Le régime chinois vient d'emprisonner à nouveau un de ses dissidents les plus connus, l'avocat Gao Zhisheng, dans la province excentrée du Xinjiang, elle-même soumise à une forte pression policière en raison de la mobilisation des habitants OuÏgours (voir Ouïgours : révolte et massacre)
C'est qu'indiquent, ce 1er janvier, son frère et une association de défense des droits de l'homme ; c'est la première indication depuis 20 mois sur son lieu d'enfermement.
L'avocat Gao, qui a défendu des chrétiens contestataires et des mineurs de charbon, avait été arrêté en février 2009 par les autorités qui lui avaient interdit de communiquer. Il avait été brièvement libéré en mars 2010, puis avait à nouveau disparu.
Le gouvernement chinois profite souvent des fêtes de fin d'année pour réprimer la dissidence, en essayant de s'éviter les protestations, pourtant fort modérées, des chancelleries occidentales. Ainsi, ces derniers jours, après la condamnation de Chen Wei à neuf ans de prison, vendredi 23 décembre, le procès d'un autre opposant s'est terminé deux heures et trente minutes après s'être ouvert, lundi 26 décembre au matin, à Guiyang, dans le sud du pays. Chen Xi était jugé pour "incitation à la subversion du pouvoir de l'état" en raison de 36 écrits fustigeant l'Etat-Parti. Verdict : dix ans de prison ferme, selon l'organisation China Human Rights Defenders (CHRD).
Chen Xi, 57 ans, est un vétéran de la dissidence. Il a déjà été emprisonné pendant trois années au lendemain du soulèvement de Tienanmen, en 1989, avant de purger une deuxième peine, de 1995 à 2005. Depuis sa libération, il animait une association de défense des droits de l'homme dans sa province, le Guizhou. Il militait récemment pour que des candidats indépendants du Parti puissent se présenter lors des élections locales. Cette prise de position lui avait valu une assignation à résidence et la confiscation de son matériel informatique. Contacté le 29 novembre par la sécurité publique pour aller récupérer son ordinateur, il s'est vu notifier son arrestation au poste de police.
Trois jours avant cette condamnation, le 23 décembre, c'est une cour de justice de Suining (province du Sichuan) qui avait condamné un autre dissident historique, Chen Wei, à neuf années d'emprisonnement. Selon l'acte d'accusation, il lui était reproché d'avoir rédigé, depuis le mois de mars 2009, quatre articles aux titres explicites tels que "La maladie du système et le remède de la démocratie constitutionnelle".
A l'issue d'un procès expéditif - environ deux heures et demie également-, le juge n'avait pas laissé Chen Wei prendre la parole pour lire un texte intitulé "Conte de fée dans le désert ».
Cette vague de condamnations n'est pas inédite : en 2009, déjà, Pékin avait profité de Noël pour condamner à onze années de détention Liu Xiaobo, auteur de la Charte 08 appelant à des réformes démocratiques, couronné par le prix Nobel de la paix en 2010.(voir Chine : le silence complice de Sarkozy) Le gouvernement semble penser que les fêtes de fin d'année aideront à détourner l'attention des Occidentaux.
En 2011 le pouvoir a inauguré de nouvelles formes de mise à l'écart. Des dizaines de personnes ont été détenues, souvent dans des "prisons noires", des chambres d'hôtels ou appartements coupés du monde, hors de tout cadre juridique. La dictature traque particulièrement les avocats. L'avocat aveugle Chen Guangcheng est assigné à résidence, hors de portée des visiteurs
Depuis 22 ans, le gouvernement chinois continue d'étouffer toute information sur le massacre de Tienanmen et à persécuter les survivants, les proches des victimes, et toute personne qui conteste la version officielle des événements de juin 1989.(voir Chine: la défaite, 20 ans après) La répression des manifestants de la place de Tienanmen ainsi que la politique qui a suivi ont ouvert la voie à l'actuelle vague de répression « préventive » contre les activistes et opposants dans la foulée des soulèvements populaires au Moyen-Orient.
Quelques semaines seulement après l'attribution du Prix Nobel de la Paix à l'écrivain dissident Liu Xiaobo en décembre 2010 (voir ,) les dirigeants chinois ont commencé une offensive contre ceux qui osent les critiquer. Depuis le 16 février 2011, des dizaines d'avocats, de militants de la société civile, et de blogueurs ont été arrêtés sur des accusations criminelles par les autorités publiques, tandis qu'au moins 20 autres personnes ont été victimes de disparitions forcées. Le gouvernement a également renforcé la censure de l'Internet, contraint à la démission plusieurs rédacteurs de journaux ayant exprimé des points de vue libéraux, et imposé de nouvelles restrictions aux journalistes étrangers à Pékin.
Les Mères de Tienanmen, une association de parents de victimes du massacre de Tienanmen qui a établi une liste d'au moins 203 personnes tuées lors de la répression de juin 1989, ont publié un communiqué le 31 mai selon lequel « la situation depuis février 2011 est la pire depuis le 4 juin 1989 ».
Les nombreuses grèves et manifestations ouvrières, les manifestations locales contre la corruption et l'accaparement des terres par les officiels du Parti , les suicides d'ouvriers, les immolations de moines témoignent d'une situation très tendue.
Va-t-elle exploser en 2012 ?
(voir aussi Abattre toutes les dictatures