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Billet de blog 15 février 2023

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Morts au travail : la dérive macroniste

Le député Aurélien Saintoul a interpelé le ministre du travail Olivier Dussopt sur la suppression des CHSCT qui ont eu pour effet d’augmenter le nombre de morts au travail. Ayant qualifié le ministre d’« assassin », après la vague d’indignation, Aurélien Saintoul a présenté ses excuses au ministre. Pourtant, le gouvernement laisse à l’abandon la lutte contre les accidents du travail.

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« Vous êtes un imposteur et un assassin ». Voilà la phrase qui a provoqué un tollé ce lundi à l’Assemblée. Aurélien Saintoul, député LFI, aborde les morts au travail depuis une dizaine d’années. Mais quel est l’état de ces morts dont personne ne parle ?

  • La France, championne d’Europe d’accidents mortels au travail 

En 2019, en France, 783 617 accidents du travail ont eu lieu. Ces accidents ont eu des conséquences diverses sur les individus victimes. Certains accidents ont été d’une telle gravité qu’ils ont entrainé une incapacité permanente, ils sont au nombre de 39 653. Certains ont été tragiquement mortels et sont au nombre de 1200.

1200 morts au travail en une année, cela représente environ trois personnes qui sont mortes au travail par jour. Ce ne sont pas seulement des données, mais bien trois vies qui ont été prises par jour au travail. Les macronistes ne cessent de répéter que « le travail c’est la vie » mais force est de constater que parfois, le travail c’est la mort.

Si on compare les données françaises au reste de l’Europe, la France présente le plus haut taux de mortalité des accidents du travail. En effet, il y a 3,5 accidents mortels pour 100 000 salariés.

De plus, ces chiffres ne prennent pas en compte les suicides de salariés. Si un travailleur se suicide sur son lieu de travail, il sera considéré comme accident mortel du travail et donc comptabilisé. Mais combien de salariés, d’agriculteurs, de policiers se sont suicidés chez eux, car ils n’en peuvent plus de leurs conditions de travail ? Ils ne sont pas comptabilisés dans ces données.

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  • Les métiers les plus difficiles, déjà victimes d’inégalités, sont les plus touchés par les accidents mortels

Selon les données de l’Assurance maladie, les professions les plus touchées par les accidents du travail sont les profession déjà touchées par les inégalités au travail : les métiers physiques difficiles. En effet, 50% des accidents du travail interviennent suite à une manutention manuelle et un quart des accidents du travail sont dûs à une chute. Les domaines les plus touchés par les morts au travail sont le bâtiment, l’agriculture, l’industrie, le transport et l’entreposage. Des métiers difficiles et risqués.

Illustration 2

De plus, au sein même de ces métiers difficiles, les plus touchés sont les plus précaires : les jeunes et les intérimaires. Cela s’explique par le manque de formation dont ces individus peuvent être victimes. Les jeunes et les intérimaires, déjà plus exposés à d’autres risques du travail comme la précarité sont donc également plus exposés à la mort.

Illustration 3

Ce graphique démontre bien la surreprésentation des jeunes dans les accidents du travail. Les jeunes de moins de 20 ans, peu présents sur le marché du travail, sont pourtant victimes de 26 898 accidents du travail pour l’année 2019.

  • La suppression des CHSCT, une action politique laissant présager une continuité de l’augmentation des accidents mortels au travail

Dans le but de lutter contre les accidents du travail, un comité avait été mis en place, le CHSCT. Ce « comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail » avait pour mission d’imposer des obligations à l’employeur afin de protéger les salariés qui seraient dans des situations de risques professionnels. Par exemple, l’employeur avait pour obligation de mettre en place un programme de prévention des risques. Ce comité a été supprimé en 2020.

Par ce choix politique, on voit que le gouvernement considère que les accidents du travail font partie des risques inhérents à certains métiers. Cela justifie le fait qu’il n’agisse pas dans ce domaine. Pourtant, des solutions existent : de meilleures formations pour les plus jeunes et les intérimaires, un meilleur encadrement, l’imposition d’un programme de prévention des risques professionnels…

Les accidents du travail, qu’ils soient mortels ou non, finissent par devenir de simples faits divers. Ce sont des vies qui sont en jeu. Au même titre que des politiques sont mises en place pour lutter contre la mortalité sur les routes ou la mortalité due au tabac, une réelle politique de lutte contre les accidents du travail doit être mise en place.

Ces vies, ce ne sont pas de simples travailleurs. Il s’agit ici de jeune de 18 ans qui meurt car un bloc de béton lui est tombé dessus sous les yeux de son père qui l’avait introduit sur un chantier pour travailler. Il s’agit d’intérimaires qui meurent en tombant d’un échafaudage à 20 mètres de haut. Pour ces travailleurs, la sécurité devrait être une obligation.

En décidant de reculer l’âge de la retraite de deux ans, le gouvernement fait le choix de faire travailler plus longtemps ces travailleurs. Ce choix, c’est augmenter le risque de morts au travail. Et comment appelle-t-on un individu qui fait une action ayant pour conséquence des morts ? Un meurtrier…

Alors pour ces ouvriers du bâtiment, menuisiers, conducteurs de poids lourd, agents d’entretien morts au travail qui ont laissé des familles endeuillées derrière eux, ne laissons pas passer cette réforme des retraites.

- Magalie De Carvalho pour RDS

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