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Billet de blog 1 juillet 2014

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Mondial au Brésil : je ne soutiens pas « la France ».

L’équipe de France de football vient de se qualifier pour les quart de final de la Coupe du Monde. « La France »* est donc derrière « son » équipe, les médias sont aux anges, Hollande et le gouvernement jouissent de cette situation où le peuple voit un peu moins les problèmes sociaux et donc s’occupe moins de politique.

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L’équipe de France de football vient de se qualifier pour les quart de final de la Coupe du Monde. « La France »* est donc derrière « son » équipe, les médias sont aux anges, Hollande et le gouvernement jouissent de cette situation où le peuple voit un peu moins les problèmes sociaux et donc s’occupe moins de politique.

L’ouvrier fête la victoire de « la France » avec le patron. Les racistes franchouillards explosent de joie lorsque Paul Pogba marque un but. La vie est belle…

Moi-même je regarde les matchs des « bleus » et j’avoue être content lorsqu’ils marquent un but, lorsqu’ils se qualifient. Cela dit j’ai pas mal vibré aussi pour l’Algérie qui a réalisé un excellent match contre l’Allemagne. Mais tout le cinéma qui entoure cette coupe a tout pour énerver. 

Tout d’abord précisons que l’équipe de France est une équipe constituée de nombreux joueurs issus de l’immigration. Je n’ai rien contre cela, bien au contraire. Sauf qu’en France, le Front National a réalisé 25% aux européennes… j’ai donc un peu de mal avec l’idée que les mêmes qui votent FN soutiennent l’équipe de « France ». Cette contradiction en est à peine une tellement l’approche est raciste. Lorsqu’un noir ou un beur marque un but, il est fantastique, lorsqu’il rate son match, ou, pire, qu’il ose l’ouvrir, alors il n’est qu’un sale étranger. Une conception issue de la bonne vieille logique coloniale, où l’homme colonisé a le droit à rien, si ce n’est faire ce que l’on souhaite qu’il fasse. 

Parce qu’il est logique, à vrai dire, de soutenir « l’équipe de France » lorsque l’on aime le football. Mais pas parce qu’il s’agit de la France. Le soutient est lié à une identification. Nous vivons au même endroit (ce qui n’est pas toujours vrai) et nous pourrions être à leur place. Mais l’idée d’être représentés peut également, malheureusement, attiser les réflexes les plus dégueulasses comme le nationalisme. Les polémiques autour des supporters algériens en France sont de ce goût. Il paraît inconcevable pour certains que des gens qui vivent en France ne soutiennent pas la France. Parce que le problème d’Estrosi et consorts n’est pas le bruit, lorsque la France gagne, il y a autant de bruit, voire plus, que lorsque l’Algérie l’emporte. Leur problème est qu’ils sont complètement racistes et xénophobes. 

De plus, outre les problèmes de racisme, ou la logique « inter-classiste » qu’il y a dans l’idée de soutenir la France, vient le problème du fric, de la FIFA, de ce que subit le peuple brésilien… 

J’aime le football. Malheureusement, j’aime aussi le football professionnel (pour son spectacle) et je regarde la coupe du monde. Inconsciemment, je soutiens l’équipe de France. Mais j’ai conscience, tout de même, de ce qui se trame. Cette grande escroquerie qu’est le mondial, cet opium qu’est la plus grande compétition sportive du monde, ne doit pas nous faire perdre l’idée que le football est aussi un danger. Se plonger dans une passion, quelle qu’elle soit, signifie une zone de risque et dans ce cas présent, le risque est de s’aveugler volontairement sur une scandaleuse opération financière (commerces parallèles, ruine sociale d’un pays…) inhumaine (prostitution, violence…), raciste, nationaliste. 

Nous pouvons évidemment aimer le football, mais gardons les yeux ouverts, dénonçons la FIFA, restons des personnes sereines ; le sport ne nécessite pas de ne pas réfléchir. L’idée d’un événement mondial, où l’ensemble des pays de la planète se retrouve pour jouer est génial, non ? Il pourrait y être question de solidarité, de coopération, de fraternité, d’échanges, de football (quand même). Nous pourrions imaginer des équipes mixtes, des matchs autogérés, sans arbitre. Des femmes qui entraineraient des hommes ; des formations sur les LGBTI pour lutter contre l’homophobie dans le sport. 

Nous sommes nombreux à aimer le football et à être mal à l’aise face aux valeurs que le football professionnel véhicule. Il est idiot à la fois de se priver de ce que l’on aime  et de souscrire à une compétition qui va à l’encontre de nos convictions. Réfléchissons-en, et si on pensait à une Coupe du Monde alternative en 2018 ?

*le terme de France entre guillemet est là pour démontrer que ce terme est d’une ambiguïté folle. La France, qu’est-ce ? Et qu’est-ce que l’équipe de France ? Mon texte tente de dire que « la France » est un leurre qui empêche de voir notre véritable identité, l’identité sociale. 

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