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Billet de blog 15 juil. 2016

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Tigern / Sofia Jupither (et plus...)

Arrivé à 17h30 dans la salle du théâtre Benoît-XII pour un spectacle prévu à 18h, "Tigern" (la tigresse), texte roumain de Gianina Carbunariu et mise en scène suédoise de Sofia Jupither. Sur le plateau un mur en bois, cinq chaises pour cinq comédiens, une petite table et dessus un micro.

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Il est 17h40 quand l'un des comédiens entre et se prépare puis les autres suivent rapidement. Le public continue de discuter bruyamment, de regarder son téléphone portable, de lire le programme du spectacle distribué à l'entrée de la salle, etc... Peu regardent finalement ce qui a déjà commencé sur scène, les comédiens sont déjà là mais il faudra attendre que l'un d'entre eux parle, s'adresse au public pour que celui-ci se taise et devienne spectateur de ce qui se joue. Ceci certainement parce que nous sommes habitués à un certain cérémonial, qu'il faut un début, un milieu et une fin et que si la lumière ne s'éteint pas pour signifier ce début ou cette fin, il faut que quelque chose de significatif se passe pour qu'il y ait malgré tout début et fin. Être présent n'est pas significatif, il faut parler parce que le théâtre c'est avant tout de la parole dans nos contrés, ça n'est pas du corps. On peut se rappeler "Le roi Lear" du directeur dans la cour d'honneur l'an passé où Cordelia, habillé en poupée danseuse, était réduite au silence, "ton silence est une machine de guerre" nous disait-on, ce silence qui confondait discours et langage : Olivier Py pensant qu'un corps qui décide de ne pas produire de discours ne produit également aucun langage. Refuser de parler c'est dire, danser c'est dire. Donc il est dommage d'ignorer ces corps qui sont en avance sur l'horaire dans "Tigern". Poursuivons.

Poursuivre, poursuivre quoi à vrai dire tant ce qui suit, ce qui se déroule, ce qui finit par se dérouler à l'instar de cette carte que les comédiens déroulent et commentent flirte avec le vide, un vide qui a beaucoup plu semble t-il, un vide qui a beaucoup fait rire semble t-il car ce vide était tourbillonnant de tout et de rien.

Le propos est simple : une tigresse s'est évadée du zoo, nous suivons les dépositions de gens et d'animaux qui ont eu affaire à elle. Le tout est légèrement absurde bien sûr pour que les réactions soient moins des réactions faces à un animal échappée de zoo que des réactions face à ce qui est étranger et qui débarque chez toi, dans ta ville.

La mise en scène est simpliste, prise de parole frontale pour qu'il ne reste que ce texte qui parle donc de tout et de rien.

Mise en scène absente, inertie hypnotique.

Revenons en arrière, revenons au spectacle inaugural de ce festival, "Les Damnés" d'Ivo Van Hove qui se contentait de peu dans ce qui cherchait à bousculer et à interroger. On filme le public quelques fois, lentement, on le mitraille pour finir, recouvert de cendre.

Paresse d'un geste qui ne fait pas lien, ni avec ce qui a déjà été fait en la matière, ni avec ce qui se passe effectivement.

A croire qu'il ne se passe rien dans le monde et que, comme dirait l'autre, "ça va mieux".

"Tigern", petite fable d'une tigresse qui s'échappe d'un zoo et qui se fait flinguer dans la ville.

Les comédiens enchainent leurs dépositions.

Le mur tombe.

Les comédiens sont en costumes d'animaux, nous sommes au zoo.

Le plan de la ville s'illumine, les animaux regardent ces nervures luminescentes après avoir parlés de tout et de rien.

Inertie hypnotique.

Face au vide, au gouffre qui inquiétait tant Lenz car il a le pouvoir de captiver et de retenir, d'engluer et d'engourdir.

Étonnant ce festival où les politiques sont dans la rue, sous bonne escorte, et vont au théâtre voir des spectacles engourdissant, où l'entrée pour la nef des images du passé et la librairie se fait sous la chronique de Thomas Jolly, jeune metteur en scène connu pour son intégrale d'Henry VI et à qui fut confié la présentation de courtes chroniques rythmées et infantiles qui brossent une certaine culture dans le sens du poil.

Un peu plus et l'on ronronnerait au festival d'Avignon.

Tous engourdis.
C'est agréable comme sensation.

Ça augure une bonne nuit tranquille.

Tranquille face au vide qui hypnotise.

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