Métropole Rouen, le 31 janvier 2022
Cette délibération nous invite à créer une Société d’économie mixte avec comme objectif de développer et d’investir sur l’axe Seine dans les énergies renouvelables. Nous sommes évidemment favorables à une telle orientation, surtout si l’on combine cette volonté de développer les énergies renouvelables avec celle de diminuer nos consommations énergétiques, projet porté par une autre structure créée par la Métropole : le STERN. En effet, les besoins énergétiques de notre territoire mais plus largement du pays font face à un défi très difficile à relever puisqu’ils ne cessent d’augmenter tandis que nous savons toutes et tous la nécessité de réduire nos consommations énergétiques. Tout particulièrement, les anciens modes de production énergétiques fournis par les hydrocarbures mais aussi, ajoutons-le, l’atome.
Nous n’allons pas revenir sur l’indispensable diminution des énergies fossiles. J’espère que tout le monde a conscience dans cette visioconférence de l’impérieuse nécessité de s’en extraire tout simplement si l’on veut garder une planète habitable d’ici à peine quelques décennies. En revanche, j’aimerais m’attarder sur la question de l’énergie nucléaire qui concerne tout particulièrement notre territoire proche.
L’énergie nucléaire suscite un vif débat en France, particulièrement en cette période de campagne présidentielle. Avec le nucléaire, c’est l’avènement de la “pensée magique” : pour certains c’est la solution à tous nos problèmes, à tous nos maux. Un problème, vite choisissons le nucléaire ! Une propagande s’installe petit à petit en faveur d’une énergie qui présente pourtant tant de danger et également d’écueils techniques nettement plus difficiles à résoudre que ce que ses thuriféraires laissent croire. Les dangers sont évidents, le fait de n’avoir aucun droit à l’erreur ni défaillance technique révèle d’une naïveté confondante chez ses défenseurs. Les accidents sont certes rares, voire très rares, mais imaginons un seul instant que la centrale de Nogent sur Seine subisse un grave accident : c’est l’ensemble du bassin parisien qui devra être évacué, soit 12 millions de personnes. Même avec une probabilité de 1 sur 100 millions, sommes-nous prêts à accepter une telle conséquence soit possible ? Nous ne le pensons pas. Une chance sur 100 millions, c’est la probabilité de gagner à l’euromillion : c’est pas très fréquent mais tous les vainqueurs sont des joueurs, voulons nous vraiment tirer le gros lot nucléaire ?
Par ailleurs, le parc électronucléaire est vieillissant ce qui impose des frais de maintenance très élevés ainsi que des extinctions de réacteur intempestif. En 2021, jusqu’à 17 réacteurs sur 56 ont été arrêtés pour cause de maintenance, 5 étaient touchés par de grave problème de corrosion inexpliqués dans le système de refroidissement. Les arrêts de réacteur font du nucléaire une énergie de plus en plus intermittente, nous obligeant à nous fournir chez nos voisins pour obtenir de l’électricité issue des centrales à charbon et à gaz lorsque les températures baissent trop. Quelle réussite dans les soi disantes vertus de “décarbonation” d’une telle énergie ! Le système énergétique du pays est excessivement lié à l’énergie nucléaire, qui ne nous garantit d’ailleurs aucune indépendance puisque les 8000 à 9000 tonnes d’uranium sont importés chaque année principalement du Niger, du Kazakhstan, de l’Australie et du Canada.
Le renouveau industriel du parc nucléaire, censé être représenté par les EPR, ne peut guère non plus provoquer l’optimisme chez ses partisans. Alors qu’Emmanuel Macron ainsi que d’autres souhaitent réaliser entre 6 et 8 EPR supplémentaires, dont un à Penly ou à Paluel, regardons en face les exploits de l’EPR de Flamanville.
Celui-ci, censé coûter 3,3 milliards d’euros et être finalisé en 2012, est encore en construction en 2022 et ne cesse d’accumuler les retards pour atteindre un montant avoisinant les 20 milliards d’euros d’investissement. 20 milliards ! C’est partiquement le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche, une gabegie phénoménale qui devrait nécessiter a minima une enquête parlementaire ! Les dérapages financiers du projet finlandais, qui a coûté 12 milliards d’euros contre 3 milliards prévu et ayant accusé 12 ans de retard, ne plaide pas non plus pour lui. A cela ajoutons l’anglais Hinkley Point, projet plus récent que l’on aurait pu espérer mieux conçu et moins coûteux mais qui a déjà 3 ans de retard et dont le budget est estimé pour la bagatelle de 27 milliards d’euros… Percuté par des coûts de réalisation et de maintenance extrêmement élevés, Areva a dû être démantelé et reconfiguré pour éviter l’effondrement. Encore une belle réussite de ce modèle industriel qui ruine ceux qui en ont la charge. Et que penser de celui qui est en route à Taïshan, en Chine ? Des fuites radioactives ont été découvertes au mois de juin sans qu’on en connaisse la cause, le silence chinois sera difficile à briser… Cependant, la divulgation de cette information dans un pays réputé pour son mutisme ne peut que nous inquiéter sur ce type de centrale et sa fiabilité. Surtout lorsque l’on sait qu’EDF était, par sa filiale Framatome, dans la conception et la gestion de cet EPR.
Le Président-Candidat Macron a popularisé il y a peu le concept de “SMR”, c’est-à-dire de petite centrale nucléaire. Comme le projet d’EPR est un échec patent, Macron tente d’aller dans le sens opposé de l’orientation industrielle proposée jusqu’alors avec les EPR qui se voulaient des mastodontes énergétiques. En effet, compte tenu de l’importance des coûts imposés par les mesures de sûreté et sécurité, la seule solution pour produire de l’énergie à un prix abordable était d’augmenter la taille des réacteurs afin d’augmenter la production d'après les spécialistes. C’est ce qui a conduit à la conception de l’EPR, capable de produire entre 1 400 et 1 600 MW contre au maximum 950 MW pour les réacteurs traditionnels.
Alors comment des mini-réacteurs, d’une puissance inférieure à 170 et 300 MW sont-ils susceptibles de produire une électricité à un prix abordable, alors qu’ils auront à supporter les mêmes contraintes de sécurité ?
Je pourrais encore développer ce propos en évoquant les déchets nucléaires qui débordent des piscines de la Hague et dont nous ne savons que faire, mais je m’arrêterai là.
Bref, il est désormais indispensable d’opérer la refonte de l’outil de production énergétique du territoire pour sortir des énergies carbonées et de l’atome. Nous pensons que cette délibération nous engage sur cette voie, donc nous voterons naturellement pour.
REGIME D'AIDE POUR LA ZONE A FAIBLE ÉMISSION (ZFE)
La lutte contre la pollution de l’air est indispensable tant le nombre de morts prématurés est important, en France et particulièrement sur notre métropole. Mais toutes les méthodes ne peuvent se justifier, or pour améliorer la qualité de l'air, le gouvernement a choisi de recourir aux ZFE qui contraint en règle générale les plus modestes à changer de véhicule de force ou… de force. Le calendrier interpelle tant la concomitance avec l’élection présidentielle est patente. En somme, le gouvernement essaie de mettre sur le dos des intercommunalités les décisions qu’il ne veut pas prendre. Le gouvernement poursuit dans son cynisme en imposant la ZFE tout en n’apportant quasiment aucun financement pour la réaliser. De l’argent, pourtant il n’en manque pas pour les projets écocidaires ! Les tombereaux d’argent pleuvent pour faire le contournement est, Les 250 M€ déboursés par l’Etat auraient pu avantageusement bénéficier au financement de la ZFE. De même, au lieu de gaver d’argent public les industriels de l’automobile sans aucune contrepartie environnementale pendant la crise du Covid, l’Etat aurait été bien inspiré d’aider à financer la mise en place des ZFE, par exemple en finançant les transports en commun et en aidant au renouvellement.
Sur le principe, je ne suis donc pas favorable à ce type de dispositif, c’est pourquoi j’ai fait le choix de ne pas voter la mise en place de la ZFE lors du dernier vote au mois de juillet.
La délibération portait sur des précisions sur la ZFE et surtout sur le dispositif d’aides apporté en particulier auprès des ménages. Tout d’abord, je note que l’Etat a accepté d’intégrer ses propres voiries dans le zonage, ce qui n’est pas le cas dans toutes les métropoles et ce qui était exclu au départ. Avoir une ZFE imposée par l’Etat auquel il se serait soustrait pour ses propres routes nationales, pourtant les plus polluantes, c’était vraiment se moquer du monde…
Sur les aides, je constate qu’un travail très important et de qualité a été réalisé en la matière. Tout d’abord en intégrant plusieurs tranches de revenus pour proposer des aides progressives, évitant les effets de seuil qui exaspèrent ceux qui se trouvent du mauvais côté du seuil, à juste titre. Ensuite en ne mettant pas de contingentement sur le nombre d’aides accordées, contrairement à ce que fait le Grand Paris par exemple qui propose des aides importantes mais à un nombre minuscule de ménage. Ajoutons le dispositif de micro-crédit qui permet de financer le reste à charge après les aides ainsi que l’accord avec le Club mobilités que la Métropole est en train d’engager et qui permettra d’obtenir une avance de trésorerie sur les aides. Enfin en abondant le financement des Centres Communaux d’Action Sociale pour travailler dans la proximité et permettre d’aider des publics qui n’auraient pas été intégrés au départ à cause de situations personnelles parfois complexes et non prévues. Le recours au CCAS permet aussi d’éviter au maximum le phénomène du non-recours qui touche souvent les plus modestes.
J’ajoute que les dispositifs de retrofit (remise à niveau d’un véhicule existant) et l’achat de véhicules d’occasion font également l’objet d’aides, ainsi que l’achat de vélo cargo qui peuvent être des solutions intéressantes mais onéreuses dans certaines situations. Ces possibilités évitent de gorger d’argent systématiquement l’industrie automobile et permet de rentrer dans la ZFE à moindre coût ou en adaptant ses mobilités.
Le souci reste entier pour les personnes qui se trouvent à l’extérieur de la Métropole et y travaillent quotidiennement puisque juridiquement celle-ci ne peut leur apporter d’aide financière. Cela devrait être plutôt du ressort du département qui peut le faire par ses compétences liées aux aides sociales, d’autant plus que c’est une majorité droite/LREM qui gère le département (sic), soutien du gouvernement, celui-là même qui nous impose la ZFE ! Il n’en est rien, ils imposent mais ne proposent rien !
Toujours aussi désolants, les macronistes n’ont pas voté ce régime d’aide tout comme ils n’avaient pas voté la mise en place sur le principe de la ZFE sous des prétextes fallacieux. Ainsi, ils imposent la ZFE au niveau national mais, localement, font profil bas pour ne pas avoir à la voter sous couvert d’arguties incompréhensibles et contradictoires.
Donc, constatant ces avancées, et puisque j’estime qu’il n’était guère possible de faire mieux, j’ai voté favorablement pour ce régime d’aides.