Aux États-Unis, un jeune tribun conservateur est assassiné et la moitié d’un pays hurle vengeance, comme si les institutions n’existaient plus. Les mêmes qui se réclament de l’État de droit se transforment soudain en cow-boys vengeurs. Pas un mot de deuil, pas un mot de retenue : seulement des tweets rageurs et des promesses de rendre coup pour coup. La République américaine se transforme en saloon géant.
De l’autre côté de l’Atlantique, Londres a offert au monde un spectacle grotesque : des foules galvanisées par des slogans anti-migrants, chantant à pleins poumons qu’elles vont « sauver le Royaume ». Sauver de quoi, au juste ? D’un monde complexe qu’elles refusent de comprendre ? D’une économie en panne d’idées ? La police encercle, les contre-manifestants crient, et le Royaume-Uni se réduit à un carnaval de rancunes.
En France, le peuple se donne rendez-vous pour « tout bloquer ». Bloquer quoi ? Les routes, les dépôts, les institutions, la pensée elle-même. On crie à la trahison des élites, mais on ne propose rien d’autre qu’un gigantesque arrêt sur image : « stoppons tout ». Comme si arrêter le temps pouvait réparer la fracture. Comme si l’histoire allait reculer d’un pas parce qu’on a planté quelques palettes en travers d’une autoroute.
Et pendant que les démocraties s’enfoncent dans la dramaturgie intérieure, l’Europe de l’Est tremble. Des drones tombent en Pologne, l’Otan se crispe, la France s’agite. Tout le monde sait qu’on joue avec des allumettes dans une poudrière, mais personne ne veut lâcher la mise. Les chancelleries multiplient les communiqués, mais la peur grandit : un incident de trop, et le théâtre des rancunes deviendra champ de bataille.
Tout cela dessine quoi ? Non pas une crise « géopolitique », mais une crise morale. Un monde qui ne croit plus en rien d’autre que ses colères. Une Amérique où la mort devient un prétexte à faire campagne. Une Angleterre qui transforme le nationalisme en religion de substitution. Une France qui rêve de blocages comme d’une solution magique. Une Europe qui s’agite autour de l’Ukraine sans jamais produire une vision de paix.
La vérité est brutale : nous vivons dans un monde déboussolé où la boussole est tenue par des démons. Pas des créatures fantastiques : les démons de la rancune, du cynisme, de l’impuissance travestie en virilité politique. Ils nous soufflent que le chaos est la seule voie possible. Et nous, dociles, nous répétons leurs slogans comme des prières.
Il serait temps de leur claquer la porte au nez. Mais pour cela, encore faut-il avoir une autre musique à chanter que celle du ressentiment.
Par Alexandre Thomas, 13 septembre 2025