Du 6 mai au 30 novembre 1931, cette exposition tenta de promouvoir une image de la France impériale à l'apogée de sa puissance.
On n’a pas hésité à montrer à ce public un spectacle immonde en exhibant cent trente-trois Kanaks prétendument cannibales qui firent les délices de la presse d'extrême droite.
"On n’avait jamais vu de Canaques à Paris, on n’avait jamais vu non plus un millier de crocodiles de toutes tailles, réunis dans le même endroit ; c’est pourtant ce que l’on trouve... au Jardin d’acclimatation [du Bois de Boulogne] qui a réussi le tour de force de s’assurer pour cette saison ces deux attractions sensationnelles." Le Bulletin du Commerce de Paris du 17 juin 1931.. De Nouvelle Calédonie, une centaine de Kanaks sont recrutés afin de représenter ces îles du Pacifique sud à l’Exposition. Arrivé à Paris, ce groupe d'hommes et de femmes sera dépouillé de ses vêtements et contraint de jouer "les féroces cannibales" auprès des visiteurs du jardin d’acclimatation. Puis une partie du groupe sera louée et partira pour être exhibée dans les grandes villes d’Allemagne avant de retourner en Nouvelle-Calédonie.
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Quant au quotidien Paris Soir, il publia un montage de six photos en un seul lot représentant à la fois un éléphant , des zèbres, des girafes, des singes s'amusant en liberté ainsi qu’un groupe de Marocains et un groupe de Tunisiens . Notons que les organisateurs avaient interdit les pousse-pousse car jugés dégradants pour les hommes attelés comme pour les … usagers !!
L'exposition a accueilli plus de 8 millions de visiteurs, c'est un chiffre considérable : 4 millions de parisiens, 3 millions de gens de banlieue et un million d’étrangers. Cette dernière indication est sujette à caution, car 1931 est une année de recensement indiquant que 3 millions d'étrangers résident en France, essentiellement européens mais pas seulement
Ainsi depuis que les Etats-Unis ont suspendu leur politique de quotas de ressortissants étrangers, la France est elle devenue la plus importante aire d'arrivée de migrants au monde
Le grand historien Charles Robert Ageron nous a démontré que l'exposition coïncide avec les premiers retentissements sérieux de la crise mondiale dans les possessions françaises. De sourdes contestations et des solutions alternatives au fait colonial sont à l'oeuvre. Le retour au passé n'est déjà plus possible. Le colonialisme civil et militaire appuyé par les églises va diviser les peuples, se raidir et frapper sévèrement.
C'est pourquoi, pour rendre l'évènement plus vivant et plus attractif, des animations y furent proposées.
Dans chaque section des habitants des colonies donnaient vie aux villages reconstitués. 1500 femmes et hommes d'Afrique subsaharienne furent recrutés sous contrat. Des artisans montraient leur habileté à travailler le cuir et le métal. Des femmes faisaient la cuisine ou lavaient le linge en chantant et en dansant, reproduisant ainsi les stéréotypes. Il s'agissait d'exhiber des femmes et des hommes pour affirmer le pouvoir de la France sur ces populations.
Exotique, démesurée, l'exposition se prolongeait la nuit sous les effets des jeux de lumière et des fontaines lumineuses. Il fallait que le quidam en eût pour son argent.
A travers cette vision idéalisée du monde colonial, suintait l'idéologie raciste d'une époque, prouvant la supériorité de l'Occident chrétien, qu'il fût catholique ou protestant. Cet Occident se considérait comme porteur d’une mission civilisatrice contre « les tyrannies locales ».
De ce point de vue tourné vers la propagande, on fit preuve d'offensive à l'égard des jeunes générations.
Une dizaine de caravanes scolaires amenèrent près de 20 000 élèves avec leur directrices, leurs directeurs, leurs maîtres et maîtresses...
Les étudiant(e)s pour leur part reçurent des leçons d'histoire ou plutôt des « leçons de choses » Le palais des colonies, seul bâtiment construit en dur pour survivre à l’événement constituait un lieu de synthèse de l'exposition, présentant l'histoire de l'empire français, ses territoires. Il fallait donner à voir l'empire de façon soignée et didactique.
Quant aux « valeurs » du colonialisme, que devaient être la morale, le progrès, l’effort, le nationalisme, la loyauté à l'égard de la métropole, l'historien et militant anticolonialiste Gilbert Meynier a observé que celles-ci sont autant de rivières se jetant dans le « grand fleuve de l’idéologie populaire impériale pour un public infantilisé »
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