"Lettre ouverte d’électeurs et d’électrices
du 3e et 10e arrondissements de Paris
A Mme Elise Fajgeles députée et rapporteure de la loi asile immigration
Paris, le 16 avril 2018
Madame la Députée,
L’examen du projet de loi « pour une immigration maîtrisée et un droit d’asile effectif » débute en séance publique à l’Assemblée nationale le lundi 16 avril.
A cette occasion nous nous adressons à vous, qui nous représentez à l’Assemblée nationale.
Nous désirons vous faire part de notre protestation et de nos inquiétudes à propos de ce projet de loi dont vous êtes la rapporteure et qui nous apparaît largement marqué par un esprit répressif.
Lors de son interview du 15 avril, le Président de la République a refusé de remettre en cause le funeste « délit de solidarité » qui pénalise ceux et celles qui, pour des raisons humanitaires, aident bénévolement des migrants et demandeurs d’asile. Il a uniquement accepté d’ « adapter » ce délit.
De même le Président a justifié le maintien de la présence d'enfants en centre de rétention, situation scandaleuse pour laquelle les autorités françaises ont déjà été plusieurs fois condamnées par la justice européenne.
Le texte, présenté comme « totalement équilibré » par le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb, suscite de nombreuses réactions négatives, y compris au sein de votre groupe parlementaire.
L’ensemble des associations travaillant dans le champ de l’accueil et de l’aide aux personnes en difficulté protestent contre la loi et appellent les député.e.s à le rejeter.
L’un des objectifs affichés par ce nouveau projet de loi est d’accélérer le traitement des demandes d’asile. Mais pour y parvenir, ce texte met en péril l’effectivité du droit d’asile et les garanties qui lui sont attachées. Sont ainsi notamment prévus :
- l’allongement du délai de rétention administrative de 45 à 90 jours. L’augmentation de la durée de rétention, mesure punitive et traumatisante, n’a pour seul but que de décourager les dépôts de demandes d’asile, alors même que la France se présente, sur le plan international, comme une terre d’accueil dont l’asile fait partie intégrante de ses principes républicains.
- une « accélération » de la procédure qui porte atteinte à l’effectivité des droits des requérants de l’asile : la réduction des délais de dépôt de demande d’asile de 120 à 90 jours (article 5) et des délais de recours, pourtant déjà bien en-dessous du droit commun, de 30 à 15 jours. Présentée comme une mesure positive garantissant plus d’efficacité, elle implique en fait une atteinte aux droits élémentaires de la défense (moins de temps pour trouver un avocat, moins de temps pour instruire un dossier, moins de temps pour les recours, etc.)
- le retour au caractère non-suspensif de certains recours vis-à-vis des mesures d’éloignement (ceux de ressortissants de pays dits « d’origine sûrs », demandes de réexamen, demandeurs présentant une menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l’Etat), pour lesquels le juge administratif, pourtant non-spécialiste du droit d’asile, sera chargé d’apprécier le maintien ou non du caractère non-suspensif en examinant le fond de la demande d’asile ;
- l’élargissement du recours aux vidéo-audiences aux demandeurs résidant sur le territoire métropolitain et ce sans recueillir leur consentement ;
Pour ces raisons, nous nous opposons à cette loi et appelons les habitant.e.s du 3e et 10e arrondissements de Paris, dont vous êtes l’élue, à se joindre à cette démarche de solidarité et d’humanité.
Madame la Députée, nous vous demandons d’entendre l’opposition de vos concitoyen.e.s à cette loi et de revenir aux principes d’humanité et de respect des droits fondamentaux qui fondent notre République. "
Premières signatures:
Albert Herszkowicz (3e)
Laurence Hugues (3e)
Association Deux Rives (3e)
Dominique de Rotalier (3e)
Julien Bayou ( 10e)
Janine Duranton ( 3e)
Annie Ducol (3e)
Quentin Picquenot (3e)
Pierre-Yves Jourdain (3e)
Sylvain Raifaud ( 10e)
Patrick Chaize (3e)