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Billet de blog 12 février 2015

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Paddington

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Dans les temps anciens, à l’époque où nul psychanalyste lacanien, et même jungien, ne soyons pas sectaire, ne pouvait louer son oreille attentive pour la modique somme de 60 € afin d’assurer l’épanchement de nos âmes, il n’était pas rare de confier toutes ses tentations, ses écarts, ses méfaits à un animal et, une fois celui-ci chargé de l’ensemble des péchés des villageois, de l’immoler au nom de toutes les coulpes qu’il portait. Sacrifice performatif qui effaçait d’un coup les fautes et leur porteur, qui était dès lors incapable de dénoncer le fallacieux stratagème puisqu’il n’était plus ! Outre le bouc, émissaire traditionnel et biblique, un autre animal a connu et subit encore ce triste sort, l’Ursus arctos, l’ours brun de nos montagnes.

Autrefois roi des animaux, craint et vénéré, symbole de puissance et de sagesse, il fut déchu pour asseoir le pouvoir d’une religion nouvellement implantée en Europe, qui souhaitait s’assurer le monopole sur le marché des âmes. Notons qu'aujourd'hui encore, l'ours, particulièrement s'il est issu de géniteurs slovènes récemment installés dans les pyrénées, et bien que toujours essentiellement végétarien, rempli cette fonction de bouc pour certains éleveurs de brebis peu assidus à surveiller leurs troupeaux. Toujours est-il que l’ancestrale foi en l’ours, que les premiers américains considéraient comme l’ancêtre de l’homme, fut aboli et son héraut transformé en clown pathétique et grotesque, que l’on faisait danser au prix de mille tortures et qu’on exhibait dans les foires et les marchés. A sa place, la nouvelle religion a installé un animal de paille pourrait-on dire, bien qu’il ne se trouve dans cet état que dans les muséums d’histoire naturelle, dont le représentant européen, Panthera Leo Europae, avait disparu depuis des centaines d'années et qui ne subsistait que dans des contrées lointaines et peu accessibles, gage d'un éloignement propice à un imaginaire inoffensif. Signe des temps ? Ce nouveau roi est d'ailleurs un phalocrate des savanes qui passe le plus clair de son temps allongé au soleil pendant que madame, que dis-je, mesdames, travaillent pour lui rapporter sa pitance qu’il accueille d’un long cri primal… Le remplacement est parfois plus cruel que la déchéance elle-même ! 

 Mais dans les tréfonds de son âme, pourtant renouvelée par la foi nouvelle, l’homme garda une forme de mauvaise conscience de faute originelle, ou le souvenir irréfléchi de cette filiation qui nous lie à cet homme sauvage, à Artza, comme le nomme les basques, père d’Arthur et d’Arthémis. C’est sans doute pour cela qu’il lègue à ses enfants, au jour souvenir de leur naissance, ou, lapsus memoriae, à celui de la naissance du fondateur de cette religion régicide, de magnifiques peluches à l’effigie ursine, pour les aider à passer à l’âge adulte en prenant, peu à peu, de sa force et de sa sagesse. Il le transforme même en héros, avide de marmelade et  émancipateur familial. On sait ce que Winnicott dirait de cet artefact, mais on oublie parfois que c’est aussi, au-delà des générations, un lien avec nos ancêtres, un rappel de la place de l’homme dans la nature…

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