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Billet de blog 28 mars 2011

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Publication d'un article de Monsieur ABMOUL: Point de vue: De la France et du Mouvement 20 Février

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Point de vue: De la France et du Mouvement 20 Février

25 mars 2011 23 h 37 min

Le 17 mars furent publiées des informations sur une rencontre entre des représentants du Mouvement 20 Février et des représentants de l’ambassade de France au Maroc, rencontre qui eut lieu à l’instigation de cette dernière et en son sein. Cette rencontre fut précédée quelques jours avant par une visite d’un membre du groupe MALI, supporter du Mouvement 20 Février sans en être officiellement membre, au Quai d’Orsay dans le but d’appeler le gouvernement français à des pressions sur le régime marocain au vu des récentes manifestations. Le même groupe, MALI, s’était notamment fait distinguer par une lettre adressée à la Secrétaire d’État américaine Hillary Clinton à la veille de sa visite au Maroc au sujet des libertés religieuses au Maroc. Entre les deux rencontres, le nouveau ministre français des affaires étrangères Alain Juppé, lors de la séance du Conseil de sécurité consacrée à la résolution sur la zone d’exclusion aérienne en Libye, s’est laissé aller à d’étonnants et peu communs éloges du récent discours du souverain marocain, citant le Maroc comme l’exemple à suivre en termes de réformes afin d’endiguer la vague de contestations des régimes autoritaires qui secoue la région.

Il parait alors évident en remettant ces différents éléments dans leur contexte et en tenant aussi en compte la promesse d’une réhabilitation de la diplomatie française dans la région dont la nomination d’Alain Juppé au Quai d’Orsay est censée être annonciatrice, que la France, tout en tirant les leçons de son fiasco diplomatique en Tunisie et en Egypte en tentant d’établir des contacts et des liens avec les mouvements de contestation au Maroc et ailleurs, n’en continu pas moins à exprimer son indéfectible soutien au régime marocain et à sa perpétuation. En effet, pendant que la délégation des jeunes marocains subissait la lecture officielle française du processus de ‘’réforme’’ au Maroc, une importante délégation du gouvernement marocain, ne comprenant pas moins de six ministres clés et des représentants du patronat marocain, effectuait une visite à l’Hexagone faisant le tour des cercles politiques et économiques français afin de faire la promotion du discours royal du 9 mars et de rassurer les milieux économiques français sur la stabilité du pays et la pérennité de leurs investissements.

Autant la forme que la teneur de la rencontre entre certains représentants de la jeunesse marocaine et l’ambassade de France à Rabat sont révélatrices à la fois de la manie néo-colonialiste que la France semble incapable de s’en départir lorsqu’elle traite de ses anciennes colonies, que de l’inanité – voire de la grave erreur de stratégie politique- de miser sur un quelconque soutien du gouvernement français pour une démocratisation réelle du Maroc. Sur la forme, c’est l’ambassade qui décida de la rencontre, en fixa le lien et la date, en établit l’agenda, mandatant un membre de la jeunesse Ittihadi (jeunesse de l’Union Socialiste des Forces Populaires, parti de gauche gouvernementale) de désigner les jeunes qui devaient y prendre part (on peut cependant présumer, au vu du discours tenu par le représentant de l’ambassade de France, que la dite personne fut explicitement instruite de ne pas inclure dans la délégation des représentants de certains courants politiques). Sur le fond, le compte rendu de la réunion qui s’ébruita dans la presse donne la mesure de l’attitude paternaliste et néo-colonialiste dont le refus et la lutte contre devraient figurer parmi la liste des priorités de la jeunesse marocaine révoltée. Une dissertation sur l’aspect révolutionnaire du discours royal, sur la nécessité d’embarquer dans la barque de la réforme royale, et une mise en garde contre l’alliance avec certaines forces politiques représentées dans la société marocaine mais jugées radicales par les faiseurs de politique français donnant l’écho au discours du gouvernement marocain. En bref, le discours (unidirectionnel ?) des représentants de la France ne diffère en rien du discours condescendant des officiels marocains auquel nous ne sommes que trop habitués.

Si l’on sait aujourd’hui, par des membres fondateurs du Mouvement 20 Février, que la suite donnée à l’invitation par l’ambassade de France fut une initiative prise par une frange de la branche de Rabat du mouvement (en substance les représentants des jeunesses de certains partis représentés au parlement), le Mouvement 20 Février n’a rien annoncé d’officiel qui puisse éclaircir sa position sur cette rencontre. Ceci pose sérieusement la question de l’organisation du mouvement et du risque, à force de s’enorgueillir d’être un mouvement non structuré dépourvu de meneurs, de le voir noyauté ou même récupéré par des éléments pas forcément acquis au changement (je fais ici allusion aux partis de la gauche makhzenienne). Annahj Dimocrati (la Voie Démocratique, parti de gauche radicale fustigé par le représentant de l’ambassade de France) a émis un communiqué dénonçant l’ingérence française dans la politique intérieure du Maroc, mais a bien opportunément omis de dénoncer l’action des jeunes sans laquelle cette interférence serait moins facile.

Il nous parait pertinent, pour finir, de rappeler quelques évidences, notamment historiques, quant à l’erreur de jugement politique que constituerait un quelconque pari sur la bienveillance de la France vis-à-vis d’une évolution démocratique du Maroc :

§ Le rôle que joua la colonisation française dans la régénération et la pérennisation du Makhzen avec une façade quelque peu modernisée est trop documenté pour être rappelé. Pour illustrer celui que l’ancienne puissance occupante continua à jouer pour maintenir ses intérêts, il nous suffit de rappeler l’épisode fondateur de l’opération écouvillon.

§ Les intérêts de la France dans le Maroc d’aujourd’hui sont multiples, allant de l’économique au culturel, et cruciaux pour l’image que la France se fait de son rôle international. Ces intérêts se trouvent bien servis par le régime actuel que toute situation autre que le statu quo est porteuse de risques à ces intérêts stratégiques.

§ La France est, à côté de la classe dominante, l’un des premiers bénéficiaires de ce qu’on appelle le Makhzen économique, l’un des visages les plus hideux du système de gouvernance marocain. Le rôle qu’ont joué les grandes entreprises françaises, appuyées par la diplomatie française, dans le désastreux processus de privatisation et leur accès préférentiel et souvent quasi-monopolistique au marché marocain en font les détenteurs d’une importante portion de l’économie marocaine. On imagine mal la France supporter une transition vers un système plus démocratique ouvrant le marché marocain à la concurrence d’autres puissances économiques mondiales.

http://www.mamfakinch.com/point-de-vue-de-la-france-et-du-mouvement-20-fevrier/

Abmoul

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