Les « bonnets rouges » bretons m’ont amené quelques réflexions sur la question de l’illusion régionale et du vivre au pays.
Ce n’est pas l'écotaxe qui a déclenché le mouvement, mais le choc attendu dans la filière agricole et industrielle agro-alimentaire du Nord Ouest de la Bretagne, avec des entreprises qui licencient à tour de bras.
Et l'on connaît la réactivité bretonne face à ce type de situation dans laquelle la responsabilité de Paris est directement engagée.
L'écotaxe, déjà compliquée, avec son coût de recouvrement impensable est apparue comme punitif dans une région où tous déplacements agricoles ou industriels passent obligatoirement par la route, car en Bretagne il n'y a pas de substitution possible ferrée ou fluviale. A cela s'ajoute la hausse de la TVA, l'entrée dans l'impôt de nouveaux foyers etc ...
Tout cela conduit à ce mouvement aux relents poujadiste "mi chèvre mi choux" qui a mobilisé les paysans, l'industrie agro-alimentaire et les transporteurs aux intérêts divergents, voire contradictoires, et duquel il est intéressant de tirer quelques idées.
Le système fiscal français, qu’il soit collecté par l'état ou par les collectivités territoriales, est fondé sur la redistribution et la solidarité entre les régions les plus dotées vers les régions les moins dotées. Il ne faut donc pas dénier ces mécanismes de redistribution extrêmement puissants et qui sont le fondement de la république.
Mais s'il y a redistribution, c'est qu'il y a inégalités et fractures entre les territoires. La crise produite pour l'essentiel par la mauvaise répartition des charges, pour faire court, entre le travail et les revenus du capital conduit à la diminution de cette redistribution pour les régions qui en ont le plus besoin et qui se trouvent touchées comme c'est le cas aujourd'hui pour une partie de la Bretagne, l’origine des aides pouvant être nationales ou européennes mais toujours le fruit de l’impôt.
La France est un pays dans lequel, jusqu’ici, le consentement à l'impôt est majoritaire pour peu qu'il soit considéré comme juste. La question qui est au devant des récents événements est bien celle de la répartition de la fiscalité entre ceux qui sont touchés par les difficultés de vie et leurs inquiétudes et ceux qui ont les moyens voir beaucoup.
Le paradoxe breton tient au fait que tout en se sentant extérieures à l ‘autoroute de développement européenne « Rhin-Rhône », nombreuses de ces villes font partie de celles qui marchent le mieux et ont su depuis 1980 s’appuyer sur la décentralisation pour créer des formes d’organisations territoriales efficaces même si elles semblent parfois trop coûteuses. Par contre, le Nord Ouest breton et particulièrement le centre breton sont aujourd’hui comme je le notais précédemment impactés par les nouvelles mesures de redistribution européenne.
C’est pourquoi le repliement territorial des régions riches de l’Europe s’appuyant sur de fortes histoires identitaires estimant qu’elles n’ont plus intérêt à jouer le jeu de la redistribution nationale ou supra nationaleest fort inquiétant. A ce titre, l’attitude de l’Allemagne sur la question de la monnaie européenne, des restrictions budgétaires ou même du salaire minimum est tout à fait significative de cette vision restrictive et égoïste de la redistribution.
Dans le débat qui s’organise autour de cette problématique, il est tout à fait significatif que la question reste centré sur la redistribution des richesses produites par les salariés ou les producteurs mais jamais sur les revenus de la finance et de la spéculation internationale.
Il ne s’agit pas de plaider pour un « retour au comme avant » ou au repli territorial comme solutions à tous les problèmes. Le risque étant, outre l’inefficacité du propos, l’entretien d’une vision xénophobe des solutions possibles à la situation.
Les déclarations du premier ministre à propos de la remise à plat de la fiscalité française nous offre un terrain propice pour engager le débat et sortir de l'idée que seul le déclin s'offre à nous. En effet, si la situation est inquiétante, elle n’est pas dramatique pour peu que les bonnes décisions soient prises.
La question est qu’elles doivent être prises au niveau national mais aussi européen qui doit se doter des outils justes de collecte et de redistribution de l’impôt adaptés à la situation de leurs territoires prenant donc en compte leurs niveaux de production, de développement et surtout de formations initiales des populations.
Voilà un vaste chantier … dans lequel l’ensemble des territoires composant le pays France peuvent y prendre une place particulière.