
Nous étions des millions dans les rues après l'attentat de Charlie Hebdo, mais il n'y a plus guère de monde pour manifester contre cet atteinte à nos vies privées. Pourtant, à n'en pas douter, l'équipe de Charlie Hebdo aurait combattu de sa plume ces lois qui instaurent de fait la mise sur écoute de l'Internet Français. Sommes nous encore Charlie ? François Hollande et Manuel Valls sont-ils vraiment Charlie ?
Les Français sont résignés. Il faut dire que nous avons de bonne raisons d'accepter cela : nous avons subi des attentats, notre pays est la cible des terroristes. Or je viens de passer 3/4 d'heure à rechercher sur Internet les statistiques du nombre de Français victimes de terrorisme pour ne trouver au final aucune statistique détaillée récente. Le seul article chiffré sur lequel j'ai mis la main mentionne 7.5 Français en moyenne par an victimes de terrorisme depuis 2001. 7,5 Français par an ? C'est au nom de ce danger qu'on voudrait mettre le pays entier sur écoute en invoquant une procédure législative d'urgence ? Non pas que la vie de ces victimes importe peu, mais le chiffre est à rapprocher des 540 000 morts du cancer, 74 000 morts du tabac ou des 3400 accidentés de la route qui surviennent chaque année !
Au vu de ces chiffres, il ne fait aucun doute que le terrorisme est un prétexte et que cette loi à pour but premier de mettre en place, légaliser et banaliser des outils performants de surveillance d'Internet. On se sert de l'émotion créée par les récents attentats pour faire passer dans l'urgence un texte dont les champions de l'ordre et de la sécurité rêvaient depuis longtemps sans oser le présenter. Même Nicolas Sarkozy ne s'y était pas risqué ! Car si l'on regarde quels pays emploient notoirement de tels outils, on y trouve :
- la Chine qui monitore et censure en temps réel l'internet, s'en sert pour détecter ses opposants qui finissent généralement emprisonnés voir torturés.
- la Libye à laquelle la France avait vendu des outils d'analyse d'analyse du trafic Internet par l'intermédiaire de Bull / Amesys , lui permettant la surveillance des journalistes et militants des droits de l'homme.
- les Etats-Unis qui ont mis sur écoute l'ensemble du territoire Américain, mais aussi une grande partie de la population mondiale au moyen du programme PRISM. Ces alliés bien intentionnés sont, rappelons-le, les instigateurs de la guerre en Irak sur la foi du prétexte fallacieux d'arme de destruction massives, guerre qui a provoqué le décès de près de 200 000 civils et dont les conséquences sont toujours en cours (émergence du groupe Daech, déstabilisation durable de la région et justification de l'idéologie du Djihad pour des millions de musulmans). A n'en pas douter leur politique sécuritaire aura activement contribuée à renforcer la sécurité du monde.
Si aujourd'hui on pourrait prêter de bonnes intentions aux gouvernants qui voudraient nous écouter, celles de nous protéger, nous avons aussi le devoir d'imaginer les conséquences qui surviendraient si de tels outils passaient entre les mains d'organisations moins démocratiques : songeons que le Front National n'a jamais été aussi près des portes du pouvoir qu'aujourd'hui !
Qu'on ne se leurre pas : les vrais criminels ont depuis longtemps appris à crypter leurs communications et leur données. Les terroristes islamistes, eux, semblent privilégier le bouche à oreille. Malgré le repérage et la surveillance par nos services de Mohamed Merah et des frères Coulibaly, aucun projet d'attentat n'a été détecté et faute de preuve, ces individus n'étaient plus surveillées au moment ou ils ont perpétré leurs attentats. Si la finalité de ce projet de loi était réellement de contrer le terrorisme, alors l'honnêteté intellectuelle voudrait qu'on affecte plus de moyens à prolonger la surveillance ciblée actuelle, qui a fait ses preuves, plutôt que de diluer ces moyens dans une surveillance de masse qui relèverai un grand nombre de suspects, mais qu'on ne pourrai surveiller que superficiellement.
Regardons vers l'avenir : cette loi pourrait paraitre à certain raisonnable, voir nécessaire, mais ne doutons pas qu'il s'agit d'une première étape de la mise en place de technologies dont la puissance et le perfectionnement ne cesseront ensuite de croitre avec le temps et le peaufinement des algorithmes d'intelligence artificielle, au rythme toujours fulgurant des progrès de l'informatique. Une fois ces outils en place, pour nos gouvernants la tentation sera grande d'étendre au fil du temps le champ d'analyse des données. Songeons enfin qu'une fois que les services de renseignement auront pris goût à ces outils, il n'y aura plus de retour en arrière...
Nous pourrions plutôt imaginer d'autres politiques : combattons déjà la misère et la ségrégation sociales qui sont en France le terreau d'une jeunesse désoeuvrée et désabusée qui part faire le Jihad.
Cessons de clamer au nom de la France "le droit d'Israël à se défendre" quand objectivement ce pays attaque tous les 3 ans la Palestine, détruisant méthodiquement à chaque fois les hopitaux, les écoles, les infrastructures de transport et les centrales électriques de manière à ce que son peuple ne se relève jamais.
Soutenons les peuples qui se battent pour leur liberté, au lieu de proposer au régime Tunisien les services de la France pour les aider à réprimer les révoltes.
Ayons le courage de réduire notre consommation d'énergie et de développer les sources renouvelables au lieu d'attaquer la Lybie ou l'Irak pour assurer notre approvisionnement géotratégique en Pétrole.
Alors nous aurons moins de raisons de nous plaindre d'être les cibles de la colère du monde Musulman ! Vaste programme sans doute, mais nettement plus ambitieux que de mettre la France sur écoute.
Dans l'espoir de contrer le vote solennel prévu le 25 mai, signez la pétition contre le projet de loi de renseignement et surtout ne manquez pas d'interpeller le député de votre circonscription pour le sensibiliser à la nature des enjeux et à l'absence de réel débat démocratique sur ce projet de loi.
Alban Cousinié.