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Billet de blog 6 octobre 2024

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Les médias français et l'apologie de crime : Quand la loi est foulée aux pieds

Le journalisme, en tant que quatrième pouvoir, joue un rôle fondamental dans la société en informant, en analysant, et parfois en dénonçant les dérives politiques et sociales.

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Mais, quand certains médias, sous couvert de "commentaire" ou "analyse", glissent vers l'apologie d'actes contraires aux valeurs humanistes et légales, la frontière entre information et justification de la violence devient floue. Cette ambiguïté n'est pas sans conséquence, car elle influence insidieusement l'opinion publique et les politiques. Prenons un exemple frappant tiré d'un journal français que nous ne citerons pas ici. Son titre : « Israël-Hezbollah-Iran : pourquoi l'ayatollah Ali Khamenei pourrait être le suivant après Hassan Nasrallah », semble présenter comme un fait acceptable l'idée qu'une élimination ciblée – qu'il faudrait appeler par son vrai nom, un assassinat – puisse être justifiée et, pire encore, anticipée comme une stratégie légitime.

Loin d'être un cas isolé, ce genre de titre s'inscrit dans une banalisation dangereuse des crimes d'État commis sous couvert de légitime défense. Et pourtant, en France, la loi est claire : faire l’apologie d’un crime, que ce soit par des justifications voilées ou des euphémismes, est un délit. L’article 24 de la loi sur la liberté de la presse de 1881 condamne fermement toute forme de discours qui excuserait ou encouragerait des actes illégaux. Pourquoi, alors, les procureurs restent-ils silencieux face à de tels dérapages dans les médias ? Si demain, un titre évoquait l’idée que le Premier ministre israélien pourrait être la cible d’un missile iranien Fatteh, il ne fait aucun doute que le Parquet de Paris ouvrirait immédiatement une enquête. Pourquoi cette différence de traitement ? Pourquoi, lorsqu'il s'agit d'Israël, les assassinats deviennent des « éliminations ciblées » acceptables ?

Le fond du problème réside dans une stratégie cynique, appliquée depuis des décennies par Tel Aviv : diaboliser l’adversaire pour justifier l’injustifiable. L’État d’Israël, seul au monde, semble jouir d’une tolérance internationale qui lui permet de frapper sans discrimination des hôpitaux, des écoles, et même des ambassades, sans que cela ne soulève d’indignation massive ni n'entraîne de poursuites judiciaires sérieuses. Tous les États ont le droit de se défendre, mais aucun ne devrait être au-dessus des lois internationales qui régissent la guerre et les droits humains. Dans un État de droit, les criminels sont jugés, pas exécutés sommairement sur la foi d’accusations non vérifiées.

En Occident, l’histoire est pleine de mensonges et de manipulations, que ce soit le faux charnier de Timisoara pour renverser Ceaușescu en Roumanie, ou encore les prétendues armes de destruction massive en Irak, qui ont servi de prétexte à l’invasion sous George Bush. La diabolisation des adversaires, la fabrication d’ennemis fantômes pour justifier la violence, n’est pas une nouveauté. Mais aujourd’hui, Israël pousse cette stratégie à son paroxysme, et nombre de gouvernements occidentaux, autrefois garants de la légalité internationale, semblent aveuglément suivre cette voie.

Le plus désolant est que cette stratégie trouve écho dans la politique étrangère de plusieurs pays occidentaux. François Hollande, par exemple, a fait un usage décomplexé des « éliminations ciblées » en Syrie, oubliant que la peine de mort avait été abolie en France. Barack Obama, lui, n’a pas hésité à adopter la même rhétorique en orchestrant des frappes de drones au Pakistan, tout en ayant reçu le Prix Nobel de la paix. Comment peut-on prétendre œuvrer pour la paix tout en orchestrant des assassinats ?

Il est impératif de dénoncer l’hypocrisie et la dérive des discours. On ne peut ni excuser ni banaliser des crimes sous prétexte qu’ils sont perpétrés par un État allié ou sous le couvert de la « lutte contre le terrorisme ». Lorsque les médias se font les relais de cette rhétorique, ils franchissent la ligne rouge et tombent dans l’apologie du crime. Les procureurs français, qui devraient être les garants de la loi, devraient s’inquiéter de cette tendance. Le délit d’apologie de crime n’est pas une abstraction, il est inscrit dans le Code pénal et doit être réprimé sans exception.

Il est temps que les médias cessent d'être les complices silencieux de cette violence déguisée et qu'ils se rappellent leur véritable mission : informer, oui, mais sans excuser l'inexcusable. Le respect du droit international, de la justice, et des valeurs humanistes n’est pas un luxe : c’est une nécessité pour préserver la dignité humaine.

Par Alexandre Thomas

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