
Le RUA, genèse d’une obsession Jupitérienne
La stratégie nationale de lutte contre l’exclusion et contre la pauvreté lancée par le gouvernement en 2018 devait comporter un large chantier de réforme des minima sociaux. Celui-ci, voulu par Emmanuel Macron, était censé aboutir à un dispositif incluant trois minima sociaux que sont le RSA, la prime d’activité et l’allocation adulte handicapée (AAH) ainsi qu’une quatrième prestation sociale, l’aide personnalisée au logement (APL).
Début 2020, décrié par de nombreux acteurs de la solidarité, notamment dans le secteur du handicap, ce projet de réforme ne put aboutir et fut mis de côté après un an de tâtonnements du gouvernement et d’opposition des organisations nationales.
Deux ans et une crise sanitaire et sociale plus tard, le président décide de remettre à l’ordre du jour le sujet en faisant du « revenu universel d’activité » (RUA) un axe structurant de sa campagne pour sa réélection. Qui plus est, par l’introduction d’une contrainte d’activité comme nouvelle contrepartie à ce revenu minimum, le candidat fait le choix clair de transformer davantage encore le RSA en un outil de contrainte des allocataires au retour à l’emploi, plutôt que d’assistance sociale et de solidarité.
Réforme de l’assurance chômage, RUA : les deux faces d’une même pièce
Mise en place en plusieurs étapes, la réforme de l’assurance chômage a notamment allongé la durée minimale de travail pour l'ouverture ou le rechargement des droits de quatre mois au cours des 28 derniers, à six mois au cours des 24 derniers mois.
Conçue comme une source d’économie, la réforme de l’assurance chômage de 2021 consiste en fait à fabriquer de nouveaux pauvres - en raison de droits à indemnisation rendus plus difficilement accessibles -, qu’il faudra ensuite orienter vers d’autres dispositifs d’accompagnement tels que le RSA ou la prime d’activité. Tous deux bien moindrement indemnisés.
Cette logique, ou « effet de déversoir », repose à la fois sur le mythe de l’assistanat, considérant que les chômeurs le sont par choix. Mais aussi sur la vue de l’esprit selon laquelle plus les personnes sans emplois sont mises sous pression économiquement, plus elles seraient enclines à retrouver un emploi. Face à un marché du travail saturé, ce fantasme n’aboutit qu’à stigmatiser et paupériser toujours plus une partie de la population déjà vulnérable.
Allocataires du RSA : boucs émissaires préférés d’un projet aux accents néolibéraux
Alors même que le RSA est le seul minimum social n’ayant pas bénéficié d’une revalorisation significative depuis plusieurs années et loin d’une logique de soutien à des personnes allocataires vivant des situations très difficiles, le candidat – à l’image de Valérie Pécresse – choisit donc la stigmatisation des pauvres et désigne les personnes les plus précaires comme coupables de leur situation. Coupables tout désignés, qu’il s’agirait donc selon cette logique mortifère de punir à travers des travaux contraints.
Cette disposition est d’autant plus perverse qu’elle fait suite à une réforme de l’assurance chômage ayant vocation à déverser pour partie les allocataires de l’Unédic vers le dispositif de RSA. Ce qui revenait déjà à une première atteinte aux droits des personnes à la recherche d’emploi serait ainsi complété par une nouvelle atteinte visant à contraindre, surveiller et dissuader les personnes de faire recours à leurs droits.
Démanteler les solidarités, contraindre la population au prétexte de politique de l’emploi, renflouer les entreprises… enclin à perpétuer le mythe de l’assistanat, Emmanuel Macron s’apprêterait ainsi à appuyer son programme de campagne sur plusieurs propositions s’inscrivant pleinement dans l’héritage néolibéral en repoussant l’âge d’entrée à la retraite, en stigmatisant les pauvres et précaires, tout cela après avoir soutenu les entreprises sans exiger de contreparties sociales ou écologiques. Fin du suspens : fidèle à lui-même, le président des riches sera donc… le candidat des riches.

En face, un véritable projet de solidarité consensuel au sein de la société civile organisée
À rebours de cette proposition antisociale, il s’agit d’opposer un projet humaniste de véritable soutien à travers plusieurs mesures concrètes de renforcement du minimum social pour soutenir les personnes dans leurs efforts quotidien pour sortir de la pauvreté et y faire face :
1- Supprimer toute contrepartie au RSA. L’allocation de cette aide doit être faite selon un principe de confiance de la société envers chacun de ses membres et non pas en perpétuant l’exclusion d’une partie de ces derniers.
2- Accorder les moyens nécessaires à un véritable suivi personnel et dissocié de l’allocation autour du projet de chacun·e, afin de donner toutes les chances d’accès à un métier décent.
3- Rehausser le minimum social au moins au niveau du seuil de pauvreté (à 50 % du niveau de vie médian en France, soit 867 euros), afin de lutter pour la dignité égale de tou·te·s, et être étendu aux 18-25 ans, tranche de la population particulièrement touchée par la précarité.
4- Simplifier le versement des aides sociales par l’automatisation des prestations à toute personne y ayant droit pour lutter efficacement contre le phénomène de non-recours.
L’ensemble de ces leviers d’amélioration se retrouve par ailleurs à travers les recommandations pour instaurer un Revenu minimum garanti soutenu notamment par le collectif du même nom et par le collectif Alerte, et repris en 2021 dans une proposition de loi dédiée déposée au Sénat. Malgré le débat nauséabond du minimum d'activité en échange du RSA, il est en outre encourageant de retrouver bonne partie de ces axes de renforcement du minimum social dans certains programmes de candidat·es à l'élection présidentielle.