer. C'est l'immunité croisée. Une réponse à un pathogène peut amener à développer une immunité contre un autre pathogène.

C'est ce qui se passe avec les épidémies saisonnières de grippe. Chaque année, un virus de la grippe arrive et provoque une épidémie touchant plusieurs millions de personnes. Cependant d'une année à l'autre, des antigènes sont en commun entre ces virus et une personne L ayant été infectée par le virus de la grippe de l'année 200x aura des anticorps contre celui de l'année 201y. A l'inverse, une personne M qui n'avait pas été infectée en 200x pourra tomber malade en 201y.

Revenons à la Covid19. Ainsi, certains pensent qu'une infection par le passé par les coronavirus saisonniers, rendraient les gens aujourd'hui moins enclins à tomber malade de la covid19 ou les protégerait.

Une étude (disponible gratuitement ici) s'est ainsi intéressée à l'immunité procurée par des infections par le coronavirus saisonniers contre le SARS-cov2.

 Les chercheurs ont utilisé le sérum (contenant des anticorps) de patients qui ont été infectés par les coronavirus saisonniers AVANT la pandémie du SARS-Cov2 pour évaluer l'efficacité/capacité de ces anticorps à neutraliser le SARS-Cov2. Ils ont cherché à déterminer une immunité croisée entre les coronavirus saisonniers et le SARS-Cov2.

Résultat: Les sera ont neutralisé les 4 coronavirus mais aucunement le SARS-Cov2. Une immunité contre les coronavirus saisonniers ne procure pas d'immunité contre le SARS-Cov2.

La deuxième étude (disponible ici gratuitement) a été publiée dans la prestigieuse revue Nature Medicine. Elle concerne la durée de l'immunité contre chacun des coronavirus saisonniers.

Les auteurs ont suivi un groupe de personnes pendant 35 ans (!) - ce n'est pas en coupant dans les budgets de la recherche qu'on peut faire ça-

L'objectif était de déterminer la durée de l'immunité procurée par un coronavirus. Autrement dit: combien de temps sépare deux infections ?

Question importante. Aujourd'hui, il y a paquet de covidiots qui ayant été déjà infectés (testés positif) au SARS-Cov2 et ayant guéri, se considèrent désormais immunisés et donc ne pouvant pas être réinfectés/tomber malade ou rendre malade les autres.

La médiane (50% des gens) est à 30 mois, c'est-à-dire qu'au bout de 30 mois, 50% de ces personnes ont été de nouveau infectése par un coronavirus. Et même 30% avant 12 mois. Ca tombe sous le sens, mais ça explique pourquoi certaines personnes ont un rhume chaque année ou même plusieurs fois par année (exemple, une première fois en novembre et la seconde en mars).

Conséquences et réflexions pour la covid19 :

1/ Notre immunité long-terme contre le nouveau coronavirus SARS-Cov2

Puisque la durée de l'immunité développée contre les 4 coronavirus saisonniers est courte, il est extrêmement peu probable qu'une infection contre la SARS-Cov2 (à laquelle on survit) puisse procurer une immunité de plusieurs années ou à vie.

En mars/avril, on ne testait que les fortement symptomatiques. Ainsi beaucoup de personnes ont été infectées et ont guéri de la covid sans avoir développé de symptômes forts ou même sans symptômes du tout. Une partie de la hausse actuelle serait-elle des ré-infections qui s'ignorent ? Pour le savoir, il faudrait faire une analyse génétique de chaque personne infectée. Celle-ci ne serait d'ailleurs informative seulement si les deux infections étaient dues à deux souches différentes. Impossible.

2/ L'immunité collective

Pour qu'une population "développe" une immunité collective, il faudrait qu'environ 66% des personnes ait été immunisées (infectées et guéries) afin que le virus ne puisse plus circuler.

En théorie, c'est bien et ça marche avec plusieurs pathogènes grâce à la vaccination (rougeole, polio...). Mais dans ces cas, l'immunité procurée par le vaccin dure longtemps. Par exemple à vie pour la rougeole.

Malheureusement, l'étude de suivi sur 35 ans montrent que l'immunité contre les coronavirus est à court terme. Comment avoir 66% de la population immunisée en même temps pendant suffisamment longtemps (plusieurs années) pour que SARS-Cov2 ne puisse plus circuler? En faisant des corona-party et en incinérant les morts ?

3/ L'efficacité d'un potentiel vaccin contre le SARS-Cov2

Chaque année, les gens tombent malades par les coronavirus saisonniers (des millions en France), l'immunité est de courte durée. Aucune raison de penser que ce soit différent pour le SARS-Cov2 (tant que ce n'est pas démontré). Dans ce cas, comment un vaccin peut-il être efficace ? Se vaccine-t-on pour une protection de seulement deux mois ?

Même si l'on obtient un vaccin qui induit une superbe réponse humorale (anticorps) et cellulaire, il faudra faire des rappels tous les 3 mois pendant 15 ans ?

Le cas de la grippe est différent car chaque année il s'agit d'un virus différent et la présence d'épitopes (antigènes) communs nous permet d'être plus ou moins bien protégés certaines années avec ou sans vaccin. La vaccination annuelle a pour objectif de nous défendre contre le nouveau virus de la grippe, différent de l'année précédente.

Au vu des ces publications, il est illusoire d'attendre une réponse uniquement médicale. C'est de la responsabilité de chacun et le rôle de chacun d'agir pour se protéger et de protéger autrui.

Evitons les rassemblements inutiles. Gardons des distances. Respectons les quarantaines. Hygiène !

En Corée du Sud (441 morts), au Japon (1650), à Taïwan (7) ou encore à Singapour (28), les gens ont témoigné d'un plus grand civisme et nous nous comptons nos morts.

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