Qui a décidé de l’opportunité de l’achat du tas de ferraille nommée Augusta ?
De prime abord, il convient de rappeler que l’acquisition, en 2008, de la raffinerie Augusta, appartenant à la filiale italienne d’ExxonMobil, vieille de plus de soixante-dix ans, à 1,5 milliard de dollars, fut marquée par de vives critiques de l’opinion nationale et notamment par les médias algériens et italiens.
Les experts énergétiques des deux pays s’étaient étonnées de la célérité par laquelle Sonatrach a procédé à l’acquisition d’une raffinerie pour laquelle ExxonMobil avait en vain cherché un acquéreur depuis 2015, en raison de la vétusté des installations, le caractère déficitaire de la raffinerie ,et les sommes importantes qui devaient être engagées pour la rendre conforme aux normes environnementales, notamment en matière d’obligation de réduction des émissions polluantes imposées par l’Union européenne.
Paradoxalement, au moment où tout le monde criait à l’arnaque et exprimait son étonnement face aux logiques qui ont présidé à cette opération douteuse, notamment celles relatives à la pertinence industrielle et à la cohésion de l’opération avec la politique que Sonatrach suivait en matière de raffinage, l’ex PDG de Sonatrach, Abdelmoumen Ould Kaddour, qui avait décidé seul de l’acquisition de cette ferraille, sans associer le ministère de l’énergie et celui des finances, se pavanait devant les médias pour vantait le prix extraordinaire auquel l’acquisition a été faite.
Pire encore, lors d’une journée parlementaire organisée par le Conseil de la Nation, au mois de mai 2018, en présence de Ould Kaddour, son bouffon de service, le vice-président en charge de la commercialisation, Ahmed Mazighi avait tenu à préciser doctement qu’« une raffinerie n’a pas d’âge » (quelle ineptie !) avant de renchérir en déclarant que l’acquisition d’Augusta aura pour effet d’augmenter l’autonomie de stockage en essence et diesel, de permettre le traitement du Saharan Blend sans altérer la qualité de base et de faire le processing physique du pétrole algérien. Chose qui est foncièrement fausse du fait que cette raffinerie ne traite pas le brut algérien. Le citoyen algérien lambda sait pertinemment qu’on ne fait pas tourner un moteur diesel avec de l’essence.
En effet, la raffinerie Augusta, qui est structurellement déficitaire, n’est maintenue actuellement à flot que grâce aux apports de fonds injectés par Sonatrach, qui a dû recourir à des emprunts de 250 millions de dollars auprès d’une banque saoudienne : l’« Arab Petroleum investments Corporation », pour une soi-disant maintenance de la raffinerie et pour l’achat de brut saoudien, en raison qu’Augusta est conçue pour des bruts de densités moyennes et lourdes et non pour du brut léger de la catégorie de ceux que produit l’Algérie.
Cette situation kafkaïenne est aggravée par le fait que Sonatrach de Ould Kaddour s’était engagée, lors de la signature du contrat d’acquisition, auprès d’ExxonMobil à ce que la raffinerie Augusta lui fournisse un volume important de lubrifiants pendant dix ans, à des prix préférentiels ainsi que l’obligation de maintien en activité de l’ensemble des personnels d’ExxonMobil, tous de nationalité italienne, notamment le directeur général.
Finalement, il s’avère clairement que ce n’est nullement d’un problème de gestion qu’il s’agit, mais davantage d’un lourd et chaotique passif que doit gérer l’actuelle direction de Sonatrach qui n’a pas les coudée franches dans la gestion de ce passif du fait de clauses contractuelles l’obligeant à vendre ses produits en exclusivité aux contractants d’Exxon Mobil.
En somme, il est clair que le gang, incarné par le repris de justice Abdelmoumen Ould Kaddour, avait procédé à l’achat de la raffinerie Augusta au moment où la moitié des raffineries italiennes, au nombre de 16, étaient menacées de fermeture. Mais pour quel objectif ? d’où vient l’argent qui a permis l’acquisition de cette raffinerie ? et pourquoi le silence du directeur général des hydrocarbures au ministère de l’énergie, Mustapha Hanifi, influent représentant du ministère de l’énergie au sein du conseil d’administration de la Sonatrach ?
Affaire à suivre.
Albert Farhat