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Billet de blog 18 novembre 2024

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Santé : le double échec d’Emmanuel Macron

Le système de santé français va mal depuis le début des années 2000 et l’incapacité d’Emmanuel Macron à engager les réformes nécessaires n’a fait qu’aggraver les choses. L’accès aux soins a continué à se dégrader et l’hôpital public s’enfonce dans une crise sans fin. A cela s’ajoute maintenant un déficit abyssal des comptes sociaux !

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

En matière de santé, Emmanuel Macron n’aura rien fait d’autre que d’adopter la stratégie du coucou, se contentant de mettre ses pas dans ceux de son prédécesseur. Qu’il s’agisse de prévention, de la structuration de l’offre de soins, de la lutte contre les déserts médicaux ou même du numérique en santé, la politique de ces sept dernières s’est souvent résumée à poursuivre l’action engagée par Marisol Touraine sous le quinquennat Hollande.

La procrastination présidentielle

De beaux discours, beaucoup d’argent et pas de véritable réforme, tel peut se résumer la présidence Macron, en matière de santé. Son double quinquennat se terminera probablement sur une page blanche !

Rien sur l’hôpital en dehors des milliards d’euros du Ségur qui ont permis d’obtenir une relative paix sociale, sans régler les questions de fond. Le modèle néo-libéral de la tarification à l’activité reste toujours majoritaire, en dépit des promesses présidentielles répétées d’y mettre fin. Une lourde bureaucratie continue de peser sur le quotidien des soignants.

C’est sur l’accès aux soins que l’action présidentielle est la plus critiquable. Alors que près de 7 millions de Français sont sans médecin traitant dont un fort pourcentage de patients atteints d'affections de longue durée et qu’il faut souvent attendre de longs mois avant d’avoir un rendez-vous avec un spécialiste, le Président se sera entêté dans son refus de réguler l’installation des médecins, alors qu’il avait pourtant sur la table un projet transpartisan. Pendant ce temps, la fracture sanitaire s’est aggravée : de nombreuses zones souvent rurales ou péri-urbaines connaissent une pénurie de médecins et les dépassements d’honoraires ne cessent de progresser. Les inégalités croissantes d’accès aux soins ont même conduit l’association UFC-Que Choisir a déposé, en 2023, un recours devant le Conseil d’Etat pour dénoncer l’inaction du gouvernement !

Enfin, en dépit de l’urgence, la loi grand âge si indispensable au regard du choc démographique qui s’annonce a été renvoyée aux calendes grecques.

Plusieurs explications à cette procrastination présidentielle : un turn over ministériel important avec pas moins de huit ministres en 7 ans, avec à peine quelques mois de fonctions pour certains d’entre eux ! L’épidémie du Covid-19 aura aussi mobilisé beaucoup d’énergie au détriment des dossiers de fond. Le poids des lobbys et l’inertie de la technostructure qui survit à toutes les alternances ont fait le reste. C’est surtout l’absence de volonté politique du locataire de l’Elysée qu’il faut incriminer.

Encore, 3 ans !!

Michel Barnier a répété que la santé était une des priorités de l’action de son gouvernement, en rappelant les 2 défis à relever : hôpital et la lutte contre les déserts médicaux. C’est le mantra que psalmodie l’exécutif depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Elysée, sans rien faire pour que cela change ! Sur l’hôpital, rien de nouveau en dehors de quelques poncifs habituels : complémentarité des soins au sein des territoires, entre la ville et l'hôpital, entre le public et le privé !!! En revanche, aucun mot ni sur la T2A ni sur le management de l’hôpital, des sujets sur lesquels, le Président de la République avait pourtant pris des engagements solennels lors de ses vœux 2023 !!!

Sur les déserts médicaux, il s’agit de vieilles recettes :  regroupement des professionnels de santé, bus santé, recours aux nouvelles technologies, élargissement des compétences des infirmier(e)s. Certaines d’entre elles, comme les téléconsultations promises à un bel avenir, ont pourtant montré leurs limites ainsi qu’on l’a vu avec la fermeture de centaines de cabines de téléconsultations médicales en région francilienne à la suite du placement en liquidation judiciaire de l’entreprise H4D, en septembre dernier. Sur l’élargissement des compétences des professionnels de santé comme les infirmières, les masseurs-kinésithérapeutes ou les pharmaciens, le gouvernement calera, comme d’habitude, devant l’hostilité des syndicats médicaux, ainsi qu’on l’a vu lors des lois Rist sous la précédente législature. On sait pourtant que la seule vraie solution passe par la régulation de l’installation des médecins ainsi que cela a été fait avec succès à l’étranger et aussi en France pour d’autres professions de santé sans doute électoralement moins influentes !

Les 3 années qui viennent seront, à n’en pas douter, à nouveau des années blanches, compte tenu de la situation politique héritée de la dissolution. Comment croire qu’un gouvernement minoritaire réussira là où les précédents qui disposaient pourtant d’une majorité confortable n’ont pas réussi et que les marges de manœuvres financières ne sont plus les mêmes avec un déficit des comptes sociaux de 18 milliards d’euros pour 2024 et un objectif d’économies de 4 milliards d’euros sur les dépenses de santé en 2025 !  Les temps bénis du « quoi qu’il en coute » sont désormais derrière nous !!!

A défaut d’avoir été reformé à temps, le système de santé va continuer à s’étioler alors même qu’on a « en même temps » laissé filer le déficit de l’Assurance Maladie. C’est le double échec de la présidence Macron !

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