Nadal a tiré sa révérence jeudi dernier. Je l'ai suivi lors de sa première prestation à Roland Garros, en 2005. On regardait ses matchs lors des perm' au lycée des Haberges à Vesoul, ou à la maison avec mon grand frère Nicolas qui est un grand fan de tennis. Ses matchs m'avaient véritablement scotché. Un monstre d'endurance, une puissance physique, une façon de renvoyer les balles comme des comètes...On disait de lui qu'il n'était qu'un bourrin qui tambourinait depuis le fond de cour, pour ma part je trouvais ça vraiment spectaculaire. Son premier Roland, il l'a gagné contre le dopé Mariano Puerta en 4 sets. Une révélation.
J'ai continué à le suivre les années suivantes. Beaucoup préféraient le virtuose Roger Federer, son rival, à l'opiniâtre Rafa. Mon frangin Nicolas avait une affection toute particulière pour "Roger". Personnellement, j'étais de la Team Nadal.
Sa première défaite à Roland Garros face à Söderling, un joueur mesquin et assez détestable, avait été un choc à l'époque. Je ne m'attendais absolument pas à ce qu'il perde, même au moment de la balle de match pour le Suédois j'étais confiant sur la victoire de mon champion. Ce qui m'a marqué, ce sont les applaudissements du public parisien pour Soderling, et même les Vivats quand Rafa a perdu. Le retournement de l'opinion du public vis-à-vis de quelqu'un qui avait toujours eu un comportement irréprochable sur le court était un enseignement sur le long terme. Les gens voulaient juste voir du changement.
Nadal, c'est aussi un fairplay irréprochable, toujours prompt à féliciter son adversaire et à jurer la main sur le coeur avoir souffert le martyr dans un match "muy muy dificil" (en réalité gagné les doigts dans le pif). Ce maintien et cette politesse le rendaient excessivement lisse et fade en dehors des courts... Il n'a jamais été un bon communiquant, juste un bon joueur.
Et quel joueur ! Chaque balle jouée comme une finale de Grand Chelem ! Un exemple pour le jeune homme que j'étais ! Lorsque, vers 20 piges, je me suis mis à me bouger le derrière et à faire du sport, c'était Nadal ainsi qu'Ippo (un personnage de manga) qui me servaient de fil à plomb dans la rigueur nécessaire à toute activité sportive. Pendant quelques années à chaque fin de Roland Garros j'essayais de me mettre au tennis avec toujours le même sentiment d'impuissance face à cette incontrôlable balle jaune. J'ai rapidement mis fin à ma carrière internationale, les médias n'en ont guère parlé. Je suis convaincu que sa combativité, sa ténacité ont été une source d'inspiration pour beaucoup, bien au-delà des frontières du tennis.