Alexandre Raguet. (avatar)

Alexandre Raguet.

Abonné·e de Mediapart

96 Billets

1 Éditions

Billet de blog 11 octobre 2015

Alexandre Raguet. (avatar)

Alexandre Raguet.

Abonné·e de Mediapart

«L'heure de nous-mêmes a sonné»

Le président du journal « sans papier ni frontières », Edwy Plenel, était à Poitiers mercredi 7 octobre pour une conférence-débat sur le thème : « L'étranger, questions pour notre démocratie ».

Alexandre Raguet. (avatar)

Alexandre Raguet.

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Le président du journal « sans papier ni frontières », Edwy Plenel, était à Poitiers mercredi 7 octobre pour une conférence-débat sur le thème : « L'étranger, questions pour notre démocratie ».

Devant plus de 500 personnes, d'horizons sociologiques totalement divers, des jeunes et des vieux, des femmes et des hommes, des blancs, des arabes, des métis et des noirs, le président du journal Mediapart a porté un message simple : l'étranger, c'est Nous. La lutte antiraciste, bien qu'opposée à la laideur du racisme, est une lutte pour la beauté du Nous, de ce tout qui nous fait, de notre volonté de faire front ensemble pour l'égalité. Puisque si, comme le dit Edwy Plenel en citant Edouard Glissant, l'identité nationale au singulier est tout le contraire de la beauté, alors la beauté se trouve dans les identités plurielles, et la force du Tout dans les mélanges, la multiplicité des identités, certainement pas dans la conformité. C'est le piège tendu par l'extrême-droite, et par les partis de gouvernement de droite et de gauche qui reprennent son discours. Parler de communautarisme devant les différences. Agiter le drapeau de l'ennemi intérieur pour désigner le musulman, comme on désignait le juif autrefois.

Mais Edwy Plenel n'était pas seul à la tribune des Salons de Blossac à Poitiers. Edouard Glissant est intervenu dans son discours. Mais aussi Frantz Fanon, l'auteur des Damnés de la Terre, ou de Peau Noire Masques Blancs, capable de transcender la salle, de hérisser nos poils à nous donner froid, puis chaud ; à porter les larmes jusqu'à la limite de couler de nos yeux. Fanon, c'est cette faculté à être poète dans sa radicalité et c'est cette force, totalement libertaire, de ne rien voir comme figé. D'apprendre de ses erreurs, d'avancer toujours avec l'idée que la vraie ligne d'horizon, c'est l'amour de ses Frères. L'amour de l'égalité, le refus de tout paternalisme colonial, ni même de tout fraternalisme blanc. Edwy Plenel a d'ailleurs cité un passage d'une lettre d'Aimé Césaire, un autre grand homme au rendez-vous mercredi soir. Cette lettre, c'est celle qu'il a envoyé à Maurice Thorez pour lui annoncer qu'il ne souhaitait plus être membre du PCF lui reprochant ouvertement son stalinisme, entre autres. Là encore, Césaire fait référence à ce fraternalisme blanc exercé par ces camarades communistes - « qu'ils partagent avec les bourgeois européens » - et proclame « L'heure de nous-mêmes a sonné ».

Pour terminer son intervention, Edwy Plenel nous a parlé de la créolisation du monde. De lui, ce breton-antillais, se reconnaissant totalement dans le nom du collectif « D'ailleurs Nous Sommes d'Ici ». De sa rencontre avec un islam modéré et humaniste durant sa jeunesse en Algérie. Puis de celle avec le mouvement juif d'Europe de l'est, via son épouse. « Être de gauche, ce n'est pas être au plus proche qui nous ressemble, c'est aller vers le dissemblable ». Plenel donne là une définition de la gauche. La gauche des 500 présents dans la salle ? De ma gauche pour sûr. Cette rencontre avec Edwy Plenel a donné à Mediapart une belle image, celle d'un journalisme sur le terrain, parlant au et du peuple, loin de Paris et son égocentrisme élitiste. Pour conclure à mon tour, je choisis de citer l'internationaliste Che Guevara : « Créons deux, trois, mille Vietnam ! ». Un appel à l’insurrection des consciences, pour la beauté du monde.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.