Deux fois j’ai glissé le bulletin « Macron », persuadé qu’en face se tenait l’abîme. On nous a vanté le “ni-ni”, le barrage républicain, la “main tendue” — hélas, cette main s’est muée en marchepied pour le Rassemblement national. Le rempart s’est érodé, est devenu tremplin.
Et maintenant ? Aujourd’hui, je n’ai plus peur — je suis prêt à marcher sur l’Élysée. Non, je ne veux pas la guillotine — je dis ça par métaphore — mais lui faire comprendre qu’il ne peut plus gouverner dans son silence impérial, qu’il doit sortir de sa bulle jupitérienne.
1. Jupiter têtu, autocrate désabusé
Le style Macronien, depuis le début, flirtait déjà avec la suffisance. Les “macronades”, petites phrases assassines ou pompeuses, ont longtemps été tolérées comme des coquetteries d’un président qui “ose”. Wikipédia Mais aujourd’hui, ce n’est plus du théâtre : c’est la verticalité du pouvoir assumée. Le président n’écoute pas — il décrète. Il ne discute pas — il instruit. Les corps intermédiaires, les syndicats, les élus locaux, tous traités comme des figurants dans le décor de son règne.
Les critiques les plus sévères viennent aujourd’hui de intellectuels et constitutionnalistes : selon Rémi Lefebvre, la “responsabilité personnelle d’Emmanuel Macron est largement engagée dans l’effondrement actuel du système politique”, notamment par une gouvernance solitaire et un mépris actif des contre-pouvoirs. Le Monde.fr Le Monde publiait aussi récemment : « Emmanuel Macron ne peut plus et ne doit plus se comporter comme l’homme fort du régime ». Le Monde.fr
Un homme fort ? Non, un homme seul — avec ses conseillers, ses algorithmes d’image, ses discours calibrés. Mais seul, à terme, il s’isole.
2. Le rempart déraillé, le RN en ascension
Souvenez-vous : le candidat MacrouNet nous disait — vous souvenez-vous ? — que le danger, c’était le Rassemblement national, qu'il était le barrage. Il nous a narré : « face à Le Pen, il y a moi ». Mais laissez-moi rire : ce rempart s’est fissuré au fil des dissidences transgenres, des reculs électoraux inattendus et des concessions au centre droit. Il nous avait dit : “C’est moi ou le chaos.”
Mais à force de choisir “lui”, le chaos a fini par s’installer — avec lui.
Depuis la dissolution de l’Assemblée nationale en juin 2024, la France traverse une crise politique sans précédent. Le Monde.fr+1 L’absence de majorité claire, la fragmentation du paysage politique, la montée des populismes — tout cela est la contrepartie de la stratégie du président. Il croyait qu’en jouant solitaire, il maîtriserait le jeu : il l’a été dépassé. Le RN avance, non pas en affrontant frontalement Macron — mais en se glissant dans les brèches que ce dernier a lui-même ouvertes.
Quand le rempart devient tremplin, le combattant, premier de corvée, devient complice.
3. “Je vais au bout” — mais à quel prix ?
Le président assure qu’il ira “jusqu’au dernier quart d’heure” de son mandat. Il veut tenir coûte que coûte. Mais je vous le dis : il y a peu de chance qu’il en sorte par la grande porte.
Le spectacle est déjà affligeant. Il y a quelques jours, Sébastien Lecornu, nommé Premier ministre, a remis sa démission dans les heures qui ont suivi — le gouvernement Lecornu Ier, une “particule élémentaire” dans l’histoire de la Ve République. Financial Times+3Le Monde.fr+3Wikipédia+3 Puis il a été reconduit dans un gouvernement remanié, semblant fonctionner davantage à l’aveugle qu’à la lumière d’un projet clair. Wikipédia
De Nouméa à Anchorage (Alaska), en passant par Yaoundé et Dakar, le monde entier s’inquiète. Bruxelles, médusée devant cette instabilité chronique, voit la France vaciller au sein de l’Union. Le Monde.fr Le divorce entre le discours national et la réalité des urnes était déjà là — il se cristallise en crise de légitimité.
Quand la colère grondera — et elle grondera — le Palais de l’Élysée tremblera. Macron risque de sortir à reculons, la tête basse, ou par la petite porte. Le pouvoir absolu, en fin de compte, donne parfois le spectacle d’un pot de terre face à une foule de chaux.
4. Poutine boit du petit lait ; Napoléon est nu
Si un homme devait jubiler du spectacle français, ce serait Vladimir Poutine. L’affaiblissement d’une grande démocratie, l’illusion du chaos contrôlé — tout cela sert le narratif d’un monde où la force prime sur la légitimité. Poutine boit du petit lait en voyant la France vaciller, son Europe instable, ses institutions délitées.
Napoléon, lui, voulait faire la guerre à Poutine ? Il est mal parti. Car l’empereur ne porte pas d’armure numérique, n’a pas de communicants ni d’intel. Et puis, si Napoléon voulait se battre, il trouverait Poutine en duel — et découvrirait que l’arène est devenue plus impitoyable : celle du populisme et de la crise de la représentation. Dans cette arène, Napoléon est nu, et Macron, malgré son appareil, est vulnérable.
5. À la colère citoyenne de devenir la nouvelle garde
Je n’écris pas ce pamphlet pour appeler à la violence — je la rejette. Mais je réclame la responsabilité, le soulèvement des consciences, le réveil des électeurs. Qu’avons-nous fait de notre promesse démocratique quand nous avons laissé un homme s’enfermer dans sa majesté ?
Quand le peuple se lassera des discours convenus, des sourires forcés, des réformes imposées, il prendra la parole. Quand il réclamera davantage qu’un slogan, mais une vraie République — ouverte, pluraliste, délestée du culte du chef — alors uniquement le tremblement commencera.
Je marcherai sur l’Élysée ? Peut-être pas physiquement. Mais je marcherai avec ceux qui veulent que la démocratie ne soit pas un mot creux. Je suivrai la colère légitime, respectueuse mais déterminée. Et je prédis que dans ce dernier quart d’heure que Macron protège, c’est lui qui reculera.
Épilogue
J’ai voté deux fois Macron. Je n’ai pas voté Le Pen. Mais je ne veux plus qu’une seule personne incarne l’avenir de la France, particulièrement un homme qui croit tenir sa légitimité par son charisme plutôt que par le débat. L’Élysée n’est pas un château imprenable — quand le vent soufflera, les murailles de Jéricho voleront en éclats. Alors que Jupiter se cramponne à son trône, que les Républicains s’invitent au gouvernement, que les coups de théâtre ministériels s’accumulent, j’espère seulement que la France sera là, debout, pour lui rappeler : on ne gouverne pas un peuple comme on commande une cour.
Par Alexandre Thomas