Paradoxe sécuritaire : la force n’évite pas la guerre
Israël se considère comme une forteresse militaire dans une région instable. Mais cette stratégie défensive, fondée sur la dissuasion armée, ne garantit aucune paix durable. L’illusion d’une « paix armée » vole en éclats à chaque cycle de violence. L’attaque iranienne du 13 juin 2025, en riposte à une frappe israélienne sur des installations nucléaires près d’Ispahan, l’a démontré brutalement. Au moins 24 Israéliens sont morts, des dizaines de bâtiments détruits à Tel-Aviv et Ramat Gan. Des images de villes israéliennes en ruines rappellent tragiquement celles de Gaza, réduite à l’état de gravats après les opérations de Tsahal.
Plus Israël s’arme, plus ses ennemis le font aussi. C’est un cercle vicieux alimenté par la peur, le ressentiment et l’impunité diplomatique. Cette escalade militaire permanente ne protège pas la population. Elle l’expose.
L’erreur stratégique de 2018 : le retrait de l’accord nucléaire
En 2015, l’Iran avait signé avec les grandes puissances un accord limitant drastiquement ses capacités d’enrichissement d’uranium. En 2018, Donald Trump s’en retire unilatéralement, sous l’influence notamment du gouvernement Netanyahu. Depuis, l’Iran a repris son programme : l’uranium est enrichi à plus de 60 %, à un pas du seuil militaire. Les assassinats ciblés de savants iraniens, les sabotages de centrifugeuses, les cyberattaques… n’ont fait que renforcer la détermination de Téhéran. Israël croyait gagner du temps ; il n’a fait qu’en perdre.
Aujourd’hui, l’Iran est techniquement à quelques semaines d’une capacité nucléaire militaire. Pire encore : l’attaque du 13 juin pourrait pousser l’Iran à quitter le Traité de non-prolifération (TNP). Une décision logique au regard du droit international violé.
L’échec du droit et la responsabilité israélienne
La frappe israélienne du 13 juin n’était ni autorisée par l’ONU, ni justifiable par une menace immédiate. La Russie, la Turquie, le Brésil et plusieurs pays du Sud global l’ont dénoncée comme une violation manifeste du droit international. Or, sans légalité, pas de légitimité.
Israël se pense souvent au-dessus du droit, appuyé par un soutien occidental inconditionnel. Mais ce soutien est un piège : soutenir Israël sans conditions, ce n’est pas lui rendre service, c’est l’enfermer dans une stratégie court-termiste. Ce sont les défaites morales d’aujourd’hui – bombardements disproportionnés, expansion coloniale, mépris du droit – qui engendrent les casus belli de demain.
Paix impossible sans justice
La paix, ce n’est pas l’absence momentanée de guerre. C’est un ordre fondé sur le respect mutuel, le droit, la justice. Tant qu’Israël misera sur la force seule, sans s’attaquer aux causes profondes – occupation, colonisation, humiliation – il n’y aura pas de paix véritable.
Le philosophe israélien Avraham Burg l’écrivait déjà :
« Tant qu’Israël ne reconnaît pas la souffrance qu’il inflige, il vivra dans la peur et l’isolement. »
La politique du « mur », de l’enfermement, du F‑35, des frappes préventives, n’a produit que l’angoisse de l’après.
Conclusion : les enfants des deux côtés méritent mieux
Si l’Iran choisissait de sortir du TNP, si un jour Téhéran possédait réellement une arme nucléaire, ce ne serait pas en dépit d’Israël, mais à cause de sa stratégie contre-productive.
Et alors ? Une nouvelle dissuasion mutuelle ? Une nouvelle guerre froide régionale ? Ou une apocalypse ?
Les Iraniens aussi aiment leurs enfants.
Et c’est justement pourquoi il est temps de penser une paix réelle, fondée sur la justice, le droit, la mémoire et le respect mutuel.
Pas par la force. Pas par les armes. Par la politique. La vraie.
Par Alexandre Thomas