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Billet de blog 18 avril 2025

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Régulation de l’installation des médecins : il faut y aller !

Divine surprise ! Après des années de tergiversations des gouvernements successifs, l’Assemblée nationale vient de voter à une très large majorité l’article 1er de la proposition de loi Garot prévoyant de limiter l’installation de médecins généralistes et spécialistes, libéraux et salariés, dans des zones du territoire jugées suffisamment dotées. Il était temps !

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Cela fait plus de vingt ans que la question des déserts médicaux est sur la table.  Déjà en 2003 Jean-François Mattei s’engageait à « prendre le problème à bras-le-corps ». Les déserts médicaux n’ont cessé de progresser depuis et l’accès aux soins a continué à se détériorer dans tous les territoires

Tous les gouvernements, certains par complaisance, d’autres par frilosité, se sont toujours refusés à recourir à des mesures contraignantes alors que l’installation de toutes les autres professions de santé (pharmaciens, infirmiers, chirurgiens-dentistes, masseurs kinésithérapeutes) est aujourd’hui encadrée avec des résultats concluants. La régulation de l’installation a été également mise en place de manière probante dans plusieurs états européens comme le Danemark, la Norvège ou l’Allemagne 

Certains ministres comme Roselyne Bachelot ou Marisol Touraine s’y sont essayé mais n’ont pu aller au bout, à défaut d’être soutenu dans leur propre camp

Un espoir était né, lorsqu’ Emmanuel Macron, lors de sa réélection, avait semble-t-il entrouvert la porte à une forme de régulation, avec l’idée de « stopper les conventionnements dans les zones qu’on considère comme déjà dotées ». Une idée, comme bien d’autres abandonnée !!

Les incitations ne suffisent plus !

 Selon les chiffres du ministère de la santé, la désertification médicale touche aujourd’hui près de neuf millions de Français. Pour les 10 % de la population habitant les territoires où l’offre de soins est la plus insuffisante, il faut 11 jours pour obtenir un rendez-vous avec un généraliste et 93 pour un gynécologue. Le temps d’attente atteint même 189 jours pour consulter un ophtalmologue. Les délais sont tels que certains renoncent même à se faire soigner. Sept millions de personnes, soit plus de 10 % de la population, n’ont pas de médecin traitant dont six cent mille patients atteints d’affection de longue durée et se voient appliquer à leur corps défendant une majoration des tarifs à l’encontre des patients non pourvus d’un médecin traitant, une double peine !

Certes, des mesures ont été prises. De nombreuses politiques d’incitation à l’installation des médecins dans les zones sous‑denses ont déjà été mises en œuvre depuis les années 2000. Le numerus apertus a remplacé le numerus clausus. 12000 médecins sont formés en 2025 alors qu’ils n’étaient que 3500 en 2001. L’exercice regroupé que privilégie les jeunes médecins a été encouragé. On a procédé à des délégations de tâches, en confiant des responsabilités normalement dévolues aux médecins à d’autres professionnels de santé. La situation continue pourtant de s’aggraver ! Cela ne suffit plus. On ne peut plus faire l’économie d’une régulation 

Une « majorité d’idées » autour de la PPL Garot

C’est l’objectif de la PPL Garot signé par plus de 250 députés de LR à LFI. Un consensus rare dont il faut se réjouir dans le climat actuel ! C’est le résultat de 2 ans de travail d’un groupe de travail transpartisan sur les déserts médicaux, composé d’une centaine de députés issus de neuf groupes parlementaires de droite, de gauche et du centre. 

Finalement, la dissolution n’aura peut-être pas été une mauvaise chose. Il n’y a plus aujourd’hui de majorité godillot et l’exécutif est contraint de recourir à des majorités d’idées que prônait, en son temps, Edgard Faure.   La prise de position du premier ministre déclarant qu’il « Il faut probablement une régulation, comme l’ont décidé, conscients de la difficulté, nombre de professions de santé » signe, peut-être, un changement de doctrine du gouvernement, alors que quelques jours plus tôt, le ministre de la santé le Dr Yannick Neuder affirmait encore le 19 mars dernier au Quotidien du Médecin : « Je ne suis pas favorable à la coercition ! »

L’affaire n’est pas terminée pour autant. La proposition faite par François Bayrou, d’ouvrir des discussions, avec tous les acteurs de la santé, médecins et élus locaux, sans tarder, en avril et à présenter, avant la fin du mois d’avril, un « plan de solutions concrètes », risque d’embrouiller les choses, comme sur le dossier des retraites. Il faudra voir dans quel sens soufflera le vent, comme le disait aussi Edgard Faure

La discussion parlementaire reprendra début mai. Les opposants à la régulation ne vont pas désarmer. Une quinzaine d’organisations de médecins libéraux s’opposent à la PPL Garot affirmant qu’une régulation « coercitive » aurait des « effets contre-productifs » sur l’accès aux soins alors que comme l’a fait remarquer Philippe Vigier du Modem : « Les médecins auront la liberté d’installation sur 87 % du territoire !». Ce n’est quand même pas la mer à boire.  L’intérêt général commande d’y aller.

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