La première erreur majeure de Macron, celle qui a semé les graines de la discorde et de la division, a été sa politique de libération de la parole. Convaincu que la meilleure façon de contrer l'ascension de l'extrême droite était de ne pas céder le monopole des questions d'immigration à Marine Le Pen, Macron a ouvert la boîte de Pandore en encourageant un discours décomplexé sur ces sujets sensibles.
En effet, en adoptant une rhétorique qui se voulait pragmatique et réaliste, Macron a donné l'impression d'accepter voire de légitimer des idées et des opinions souvent teintées de préjugés et de stéréotypes. En cherchant à répondre à une partie de la population qui se sentait négligée par le discours politique traditionnel, il a involontairement donné une tribune à des discours extrémistes et populistes.
Cette libération de la parole a eu pour effet de fracturer davantage une société déjà fragilisée par les inégalités sociales et les tensions communautaires. Les débats sur l'immigration, l'identité nationale et la laïcité se sont envenimés, alimentant un climat de méfiance et de ressentiment entre différentes parties de la population. Les clivages se sont creusés, les oppositions se sont radicalisées, et le débat démocratique s'est souvent transformé en champ de bataille idéologique.
En cherchant à contrer un extrémisme par un autre, Macron a en réalité exacerbé les divisions et les tensions au sein de la société française. Plutôt que de promouvoir un dialogue constructif et inclusif, sa politique de libération de la parole a nourri un climat de polarisation et de confrontation, où les compromis et les consensus semblent de plus en plus difficiles à atteindre.
Ainsi, cette première erreur stratégique de Macron a eu des conséquences profondes et durables sur le tissu social et politique de la France. En encourageant un discours décomplexé sur des sujets aussi sensibles que l'immigration et l'identité nationale, il a contribué à fragmenter davantage une société déjà divisée, laissant place à un climat de méfiance et de tension qui compromet la cohésion nationale et affaiblit les fondements de la République.
Ensuite, Macron a souffert d'un manque criant de vision à long terme pour la France. Son fameux slogan du "en même temps" est devenu le symbole d'une politique ambivalente et dépourvue de direction claire. Les électeurs qui ont cru en son discours de réforme et de modernisation se retrouvent aujourd'hui déçus par l'absence de perspective cohérente pour l'avenir du pays.
Lors de son accession à la présidence, Macron a suscité l'enthousiasme en promettant une transformation profonde de la société française, avec des réformes ambitieuses dans de nombreux domaines, de l'économie à l'éducation en passant par la santé et l'écologie. Cependant, au fil du temps, il est apparu que derrière le discours volontariste se cachait une absence de véritable vision à long terme.
Le "en même temps", censé incarner la capacité à concilier des idées et des intérêts divergents, est rapidement devenu un symbole de flou et d'indécision. Les électeurs ont eu l'impression que Macron naviguait à vue, réagissant aux événements et aux pressions politiques sans véritable ligne directrice. Cette approche a nourri le sentiment d'instabilité et d'incertitude, tant chez les citoyens que chez les partenaires internationaux de la France.
De plus, le manque de vision à long terme de Macron s'est traduit par une absence de stratégie claire pour relever les défis majeurs auxquels la France est confrontée, tels que la transition écologique, la lutte contre les inégalités sociales et territoriales, ou encore la place de la France dans un monde en mutation rapide. Les électeurs qui avaient cru en la capacité de Macron à incarner le changement et à moderniser le pays se retrouvent aujourd'hui déçus par cette absence de perspective cohérente pour l'avenir.
Cette déception a été renforcée par le fait que certaines réformes engagées par Macron ont été perçues comme des mesures technocratiques imposées d'en haut, sans véritable consultation ni prise en compte des aspirations et des besoins des citoyens. Cette rupture entre le discours présidentiel et la réalité vécue par les Français a contribué à éroder la confiance en Macron et en son projet politique.
En fin de compte, le manque de vision à long terme de Macron a alimenté le sentiment d'incertitude et de méfiance qui règne aujourd'hui dans une partie de la population française. Les électeurs qui avaient placé leurs espoirs dans le changement se retrouvent désormais confrontés à l'absence de perspectives claires pour l'avenir, nourrissant ainsi le mécontentement et le désenchantement à l'égard du président et de sa politique.
De plus, les positions internationales de Macron ont également été source de controverse. Son attitude belliqueuse envers la Russie et son soutien inconditionnel à des acteurs controversés à Gaza ont éloigné une partie de son électorat initial, qui ne se reconnaît plus dans cette diplomatie agressive et ambiguë.
Enfin, la gestion économique de Macron, marquée par le fameux "quoi qu'il en coûte", a conduit la France à s'endetter massivement, notamment pour des interventions militaires à l'étranger. Cette politique a eu des conséquences désastreuses sur l'économie nationale, exacerbant les inégalités et la précarité sociale.
Ces erreurs cumulées ont profondément entamé la crédibilité et la légitimité d'Emmanuel Macron. Si celui-ci était déjà impopulaire auprès des Gilets jaunes et d'une partie de la population, il risque désormais de perdre le soutien même de ceux qui ont voté pour lui en 2017 et en 2022. Cette désillusion croissante ouvre la voie à une montée en puissance du Rassemblement national, qui pourrait bien accéder au pouvoir lors des prochaines élections présidentielles.
S'il persévère dans cette voie, Emmanuel Macron pourrait passer dans l'histoire comme le président qui a favorisé l'ascension de l'extrême droite en France. Une ironie cruelle pour celui qui se présentait comme le rempart contre le populisme et l'extrémisme.
Si François Mitterrand et Jacques Chirac étaient encore parmi nous, ils ne pourraient que constater avec consternation la dérive politique d'un pays qu'ils ont dirigé avec des visions bien différentes.
Par Alexandre Thomas