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Billet de blog 14 décembre 2025

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Insécurité à Mayotte

L'insécurité à Mayotte peut venir de celle qui devrait la combattre. Un témoignage relatant deux faits qui se sont passés à quelques semaines d'intervalle. Les forces de l'ordre à Mayotte font du zèle au vu et au su des habitants. On laisse faire. Ce papier dénonce des dérives autoritaires que ni la préfecture ni la population réprouvent.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1
Rue Zirarouni d'où viennent les forces de l'ordre à vive allure © Albert BATTEUX

En retraite de l’éducation nationale, après avoir passé seize années à Mayotte, après être revenu dans l’hexagone, j’y suis retourné récemment, avec ma femme et j'ai été témoin de faits qui m'ont interpellé et qui m'interpellent encore.

Fait n°1 : Vendredi 10 octobre, vers 18h, Tsingoni, Mayotte.

Le soir, souvent les habitants du lotissement (Zirarouni, quartier Hachénoua) sortent de chez eux pour se retrouver. C’est un moment convivial, et comme c’était vendredi, après la dernière journée de travail avant les vacances de la toussaint, il y avait du monde. Les enfants (de un à douze ans environ) étaient aussi de sortie, c’était l’occasion pour eux de jouer ensemble, de courir… .

Assis sur le haut trottoir en face de la maison où je logeais, je vois passer une personne, la quarantaine, la peau noire, elle courait. Je pensais qu’elle faisait un footing. Quelques secondes après, j’entends le bruit d’une voiture, je vois une voiture de police arriver. Elle roulait à vive allure, environ 60 km/h, dans cette rue (voir photo). Le bruit strident de la voiture effraie les membres de ma famille qui se trouvaient à l’intérieur de la maison. Ils sortent, très inquiets. Je fais un signe au conducteur pour lui demander de ralentir, sans succès. Ce fut un miracle qu’il n’y ait pas eu de gamin sur son chemin. Il n’aurait pas eu le temps de ralentir et encore moins de stopper son véhicule.

Derrière la voiture, peu de temps après, quelques policiers suivaient en courant. L’équipe était en train de poursuivre un individu qu’elle considérait comme clandestin. Je le supposais puisque c’est une grande partie de leur travail.

Révolté, je suis l’équipe de Rambo. Pendant ce temps, ils avaient, à la manière d’un Starsky ou d’un Hutch, coincé le pauvre quidam, puis relâché, il était tout à fait en règle, youps !

Arrivé à la hauteur du conducteur, je lui dis avec beaucoup de motivation dans ma voix, qu’il roulait trop vite, qu’il aurait pu tuer un gamin. Il s’en excuse.

Croisant les Rambos, je leur fais part également de ma stupeur. Leur chef (je le suppose) m’invective, en justifie son intervention comme nécessaire, eu égard à l’insécurité régnant dans l’île : « C’est grâce à ce type d’intervention que l’on vous protège. Quand vous aurez un couteau sous la gorge vous serez content de nous trouver. ». Je lui réponds que ça a déjà été fait mais sans sa présence. Il m’accuse de l’avoir traité de connard. J’ai du le penser très fort.

Fait n°2 : Quelques semaines après, toujours vers 18h, Tsingoni, Mayotte.

Mêmes circonstances, même scénario, des voisins et leurs enfants dehors. Moi, toujours assis sur ce haut trottoir.

Ce sont des enfants de l’île qui ce soir là passent devant moi, des jeunes de 10 à 15 ans environ. Toujours une voiture de police qui les poursuit à vive allure. Toujours ce groupe de "Rambos" derrière qui courent après la voiture, qui coure après les gamins. 

Cette fois-ci, les forces de l’ordre tirent au pistolet vers les jeunes. Je suis à quelques mètres d’eux, sidéré, sans réaction. C'est la première fois de ma vie que je suis confronté à ce genre de situation. Scène de western, tirs en direction de jeunes supposés délinquants, dans ce quartier à cette heure, des enfants qui jouent, des parents abasourdis. me sens perdu.

Illustration 2
Barillet et balle retrouvés © Albert BATTEUX

Nous (avec les voisins), retrouvons sur le sol, quelques temps après, une fois le western terminé, un barillet et une balle en caoutchouc.
Nous (avec les voisins) retrouvons sur le sol quelques temps après, une fois le western terminé, un barillet et une balle en caoutchouc.

Dans les deux cas, la voiture ne s'annonçait pas : pas de gyrophare, pas de sirène pas de klaxon.

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