Parmi eux : le Royaume-Uni, la Belgique, le Canada, l’Australie, le Portugal, le Luxembourg, Malte, Saint-Marin, Andorre. Cette reconnaissance s’ajoute à celle déjà accordée par de nombreux États (plus d’une centaine) au fil des décennies.
Et pourtant, au lieu de percevoir ce geste comme une avancée, comme un appel à la justice, voici que le ministre de l’Intérieur préfère créer la polémique sur la question des drapeaux, comme si l’horreur qui se joue à Gaza pouvait être détournée en querelle de symboles.
Ce que disent les faits
La reconnaissance de la Palestine : ce qu’elle signifie et ce qu’elle ne signifie pas
Elle est essentiellement symbolique, mais pas qu’un simple geste. Elle inscrit un État palestinien dans le droit international comme sujet reconnu, ce qui modifie le rapport de force diplomatique.
Elle ne garantit pas, à elle seule, la fin des violences, la levée du blocus, ou la fin de l’occupation. Les réalités sur le terrain, notamment à Gaza et en Cisjordanie, sont complexes, profondément marquées par des décennies de conflit, de colonisation, d’installations illégales, de déplacements forcés, de violations des droits humains.
Elle envoie un message aux gouvernements concernés : Israël, mais aussi les puissances internationales, l’Europe, les États-Unis, mais aussi la communauté internationale, qu’on ne peut plus se contenter de discours. Il y a un seuil moral, humanitaire, juridique.
Le gouvernement israélien actuel : de quoi parle-t-on
Le gouvernement formé autour de Benjamin Netanyahu est une coalition largement identifiée comme droite extrême ou extrémiste nationaliste. Plusieurs de ses ministres soutiennent ouvertement les colonies en Cisjordanie, préconisent l’annexion de parties de territoire occupé, ou favorisent des politiques qui étouffent les institutions palestiniennes.
Bezalel Smotrich, par exemple, ministre influent, a déclaré que la reconnaissance internationale de la Palestine “recevra une réponse de notre part sur le terrain”, qu’elle était “effacée” dans ses effets, d’après ses propres mots. Il propose l’annexion de très larges portions de la Cisjordanie.
- La ligne officielle, à plusieurs reprises, est de rejeter l’idée qu’un État palestinien ait pleine souveraineté à l’ouest du Jourdain, y compris dans certains discours publics du Premier ministre.
Ce que la polémique des drapeaux révèle
Quand un ministre de l’Intérieur français ou tout autre responsable politique met en avant une querelle de drapeaux, c’est plus qu’une distraction : c’est la preuve que les priorités sont faussées.
Le drapeau, le symbole, c’est important — il représente l’identité, la reconnaissance publique, la visibilité. Mais peut-on vraiment s’arrêter à ça quand des enfants meurent, quand des familles sont bombardées, quand des personnes restent sans eau, sans soins, sans abri ?
Ces polémiques servent souvent à divertir, à créer un écran de fumée face à ce que certains veulent éviter : la responsabilité, la critique, le questionnement.
Elles confortent ceux qui veulent maintenir le statu quo : ceux qui refusent de regarder en face ce que signifie occupation, apartheid, nettoyage ethnique — ou du moins ce à quoi cela se rapproche.
On nous a trop souvent menti
On nous a toujours dit que ce seraient les Palestiniens qui refusaient la création de leur État, alors que c’est, selon les faits récents, souvent le gouvernement israélien qui saborde cette possibilité.
De nombreuses déclarations publiques, à plusieurs reprises, montrent que certains dirigeants israéliens, et surtout certains ministres, rejettent l’idée même d’un État palestinien à côté d’Israël. Ils parlent d’autonomie, pas de souveraineté, ou veulent un État « palestinien » très limité, sans contrôle réel des frontières, de la sécurité, ou sans territoire contigu ou viable.
L’expansion continue des colonies, le morcellement territorial, les destructions de maisons, les restrictions de circulation, les démolitions, tous ces actes rendent matériellement impossible un État palestinien viable sur le terrain si rien ne change.
Paix sans justice : un leurre
On ne peut pas bâtir une paix équitable sans justice — et la justice ne passe pas par l’armée seule. Quand l’armée devient instrument de domination, d’occupation, parfois d’épuration, de colonisation, on se dirige vers une impasse.
Le modèle d’apartheid en Afrique du Sud, qui a implosé non pas simplement sous le poids de la guerre, mais sous le poids de la résistance civile, morale, juridique, internationale, montre que les systèmes d’oppression peuvent finalement s’effondrer. Ce n’est pas un avertissement, mais une leçon.
Ce que risquent ceux qui soutiennent l’actuel gouvernement israélien
Moralement : être du côté de l’oppresseur, du côté de l’injustice, ce qui pèse lourd sur l’histoire.
Politiquement : l’isolement international, la perte de crédibilité, les sanctions possibles, les condamnations. Le droit international et les institutions (Cour pénale internationale, droits de l’homme, résolutions de l’ONU) ne sont pas unanimes — beaucoup de voix s’élèvent contre ce qu’on perçoit comme des violations.
Stratégiquement : un État qui gouverne par la force, sans légitimité, sans équité, finit par créer ses propres ennemis, par saper sa stabilité interne.
Et le monde change
Le paradigme international est en train de bouger. Ce mouvement de reconnaissance de la Palestine par des pays traditionnellement “alignés” ou “modérés” montre que la pression monte, que l’opinion publique compte, que les alliances ne sont plus celles d’hier.
L’Amérique reste influente, mais elle est de plus en plus contestée. L’Europe ne peut pas simplement rester spectatrice — et le fait que des États européens reconnaissent la Palestine est déjà une rupture.
Les grands équilibres mondiaux (Asie, Chine, etc.) observeront, jugeront, se repositionneront. La légitimité morale, le respect du droit international, sont de plus en plus des critères de puissance, pas seulement de “bons sentiments”.
Conclusion : pourquoi je ne verserai pas une larme pour Israël (tel que défendu aujourd’hui)
Ce n’est pas de haine, ce n’est pas du rejet de tout Israélien, ni de toute histoire juive. C’est une profonde désapprobation du gouvernement actuel d’Israël, de ses choix politiques — choix qui, à terme, mettent en péril non seulement les droits des Palestiniens, mais aussi l’avenir d’Israël lui-même, de sa démocratie, de son rapport à la justice.
Je ne verserai pas une larme pour Israël tant que ce pays, gouverné par des extrémistes ou des personnes qui stiennent l’expansion coloniale, l’annexion, les violations massives des droits humains, refusera la voie de la justice, du droit, de l’égalité.
La reconnaissance de la Palestine n’est pas un cadeau, c’est une exigence. Et elle doit être le début, pas la fin, d’une transformation profonde. Sans justice, il n’y a pas de paix — et sans paix juste, ce sont tous les États, toutes les sociétés, toutes les consciences dignes qui seront, tôt ou tard, amenés à rendre des comptes.
Par Alexandre Thomas