J’ai écouté l’interview de Jean-Luc Mélénchon sur LCP-Public Sénat du 3 mars : http://www.dailymotion.com/video/x2ilata_j-l-melenchon-invite-a-la-preuve-par-3-sur-public-senat-le-03-03-2015_tv
Je suis assez consterné par ce dernier, cela faisait un moment que je ne m’étais pas lancé dans une telle aventure (plus de 43 minutes quand même). Je ne le regrette pas, mais je suis énervé. Enervé de voir que je ne partage presque rien avec lui sur ce qu’il dit en plus de 40 minutes alors que, politiquement, je pense judicieux de trouver les chemins d’une convergence avec le Parti de Gauche (et avec l’ensemble de la gauche radicale). Mais Jean-Luc en déduira que je suis un « gauchiste », jamais d’accord sur rien, comme il le dit dans la vidéo justement. Il nous faut pourtant discuter de ces sujets dans l’optique d’une alternative commune.
Remarquons qu’il est plus complaisant avec le PCF, alors qu’il n’avait de mots assez puissants il y a quelques mois pour parler de traitrise, de mort du Front de Gauche… Tout est pardonné, c’est de l’histoire ancienne. Aujourd’hui il y a l’unité, alors mettons les débats et les désaccords (qui persistent pourtant) sous le tapis ; ils resurgiront au prochain scrutin où le PC aura des postes à sauver mais jusqu’à la présidentielle c’est bon, on peut y aller, il n’y a rien à perdre, la radicalité du verbe peut sortir ! Les désillusions n’en seront que plus fortes, comme si l’heure n’était pas, de manière urgente, à chercher une alternative au capitalisme en opposition totale au PS et à la droite (seul moyen d’arrêter réellement le FN).
Mais revenons-en aux thèmes abordés dans la vidéo. Accordons à Jean-Luc Mélenchon qu’il faisait face à des journalistes insupportables, qui ne posaient pas de questions judicieuses malgré des thèmes intéressants.
Je ne vise pas à argumenter sur le fond et à être exhaustif (je n’en ai pas la prétention) mais à pointer les réponses que Jean-Luc apporte et qui me semblent à l’opposées des miennes. Peut-être cela fait-il débat au PG (je le crois et l’espère) ; je suis donc ouvert à la discussion.
Sur la Grèce d’abord, Mélenchon revient sur l’accord entre Syriza et les institutions. Il dit lui même que le gouvernement a reconnu la dette et la remboursera, mais demande à gérer lui-même le remboursement en refusant l’austérité (!?). Quand la journaliste parle de « trahison » Mélenchon dit que non et pointe deux types de personnes faisant ces commentaires : les gauchistes et la droite. Lui, bien au milieu, la voix de la raison, y voit une politique anti-austérité. Il faudra nous expliquer comment on peut faire de l’anti-austérité en remboursant la dette, mais n’allons pas trop loin, nous sommes déjà des gauchistes.
Pourtant, sans parler de trahison (je ne le fais pas) on peut parler d’erreur. Il est évident que dans le rapport de force avec les Institutions européennes la Grèce ne fait pas le poids, et qu’à moins d’une rupture nette (difficile à assumer) et sans soutiens d’autres Etats, le gouvernement fait des « compromis » autrement dit, ne met pas en place ce pourquoi il a été élu. Cela est un problème, n’en déplaise à Mélenchon. Ces débats existent d’ailleurs dans Syriza. Cliquez ICI
Encore sur la politique internationale, Jean-Luc Mélenchon délire vis-à-vis de la Syrie, tout le moins il fait de l’amalgame et est volontairement floue. Pour lui Bachar Al Assad n’est pas pire que ceux qu’il combat. Mais qui combat-il pour Jean-Luc, DAESH ? Si c’est ce qu’il pense, cela est faux. Du moins, pas totalement vrai. Car dans les débuts de la révolution syrienne, c’est un soulèvement populaire qui avait lieu même si, aujourd’hui, DAESH gagne du terrain en Syrie et trouve sur sa route, pas seulement Assad, mais aussi des combattants syriens, révolutionnaires, qui ont notamment aidés les kurdes à la bataille de Kobané. Un texte intéressant sur les révolutionnaires syriens en Cliquant ICI
Toujours sur la politique internationale, mais cette fois-là en Russie, Jean-Luc Mélenchon n’arrive pas à condamner Poutine. A la question « n’est-il pas responsable lui aussi de la montée des nationalismes ? », il répond qu’il ne le croit pas. Cela est lamentable. Poutine est une ordure d’extrême-droite, proche de Marine Le Pen, homophobe, raciste, sexiste. Pourquoi ne pas le dire ? La géopolitique à deux balles de Mélenchon, son antiaméricanisme primaire faisant de tous les opposants à l’OTAN des anti-impérialistes est ignoble d’autant que l’impérialisme russe fait des ravages en Ukraine, en Tchétchénie, en Géorgie notamment…
L’Ukraine et son gouvernement seraient fascistes… et Poutine lutterait contre. Quelle bêtise. Mais il lutte pour son pays, son peuple d’après le tribun à cravate… donc chute, bandes de gaucho-fascistes !
Je vous invite à lire cet excellent témoignage sur la situation ukrainienne en Cliquant là
Puis Jean-Luc Mélenchon est parti sur une critique de la politique du gouvernement allemand. Je suis d’accord avec sa critique. La politique ultra-libérale de ce gouvernement est insoutenable pour les travailleurs d’Allemagne. Par ailleurs, il faut combattre ce gouvernement et c’est en premier lieu aux travailleurs allemands de le faire. Point. Pourquoi alors partir, une fois encore, dans des déclarations hasardeuses sur « les allemands », du genre « ils ne font pas d’enfants, sont obligés de faire de l’immigration et donc d’exploser la société allemande », ce qui donne lieu à une montée de l’extrême-droite, pour lui. Limite non ? Je passe sur sa petite phrase concernant Franck Ribéry souhaitant devenir allemand, à la toute fin de la vidéo (écoutez de vous-même, vous verrez).
La ligne directrice de la pensée de Mélénchon c’est que la France est môle, à la botte de l’Allemagne, et que c’est pour ça que nous subissons une politique d’austérité. On est des victimes de la mollesse de Hollande et de la dureté de Merkel (un poil viriliste : Mélenchon, lui, avec ses grosses couilles, il va la mettre au sol la Merkel !). Comme si les patrons FRANÇAIS ne se plaisaient pas dans cette situation.
Il souhaite (JL toujours) un peuple français « un et indivisible », un peuple français qui est selon lui « différent ». C’est son héritage d’une pensée colonialiste de la philosophie des Lumières : internationalistes, oui, mais c’est nous qui allons vous expliquer comment vous devez être de bons démocrates-républicains.
Pourtant, la France, est une puissance destructrice partout sur la planète. Plus que l’Allemagne en matière de politique néo-coloniale. Je ne souhaite pas faire un concours de qui est le pire des gouvernements impérialistes. Simplement rappeler qu’il est bon de balayer devant sa porte et de lutter contre son propre impérialisme pour le bien de tous les peuples, pas contre les impérialismes des autres pour le bien de son propre peuple (et encore).
Enfin, je conclus là-dessous, car cela est moins important, et plus de l’anecdote. Jean-Luc Mélenchon se sait dans la « petite liste » pour être candidat en 2017. Une vision étrange du rassemblement, un emploi exagéré du mot « je », lui conférant une posture de chef éclairé, « je sais », « je vais vous expliquer », « moi je peux »…
Pourtant, le meilleur moyen de rassembler de la gauche des écologistes aux militants anticapitalistes, serait que les dirigeants comme Mélenchon commencent par dire qu’ils ne peuvent absolument pas être des candidats de rassemblement en 2017, tellement il est clivant, tellement ce qu’il dit divise plus que cela ne rassemble. JL Mélenchon n'a pas répondu, par exemple, à l'invitation d'Olivier Besancenot relayée par la journaliste pour un meeting unitaire en commun contre la loi Macron. Non, mieux vaut parler des "petites listes" pour 2017 et dire que les militants du NPA sont "insupportables" (ce n'est pas toujours faux mais ne l'est-il pas, lui, insupportable?).
Que la raison des militants PG s’exprime, qu’ils réfutent ces propos. Discutons-en.