Dans une meute, le principal objectif consiste à se protéger mutuellement les uns les autres. La meute se fie à l’expérience de son chef qui conduit habilement la chasse et décide du choix de la proie. Curieusement, le règne mafieux de la meute à Bouteflika, marqué par la corruption, les luttes de clans et les affaires, avait procédé de la même logique de prédation pour faire main basse sur toutes les richesses de l’Algérie, notamment sur l’ensemble des secteurs de l’activité économique du pays qui ont été mis sous la direction de chefs de meutes, pointilleusement sélectionnés suivant leur degré d’allégeance à la meute, leur prévarication et leur détournement de deniers publics.
Au niveau du secteur de l’énergie, cette meute malfaisante avait trouvé sa ramification dans la personne de Abdelmoumen Ould Kaddour, un ancien taulard promu par la volonté de la meute en président directeur général de la Sonatrach, la plus grande entreprise africaine. Dès son installation à la tête de cette prestigieuse entreprise, il s’était empressé à acquérir une vieille raffinerie coûteuse et polluante en bradant les actions de Sonatrach dans le capital d’«Energias de Portugal EDP», un investissement qui permettait à Sonatrach d’investir l’international et accéder au marché européen du gaz naturel.
Mais quelle est donc la vraie raison qui avait incité la meute, incarnée par Ould Kaddour, à procéder dans la précipitation à l’achat d’Augusta, une raffinerie que la société pétrolière et gazière américaine Exxon-Mobil était prête à offrir gratuitement à qui prendrait aussi le passif lourd et incertain des conséquences de la pollution de l’environnement qu’elle cause, et notamment les soucis avec les élus siciliens et le syndicat, infiltré par la Cosa Nostra. Une ramification dangereuse entre la mafia et les syndicats qui crée des surcoûts importants à prendre en considération.
En vérité, par l’achat de cette vieille raffinerie italienne au prix fort, la meute voulait masquer un arrangement qu’elle avait conclu avec Exxon-Mobil pour sauver un de ses membres les plus importants, en l’occurrence le deuxième homme fort de la meute, Chakib Khalil, en l’extrayant des griffes de la justice milanaise qui le poursuivait dans le cadre de l’affaire des pots-de-vin versés par le groupe pétrolier italien ENI à des responsables algériens, entre 2007 et 2010, pour l’obtention de sept marchés auprès de Sonatrach.
Selon des sources généralement bien informées, le deal passé entre la meute et les responsables d’Exxon-Mobil réside en un ingénieux subterfuge consistant en l’intervention de ces derniers, par le truchement de leurs relais locaux, auprès de la justice milanaise, au profit de Chakib Khalil, très proche de l’ancien vice-président américain Dick Cheney et du lobby du pétrole, en contrepartie de l’achat de la raffinerie Augusta par la Sonatrach au prix que devait débourser Exxon-Mobil pour lever les réserves environnementales imposées par l’Union européenne et la justice italienne.
Enfin, utile est de rappeler qu’en avril 2018, le parquet d’Augusta a menacé Exxon-Mobil de saisir la raffinerie si des travaux pour protéger l’environnement ne seront pas fait dans les six prochains mois. Le transfert de la propriété de la raffinerie d’Augusta à Sonatrach avait eu lieu en fin 2018.
Le film d’arnaque hollywoodien arrive à sa fin, cependant une question demeure posée : est-ce que tous les membres de la meute ayant pris part à l’arnaque d’Augusta ont quitté l’enceinte de Sonatrach ?
Albert Farhat