Nous nous opposons aux récentes déclarations et provocations du ministre de la Fonction publique, Kasbarian, voulant infliger aux fonctionnaires deux journées supplémentaires de carence et 10% de suppression de salaire lorsqu’ils sont malades jusqu’à 3 mois.
Cette opposition doit être l’affaire de tous, usagers du service public, salariés du privé, comme du public. Nous sommes tous concernés puisque tous utilisateurs du service public, qui est notre patrimoine commun. Car derrière le mépris du ministre, c’est un type de société réactionnaire et de reculs de droits sociaux, qu’annonce le gouvernement Barnier.
D’abord, les usagers du service public n’ont aucun intérêt à voir des fonctionnaires malades venir travailler. C’est dangereux pour tous. Les parents et les élèves n’ont rien à gagner à ce que professeurs fiévreux soient en classe et transmettent des microbes. Ils ont tout à perdre à ce que les patients se rendant à l’hôpital soient pris en charge par des personnels porteurs de maladies. De même, qui veut des policiers ou des magistrats affaiblis ? Etc... Devons-nous aussi rappeler que les fonctionnaires sont plus âgés de trois ans en moyenne que dans le privé ? Or, plus les salariés sont âgés, plus ils sont susceptibles d’être malades.
Si nous voulons un service public de qualité, alors il faut des fonctionnaires en bonne santé qui peuvent se soigner au plus vite. D’après un rapport de l’IGAS publié en septembre 2024 et sur lequel se base largement le gouvernement pour imposer cette mesure, hormis pour la fonction publique territoriale, il n'y a pas d'écart public/privé à caractéristiques identiques. Et si différence il y a, elles sont majoritairement dues aux profils des agents (âge, sexe, état de santé) et à leurs emplois (diplôme, type de contrat, etc…). Par exemple, contrairement à certaines rumeurs, selon une étude de la Direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) publiée en 2019, les enseignants sont 50 % moins absents pour maladie que les employés du privé toutes professions confondues. De plus, en 2023, les arrêts maladies dans la fonction publique ont reflué.
Ensuite, les salariés du privé n’ont rien à gagner à ce que les droits sociaux de tous les travailleurs s’alignent sur les conventions les plus défavorables socialement. Il faut l’alignement vers le haut et non vers le bas et donc exiger que tous les jours de carences soient supprimés, dans le privé comme dans le public. Le recul des droits sociaux de 6 millions de fonctionnaires ne fait rien gagner aux salariés du privé. Bien au contraire. Quand les droits reculent pour une partie des salariés, c’est une défaite future pour tous. Et d’ailleurs, si actuellement 70% des salariés du privé sont couverts par des conventions et bénéficient d’un maintien intégral de leur salaire via une compensation de l’employeur dès le premier jour d’absence, c’est parce que les patrons, sous la pression des syndicats de travailleurs, ont admis qu’ils n’ont rien à gagner à contraindre des personnes malades à venir travailler en étant affaiblies et porteuses de maladie. C’est dangereux et contre-productif. Ce « fonctionnaire bashing » et l’importation des pires méthodes de management du privé à la recherche de la rentabilité doivent cesser.
Enfin, les fonctionnaires n’ont pas à être « responsabilisés », comme le prétend M. Kasbarian, par des brimades et des sanctions collectives lorsqu’ils sont malades. Ils ne sont ni irresponsables, ni des fraudeurs qui abusent. Quand un médecin leur accorde un arrêt maladie, ils ont besoin de repos et de soins ! Pas de voir leur salaire diminuer, pas d’être montré du doigt comme des profiteurs. Sinon, c’est la double peine : être frappé par la maladie puis par les mesures du Ministre Kasbarian. Celles-ci ne visent donc pas l'équité public/privé mais uniquement à faire des économies, en connaissant leurs conséquences sociales et sanitaires néfastes pour les agents ! Dans un contexte où l’attractivité de la fonction publique est déjà affaiblie, notamment dans l’Éducation nationale ou l’hôpital public (gel du point d’indice et des conditions de travail dégradées), cette mesure est une ultime provocation.
C’est pourquoi nous devons tous refuser l’insulte du ministre. Les mots qu’il emploie ont leur importance. M. Kasbarian veut lutter contre « les dérives de l’absentéisme », répétant un concept creux « d’absentéisme », qui n’existe ni dans le code du travail, ni dans les Conventions collectives. Ce mot péjoratif est puisé dans un imaginaire scolaire où l’élève absentéiste est celui qui fait l’école buissonnière. Il est temps que cesse le mépris envers les travailleurs souffrant d’une pathologie.
Cette offensive du gouvernement fait diversion des vrais problèmes. Plutôt que de lutter contre la maladie et ses causes, contre les souffrances au travail, contre l’augmentation des accidents de travail ou des suicides, le gouvernement veut punir 100% des malades, sous les applaudissements de Jordan Bardella Président du RN qui s’y est dit « favorable » !
Logique. Quand il s’agit de diviser les travailleurs entre eux, de fragmenter fonctionnaires et salariés du privé, de séparer Français et étrangers, l’extrême droite est toujours au premier rang ! A chaque recul social, le RN est du côté de celui qui frappe !
Dans le film de Louis Malle datant de 1967 « le voleur », le personnage central, joué par Jean Paul Belmondo se décrit ainsi « je fais un sale métier, mais j’ai une excuse, je le fais salement ».
Cela sonne comme un autoportrait du ministre actuel de la Fonction publique. Ne les laissons pas voler les droits des fonctionnaires !
Signataires :
Alexis Corbière,
Clémentine Autain,
Danielle Simonnet, cofondateur·ices de l'Après et député·es du Groupe écologiste et social à l'Assemblée nationale