L’évolution politique et sécuritaire au Yémen reste instable. Les efforts de stabilisation entrepris par les Nations Unis dans ce pays dévasté par la guerre, la famine et les maladies depuis une décennie restent insuffisants malgré une nième trêve parrainée par des institutions internationales. La trêve parrainée par les Nations Unies a été renouvelée pour la troisième fois au début de ce mois avec les mêmes conditions précédentes. Cependant, cette trêve reste fragile comme il l’a reconnu le médiateur international pour le Yémen, Hans Grundberg.
Il est évident que les chances de construire une stabilité sur la base de cette trêve sont peu nombreuse. La précédente trêve qui a consisté en l’ouverture de l’espace aérien yéménite, à la mise en place d’un mécanisme de paiement des salaires des fonctionnaires et des retraités, et à l'ouverture de routes menant à la ville de Taiz n’a pas été suffisante pour améliorer la situation dans le pays.
De nombreux obstacles empêchent la concrétisation des efforts internationaux visant à trouver une solution politique à la crise yéménite. Le principal obstacle réside dans le refus d’un principal acteur de cette guerre d’une issue pacifique. Cet acteur considère qu’il peut prendre l’avantage malgré huit années de guerre civile qui ont fait rage depuis le coup d'état militaire mené par le groupe Ansar Allah Al-Houthi en septembre 2014. Ce dernier a pu s'emparer de la capitale, Sanaa, ainsi que d’autres régions du pays. Il a également réussi à pousser un gouvernement légitime vers l’exil.
Depuis avril dernier, les parties prenantes engagées pour trouver une solution à la crise yéménite, dont l'Union Européenne, ont intensifié leurs efforts pour tenter de mettre fin au conflit qui dévaste le Yémen. Leur objectif est de trouver une issue sur laquelle les différentes parties pourraient s’entendre pour lancer un processus de paix global mettant fin à la guerre civile. Cette solution s’appuie sur l'armistice et les accords qui ont été conclus au cours des mois précédents entre les belligérants. En effet, l'Arabie Saoudite, qui a interrompu les frappes aériennes, a permis aux Nations Unies de persuader les Houthis d'entrer dans un processus de paix global, accepté également par le gouvernement yéménite en exil.
Ce dernier a montré sa bonne volonté et son acceptation de l’armistice en autorisant par exemple d'utiliser des passeports délivrés par le groupe Houthi, bien qu'il s'agisse d'une question souveraine liée au statut juridique du gouvernement. Ce dernier a répété à plusieurs reprises qu'il était prêt à une paix "juste et équitable".
D’un autre côté, les pays participant à la coalition ont accordé un délai aux tractations internationales pour trouver une solution politique au Yémen en retirant complètement leurs armées. Il s’agit notamment des Émirats Arabes Unis, qui ont été un acteur majeur des opérations militaires au sein de la coalition dirigée par l’Arabie Saoudite. Les Emirats Arabes Unis ont été notamment à l’origine des succès qui ont permis au gouvernement internationalement reconnu de retrouver sa souveraineté sur 80% du territoire yéménite.
Cependant, Abu Dhabi a retiré ses forces militaires du Yémen en 2019 en annonçant la fin de sa présence militaire dans le pays. Depuis lors, sa participation militaire s'est limitée à un soutien aérien à son puissant allié saoudien. Ce retrait militaire a été suivi par une volonté émiratie de ne plus s’impliquer dans aucune question politique ou sécuritaire yéménite. Cela s’est traduit également par un désintérêt des médias émiratis pour la crise yéménite. Les Emirats Arabes Unis ont cependant continué à avoir un soutien sans faille pour les actions de l’Arabie Saoudite au Yémen.
Le gouvernement yéménite avait signé avec les Houthis un accord fin 2019 en Suède appelé « l'Accord de Stockholm ». Cet accord comprenait plusieurs clauses permettant un règlement graduel du conflit yéménite, notamment un accord sur la ville stratégique de Hodeidah. Cependant, de nombreux points de cet accord restent en suspens malgré un large échange de prisonniers entre les parties belligérantes du conflit.
Il n'est pas aisé d'identifier clairement les raisons de l'échec de tous les efforts de paix entrepris alors que les deux parties s'accusent mutuellement d'obstruction de manière continue. Considérant que Téhéran utilise le Yémen comme une carte de négociations dans le dossier du nucléaire iranien, on peut conclure comme le dit le journaliste Yasser Al-Yafei, interrogé à ce sujet, que le groupe Ansar est dirigé par l'Iran. Par conséquent, les médiateurs internationaux qui cherchent à trouver une issue au conflit yéménite doivent avant tout convaincre l’Iran d’accepter un accord.
Dans tous les cas, l'armistice entre les acteurs du conflit est toujours en place, ce qui laisse une marge de manœuvre aux médiateurs internationaux, qui intensifient leurs efforts pour trouver une solution durable à la crise yéménite. Cette médiation bénéficie toujours du soutien français et européen. Ce soutien international est cependant conditionné à la mise en place de mesures coercitives à l’égard des Houthis pour les obliger à revenir sur la table des négociations et à respecter d’appliquer les termes de l’accord sur lequel ils se sont engagés. Le journaliste Al-Yafei rapporte que plusieurs observateurs estiment que les pays qui ont exercé une influence au Yémen ces dernières années pourraient et doivent jouer un rôle pour une issue pacifique permettant de régler une crise qui a provoqué des centaines de milliers de morts.